Chaque jour apporte son lot de surprises concernant l’organisation de la Coupe du Monde au Qatar en 2022. Dimanche, ce fut au tour de Philippe Piat, Président de l’Union Nationale des Footballeurs Professionnels français (UNFP) mais également de la FIFPro, syndicat international des joueurs professionnels, de monter au créneau.
Philippe Piat déclara ainsi que “la FIFPro continuera de s’opposer à mettre la santé des joueurs en danger, comme le stipulent d’ailleurs les règlements de la FIFA, qui précisent qu’au-delà de 32 degrés le risque est majeur pour les joueurs. (…) La FIFPro réaffirme donc qu’on ne jouera pas la Coupe du monde 2022 en été”.
Il faut dire que le représentant des joueurs a de quoi être agacé.
Il y avait de bonnes raisons d’organiser la Coupe du Monde 2022 au Qatar
Bien que le Qatar soit un Etat confetti, bien que la démocratie y soit un principe politique encore non abouti, bien qu’il ne soit pas un pays de football, bien qu’il soit soumis à des températures estivales abominablement élevées et bien qu’il existait encore de nombreuses autres raisons de ne pas lui octroyer l’organisation d’une Coupe du Monde, c’est pourtant sur le Qatar que s’est portée la majorité des votes des membres de la FIFA.
Cheick Hamad Bin Khalifa bin Ahmad Al Thani, Président de la Fédération Qatarie de Football, déclarait le 25 juin dernier au Monde qu’« il y a de bonnes et légitimes raisons pour lesquelles le Qatar a remporté l’organisation de cette compétition dans huit ans, face à des adversaires mieux connus. (…) notre candidature l’a emporté (…) parce que nous avons fourni des réponses convaincantes. (…) Nous avons gagné parce que notre dossier de candidature a été considéré comme étant le meilleur ».
Le Président de la Fédération Qatarie de Football ne peut pas dire plus vrai. Toutes les raisons objectives d’écarter le dossier qatarien ont été discutées. Aucune n’a été ignorée. Même les températures estivales auront fait l’objet de débats contradictoires. C’est donc bien un dossier solide, préféré à ceux de l’Australie, de la Corée du Sud, des Etats-Unis et du Japon, qui remporta la faveur des votes.
Organisé la Coupe du Monde au Qatar c’était permettre d’exporter cette compétition au Moyen-Orient, région qui n’a pas encore eu l’honneur et l’avantage d’organiser un tel événement. C’était aussi ne pas octroyer de nouveau la Coupe du Monde aux Etats-Unis qui l’organisèrent en 1994 ni même à la Corée du Sud et au Japon qui l’organisèrent conjointement en 2002. Restaient donc l’Australie et le Qatar. Et le Qatar l’a emporté.
Fait-il plus chaud au Qatar aujourd’hui qu’hier ?
Depuis lors, les acteurs du football international sont entrés dans un débat cacophonique sans précédent. Comme si finalement, après en avoir pourtant débattu longuement, ils découvraient qu’en été, il fait très chaud au Qatar.
On jouera en été
Les températures estivales peuvent effectivement dépasser les 50°C dans cette région du monde. Alors comment faire ?
Les responsables Qataris avaient été clairs : ils peuvent climatiser les stades. Mais cela ne semble plus être crédible ou suffisant puisque la FIFA elle-même, des responsables de fédérations ou autres ligues nationales, des clubs et les joueurs via leurs organisations représentatives, ne se satisfont plus des conditions d’organisation de la Coupe du Monde 2022.
Le premier à ouvrir le feu fut Theo Zwanziger, ancien Président de la puissante fédération allemande de football, toujours membre exécutif de la FIFA, qui déclara au quotidien allemand Bild le mois dernier, que la Coupe du Monde 2022 n’aura pas lieu au Qatar. Et c’est un secret de polichinelle que de nombreux autres membres du Comité Exécutif de la FIFA partagent le point de vue de leur collègue allemand.
A moins qu’on joue en hiver
Nasser Al-Khater, directeur exécutif du comité d’organisation Qatar-2022, a de son côté affirmé le 22 septembre dernier dans un communiqué que le Mondial se tiendrait bien dans l’émirat. «Le Qatar accueillera le Mondial en 2022, en dépit des commentaires du Dr Zwanziger (…). La seule question qui demeure aujourd’hui, c’est quand, pas si. Que ce soit en été ou en hiver, nous serons prêts».
Dont acte. Le Qatar est finalement prêt à organiser la Coupe du Monde en hiver, bien que cela n’ait pas été initialement proposé aux membres de la FIFA.
Le Président Sepp Blatter s’engouffra dans la brèche le 20 octobre dernier endéclarant sur France Info que «La date qui convient, c’est la fin de l’année. (…) Pour moi, (novembre-décembre) c’est la meilleure solution ».
Le problème est que jouer en hiver supposerait de complètement remodeler les calendriers des championnats nationaux et des compétitions européennes, Ligue des Champions y comprise. Et ce ne serait pas une mince affaire pour l’UEFA, les fédérations nationales, les clubs et les joueurs.
Ou peut-être en mai
C’est donc sans surprise que l’association des clubs européens (ECA), qui s’est réunie à Londres début octobre, a fait part via la BBC de son point de vue divergent sur le sujet. Regroupant les clubs les plus puissants tels que Manchester United, Chelsea, le Bayern Munich, Barcelone, le Real Madrid et le Paris SG, elle propose que le tournoi se dispute au mois de mai, estimant que cette date serait celle qui entraînerait le moins de perturbations dans les calendriers.
En mai, la température au Qatar est d’environ 35°C. Or la FIFA pourrait juger acceptable ce niveau de chaleur, les Mondiaux mexicain (1986), américain (1994) et nippo-coréen (2002) s’étant déroulés dans des conditions climatiques plus ou moins identiques.
L’ECA a été rejointe par le syndicat des ligues de football européennes professionnelles (EPFL), qui s’est prononcé vendredi dernier contre un changement de dates du Mondial 2022 au Qatar. L’EPFL, qui représente 31 ligues (soit environ 1000 clubs), avait expliqué vendredi par la voix de son président Frédéric Thiriez qu’un changement de dates du Mondial 2022, d’été à hiver, “nuirait aux compétitions nationales” et à “l’économie des ligues”.
Ou peut-être quand même en hiver
Outrée par la position des ligues comme des clubs, la FIFPro via Philippe Piat déclara donc dimanche dernier que “Cette volte-face des Ligues européennes, aujourd’hui pour le statuquo, s’explique sans doute par la volonté de l’EPFL et de l’ECA de réclamer sous peu une indemnisation à la FIFA (…). La FIFPro réaffirme donc qu’on ne jouera pas la Coupe du monde 2022 en été”.
Non… en été
Conscient que le dossier est critique et que la crédibilité de la FIFA est sérieusement entamée, Harold Mayne-Nicholls, qui a dirigé la commission technique de la FIFA évaluant chaque candidature pour les coupes du monde 2018 et 2022 et par ailleurs probable candidat à la Présidence de la FIFA contre Sepp Blatter, a quant à lui suggéré il y a quelques jours que la Coupe du Monde 2022 pourrait bien être jouée en été et que les matches auraient alors à débuter plus tôt que de coutume, dès les premières heures de la matinée.
Enfin bref on verra
Il est donc clair… que rien n’est clair. La FIFA a voté pour l’organisation d’une Coupe du Monde au Qatar, devant se dérouler du 12 juin au 10 juillet 2022 dans des conditions climatiques bien connues au moment du vote. Ce serait d’ailleurs faire insulte aux membres de la FIFA que de penser le contraire. Mais ce qui était acceptable le 2 décembre 2010, le jour du vote pour l’octroi de l’organisation de cette compétition, ne l’est manifestement plus aujourd’hui.
La FIFA semble dorénavant penser que la compétition pourrait se jouer en hiver. Sauf, en son sein, ceux qui pensent le contraire.
Les clubs et les ligues ne le souhaitent pas et espèrent pouvoir jouer au mois de mai, ou en été. Sauf, en leur sein, les joueurs qui souhaitent jouer en hiver.
La prochaine discussion du groupe de travail à ce sujet, dirigé par le vice-président de la commission de discipline de la FIFA, Shaikh Salman Bin Ebrahim Al-Khalifa, doit se réunir début novembre en compagnie des principaux diffuseurs de l’épreuve. Ses conclusions seront annoncées en mars 2015.
Sauf si…
La Coupe du Monde 2022 se jouera donc en été, en hiver ou au mois de mai. Mais se jouera t-elle finalement au Qatar ?
Doha a toujours nié avoir influencé les votants, alors que des journaux comme “France Football”, le “Daily Telegraph” ou le “Sunday Times” ont fournis des éléments venant renforcer les soupçons de malversations.
Il faudra donc attendre les conclusions de l’enquête menée par Michael J. Garcia, nommé par la commission indépendante de gouvernance de la FIFA, et la décision du juge Hans-Joachim Eckert, pour savoir si l’attribution de la Coupe du Monde au Qatar aura ou non été l’objet de corruption.
Espérons que les problèmes de la FIFA se limiteront à des considérations de températures ambiantes dans les stades du Qatar. Car à défaut, les problèmes à régler dans la bonne gouvernance du football seront bien plus importants que des refontes de calendriers.
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