Le 2 avril dernier, la nouvelle faisait l’effet d’une bombe dans le milieu du football professionnel : la FIFA interdisait le mythique club de Barcelone de recrutement pour une période couvrant deux mercatos (à savoir les deux prochaines périodes légales de recrutement que sont l’été 2014 et l’hiver 2015) en raison de supposées infractions relatives au recrutement de joueurs mineurs. Le FC Barcelone a bien entendu fait appel de cette sanction et la FIFA a été contrainte le 23 avril d’accorder à cet appel un caractère suspensif en raison de “la complexité du dossier” et de la durée prévisible des procédures judiciaires qui pourraient suivre.
La FIFA veut frapper un grand coup
En sanctionnant Barcelone, la FIFA a sans nul doute voulu frapper un grand coup. Pour bien le comprendre, il faut rappeler ce qu’est le FC Barcelone dans le milieu du football international. C’est d’abord un club qui a, entre autres, été 22 fois champion d’Espagne, qui a gagné à 26 reprises la coupe du Roi, qui a gagné à 4 reprises la fameuse Ligue des Champions, qui a aussi remporté 7 coupes d’Europe, 4 super coupes d’Europe et 2 coupes du monde des clubs. Mais c’est aussi selon la dernière étude du cabinet d’audit Deloitte publiée le 23 janvier 2014, le deuxième club au classement des clubs les plus riches du monde avec 482,6 millions d’euros de revenus, juste derrière le Real Madrid, son éternel rival, et devant le PSG classé 5ème avec 398,8 millions de revenus. En d’autres termes, le FC Barcelone est un monstre sportif et un monstre financier. Et c’est pourtant à lui que la FIFA s’attaque alors même qu’elle avait selon toute vraisemblance bien d’autres dossiers similaires à traiter.
Quelles sont les règles qu’elle entend faire respecter ?
LA FIFA a encadré les transferts de joueurs dans un règlement dont les articles 19 et 19 bis sont consacrés à la protection des mineurs. Ces dispositions posent en principe que les transferts de joueurs mineurs sont interdits mais prévoient par ailleurs trois exceptions: 1) les cas des joueurs mineurs qui suivent leurs parents qui s’installent dans un nouveau pays, ou leur enfant signe alors un contrat pour un club local, 2) les cas de mineurs de 16 à 18 ans qui, au sein de l’Union européenne et de l’Espace Economique Européen, sont transférés dans des centres de formation ou leurs scolarité et leur hébergement sont assurés et 3) les cas de joueurs mineurs vivant à moins de 50 kms d’une frontière et signant dans un club du pays voisin se situant lui-même à moins de 50 kms de la frontière, de telle sorte qu’il ne soit pas distant de plus de 100 kms du domicile de leurs parents.
On aura compris qu’à travers ces règles, la FIFA veut s’assurer que des mineurs ne soient pas déracinés, éloignés de leurs familles, qu’une bonne éducation leur soit donnée en parallèle de leur formation de joueurs de football et que leur hébergement soit assuré. Nous avons tous entendu parler de ces jeunes joueurs africains à qui il fut promis monts et merveilles et qui furent littéralement abandonnés, sans papiers et dans le plus grand dénuement une fois considérés par les clubs européens les ayant recrutés comme insuffisamment performants.
Quelle est la réalité sur le terrain ?
Toutefois, au-delà de ces règles, la réalité est d’abord économique. Depuis le fameux arrêt Bosman de 1995, de la Cour de Justice de l’Union européenne, qui a confirmé la libre circulation des joueurs au sein de l’Union, de nombreux clubs ont commencé à recruter de jeunes talents à l’étranger avec pour but ou pour conséquence de diminuer leurs coûts de formation. L’âge moyen du premier transfert des joueurs des championnats majeurs était ainsi de 24,3 ans en 1980/81 alors qu’il serait passé, selon les dernières données disponibles, à 20,8 ans en 2012/13.
Les clubs ne se battent donc plus seulement pour recruter les meilleurs joueurs en vue d’obtenir les meilleures performances sportives. Ils se battent aussi pour recruter les plus prometteurs d’entre eux, alors même qu’ils ne sont encore que mineurs, quitte à parfaire leur formation une fois recrutés.
Pour cela, tous les moyens sont bons. Y compris ceux consistant à détourner les règles de la FIFA. Le moyen le plus communément pratiqué consiste à offrir aux parents du jeune surdoué, mais mineur, une nouvelle vie dans la ville du club souhaitant recruter leur fils tout en jurant à qui voudra les entendre n’être intervenu en rien dans leur déménagement soudain à proximité de leurs infrastructures sportives. Comme il s’agit là de l’une des exceptions (celle consistant pour un enfant à suivre ses parents à l’étranger) à l’interdiction du recrutement de jeunes joueurs mineurs, il est donc effectivement tentant pour de grands clubs aux moyens financiers conséquents, de convaincre les parents plutôt que leurs fils.
Et c’est de cela dont on parle, entre autres, pour le FC Barcelone. Il n’est d’ailleurs pas exclu que l’un des jeunes garçons recrutés par le FC Barcelone et dont le dossier fera l’objet d’une instruction, puisse être le français Théo Chendri qui a récemment rejoint le FC Barcelone a l’âge de 15 ans et demi.
Barcelone, la victime expiatoire du football européen ?
On peut toutefois s’étonner du fait que le club catalan se retrouve aujourd’hui dans une telle position. Son centre de formation, dénommé la Masia, est l’un si ce n’est le meilleur au monde. Les jeunes joueurs y sont choyés et le club s’enorgueillit d’être l’un des plus performants en Europe tout en faisant jouer dans ses rangs de nombreux joueurs formés en son sein dont Lionel Messi lui-même mais aussi Xavi Hernandez, Andres Iniesta, Gerard Piqué, Sergio Busquets, Cesc Fabregas, Pedro et autre Carlos Puyol. Quel autre club majeur peut aujourd’hui présenter un tel bilan ?
Et ce n’est manifestement pas prêt de s’arrêter puisque le premier lauréat de l’UEFA Youth League (l’équivalent de la Ligue des Champions pour les joueurs de moins de 19 ans) a été remportée 3-0 en finale le 19 avril dernier par… le FC Barcelone. Avec à sa tête un attaquant marocain de 18 ans au potentiel hors du commun dont on reparlera sans aucun doute. En espérant que personne n’ait à parler entre temps de la manière dont il aura été recruté.
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