Quelle affaire! Zinedine Zidane pourrait se voir interdire d’entraîner en Espagne! Quel affront! Comment est-ce possible? De qui se moque t-on? En Espagne comme en France, nombreuses sont les voix officielles à s’être élevées pour défendre l’icône du football français.
Mais qu’en est-il vraiment? Sous prétexte que l’on s’appellerait Zidane, on pourrait entraîner sans diplôme? Il suffirait donc pour être entraîneur professionnel d’avoir préalablement été joueur professionnel?
Les Français, qui ont fait de l’égalité des chances un principe juridique et Zinedine Zidane mieux que quiconque, savent que le football professionnel ne saurait appartenir à une caste. C’est une passion, un sport mais également pour certains un véritable ascenseur social. Dès lors, quand comme notre illustre concitoyen, on sort des quartiers de Marseille, on sait que la méritocratie est de loin préférable à l’aristocratie.
L’accès à la profession d’entraîneur professionnel est réglementé
La profession d’entraîneur de football professionnel est que l’on veuille ou non une profession réglementée. Cela suppose donc que ceux souhaitant la pratiquer possèdent les diplômes requis. La possession de ces diplômes offre a priori une double garantie. La première est communément admise et consiste à s’assurer que les entraîneurs puissent être correctement formés et qu’ils aient acquis les connaissances nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.
La deuxième, moins souvent débattue mais pourtant essentielle, consiste précisément à s’assurer que le football professionnel ne devienne pas un système aristocratique dans lequel chaque fonction d’importance appartiendrait à une caste. Tel serait assurément le cas s’il suffisait, pour être entraîneur professionnel, d’avoir été préalablement joueur professionnel.
Un football aristocratique n’aurait alors pas connu Guy Roux (qui détient le record du nombre de matchs dirigés en première division en tant qu’entraîneur avec 894 rencontres sur le banc) ni même Gérard Houllier (entraîneur entre autres du PSG, Lyon et Liverpool mais également entraîneur de l’équipe de France, Directeur Technique National et peut-être futur président de la FFF), tous deux n’ayant évolué qu’au niveau amateur en tant que joueurs.
Mais la réglementation est à interprétation variable
Le système français n’est bien entendu pas parfait car nombreux sont les clubs à engager des entraîneurs non diplômés qu’ils « couvrent » administrativement par l’embauche d’entraîneurs prête-noms. Le système est connu et accepté dans un silence assourdissant y compris par tous ceux qui se sont élevés contre la décision espagnole de sanctionner Zinedine Zidane.
L’un des meilleurs exemples est celui de Roland Courbis qui entraîna en France de 1986 à 2014 sans le fameux Diplôme d’Entraîneur Professionnel de Football (DEPF). Celui qui, comble de l’ironie, anima pendant des années une émission sur RMC appelée « Coach Courbis » aura pu entraîner, entre autres, Ajaccio, Bordeaux, Lens, Marseille, Montpellier et Toulouse sans le diplôme en question qu’il finit par obtenir en mars de cette année.
Nous noterons également que cette saison, des entraîneurs tels que Makelele (Bastia) et Sagnol (Bordeaux) entraînent avec une dérogation de la FFF dans la mesure où ils sont encore en formation dans l’attente de l’obtention de leur DEPF.
En d’autres termes, le système français de formation des entraîneurs est globalement bon. Il est complet, sérieux, les formations sont encadrées par des intervenants compétents et l’exigence y est de mise.
La FFF et l’UNECATEF (syndicat français des entraîneurs de football) disent d’ailleurs assez souvent de lui, haut et fort, que ce serait le meilleur système de formation en Europe. Elles oublient peut-être d’ajouter qu’il est régulièrement détourné puisque des entraîneurs non diplômés dirigent chaque saison des équipes de Ligue 1 en France.
Zinedine Zidane est en cours de formation en France et il a obtenu de la FFF la même dérogation que celle obtenue par ses amis Makelele et Sagnol.
N’ayant pas son DEPF, il n’aurait donc pas encore le diplôme requis en Espagne.
Alors comment traiter son cas?
La jurisprudence Georges Heylens et la mémoire sélective de la FFF et de l’UNECATEF
A lire les différentes déclarations de la FFF et de l’UNECATEF de ces derniers jours, le moins que l’on puisse dire est qu’elles ont indubitablement une mémoire très sélective. Elles semblent en effet avoir oublié que dans les années 1980, Georges Heylens, illustre entraîneur belge que Lille (LOSC) souhaitait engager pour diriger son équipe, s’est vu refoulé par la FFF et l’UNECATEF sans que leur décision ne soit même motivée. Georges Heylens était pourtant un entraîneur expérimenté, réputé et diplômé de la fédération belge de football (Union Royale Belge de Football Association).
Le cas fut malheureusement pour les instances du football français mais heureusement pour le football et le droit européens, porté à la connaissance de la Cour de Justice de l’Union européenne qui débouta la FFF et l’UNECATEF.
C’est d’ailleurs ce fameux arrêt « Georges Heylens » qui poussa ensuite l’UEFA à se pencher sur un système de reconnaissance des diplômes d’entraîneurs, actuellement en vigueur.
Même si cet arrêt ne répond pas au cas précis de Zinedine Zidane en ce que ce dernier n’est pas encore diplômé et qu’il ne serait conséquemment être question pour lui de reconnaissance des diplômes entre l’Espagne et la France, les débats juridiques qu’il a suscités pourraient servir à l’icône du football français.
En effet, un examen de sa situation au regard des différents critères objectifs issus de ces débats, ne pourrait qu’amener les autorités espagnoles à prendre une décision qui lui serait favorable.
Ceci étant dit…
S’il y a donc au final peu de souci à se faire pour Zinedine Zidane et si ce dernier fera selon toute vraisemblance un entraîneur passionné et passionnant, il est dommage que son cas ait suscité autant de propos passionnels voire diffamants envers nos amis espagnols.
Que l’on s’appelle Zinedine Zidane ou pas, il est normal que l’exigence d’un diplôme s’impose. Alors laissons les Espagnols vérifier que notre concitoyen est dûment qualifié et qu’il mérite d’entraîner chez eux. Tout le monde en ressortira grandi.
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