Le bénévole est l’une des principales chevilles ouvrières des clubs sportifs amateurs. On estime que parmi les 16 millions de bénévoles que compte notre pays, 25% sont actifs dans des associations sportives. Soit près de 4 millions de personnes. Autant dire, une armée.
Si cette implication massive des bénévoles dans le sport français représente une chance exceptionnelle pour les clubs, elle leur pose aussi d’importantes difficultés. La première d’entre elles est qu’il peut rapidement s’avérer difficile de distinguer la situation d’un bénévole de celle d’un salarié. Avec des conséquences potentiellement graves.
Des bénévoles sans statut
Il convient tout d’abord de spécifier qu’après d’innombrables travaux parlementaires sur le « statut » juridique du bénévole, il a été conclu… qu’il ne fallait pas lui en octroyer un !
De nombreuses définitions du bénévolat coexistent donc aujourd’hui, parmi lesquelles nous retiendrons, cependant, celle du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) pour lequel : « Le bénévole est celui qui s’engage librement pour mener à bien une action en direction d’autrui, action non salariée, non soumise à l’obligation de la loi, en dehors de son temps professionnel et familial ».
Le bénévole se distingue du salarié essentiellement en ce qu’il :
– ne perçoit pas de rémunération, ni en espèces ni en nature, bien qu’il puisse être dédommagé des frais induits par son activité (déplacements ou achats de matériels, par exemple) ;
– n’est soumis à aucun lien de subordination juridique. Sa participation est volontaire et il est toujours libre d’y mettre un terme sans procédure ni dédommagement.
Des bénévoles salariés et des salariés bénévoles
Si, à première vue, la situation semble juridiquement claire, d’où viennent alors les problèmes rencontrés sur le terrain ?
Le premier cas, de loin le plus répandu, est le plus simple. Les clubs amateurs ont des moyens financiers limités. Ils ne sont pas en capacité d’employer autant de salariés qu’ils le souhaiteraient. Ils mettent alors en place des procédures de fonctionnement telles que le bénévole se trouve, progressivement, traité comme un salarié. Ses dédommagements se mettent à dépasser le montant des frais à lui rembourser. Et sa participation « volontaire » à la vie du club devient forcée, de sorte qu’un lien de subordination hiérarchique s’installe entre lui et les dirigeants de son club.
Tout l’enjeu des clubs, dans ce type de situation, consiste à s’assurer qu’un bénévole ne devienne pas salarié, avec l’introduction larvée d’une forme de rémunération et de l’instauration d’un lien hiérarchique.
Le deuxième cas est a priori plus complexe et la chambre sociale de la Cour de Cassation a eu à en connaître, le 4 novembre 2016. Il s’agit non plus du cas du bénévole qui devient salarié, mais de celui, plus atypique, du salarié qui devient bénévole.
En l’espèce, le club de football de Marck, dans le Pas-de-Calais, avait embauché pour 6 mois un jeune éducateur dans le cadre d’un contrat unique d’insertion. Le club n’ayant pas les moyens de le conserver en qualité de salarié à l’issue de cette période de 6 mois, ce dernier continua ses activités de manière non rémunérée pendant une période supplémentaire de 3 mois.
La période était non rémunérée, mais elle n’était manifestement pas bénévole, puisque le jeune éducateur porta son cas devant le Conseil des Prud’hommes, afin de faire reconnaître de facto et de jure l’existence d’un contrat de travail.
Après un passage devant la Cour d’Appel de Douai, qui ne lui donna pas satisfaction, il décida de se pourvoir en cassation pour finalement s’entendre dire que le bénévolat peut parfaitement succéder au travail salarié et qu’en l’espèce, il ne fait aucun doute que les parties entendaient continuer leur relation d’une manière volontaire et sans cadre juridique particulier, autre que les statuts et le règlement intérieur du club.
Eviter le mélange des genres
Les intérêts en jeu étaient conséquents puisque, en cas de requalification de la relation de bénévolat en salariat, celle-ci aurait entraîné dans le chef du club :
– l’obligation de cotiser au régime général de la sécurité sociale ;
– le risque de voir le club être condamné pour travail dissimulé ;
– l’application de l’ensemble de la règlementation du travail notamment l’obligation de respecter une procédure de licenciement lors de la rupture des relations avec le bénévole.
Pour bien comprendre comment on en arrive à une telle situation, il est important de préciser que quels que soient les termes par lesquels les parties décident d’« habiller » leur relation, seules comptent au final les conditions de fait dans lesquelles cette relation s’exerce.
Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un club et l’un de ses éducateurs considèrent que leur relation relève du bénévolat, que les tâches effectuées par cet éducateur le seront à titre bénévole.
Le droit du travail est un droit impérieux. Il est d’ordre public. Et ce, pour deux raisons.
Tout d’abord, parce que c’est un droit de protection du salarié. Or des quantités de formes de travail pour autrui ne sont pas à proprement parler du salariat. A chaque fois, il convient donc de pouvoir leur trouver une qualification légale et de les justifier au regard de la législation existante.
La seconde raison est plus fondamentale : l’application du droit du travail fonde notre protection sociale. Les cotisations calculées sur les salaires remplissent les caisses de sécurité sociale, les caisses de retraite et les systèmes de protection sociale.
Ce qui emporte une conséquence importante : ce ne sont pas seulement les salariés et les travailleurs qui peuvent réclamer une requalification et demander l’application du droit du travail, mais aussi les services de l’État, la Sécurité sociale ou l’Urssaf. Et l’Etat et ses satellites ne se privent pas de le faire. Très régulièrement et impitoyablement.
Bénévole salarié ou salarié bénévole… Les dirigeants de clubs ont tout intérêt à rester vigilants. Et à éviter le mélange des genres.
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