SPORT – A l’heure où le football français se déchire autour d’une réforme de la Ligue de Football Professionnel aux contours encore incertains mais qui comporterait – horreur et damnation ! – la création d’une Première Ligue (sans la Ligue 2), la “Premier League” anglaise vient de rendre publique une étude réalisée par le cabinet d’audit international Ernst & Young. Elle contient 32 pages de réalités factuelles que les opposants au changement de la gouvernance du football français feraient bien de méditer.
En bref, cette étude a visé la saison 2013/14 et s’est penché sur la seule Premier League, créée en 1992. Elle rappelle qu’en 1988, la Football League avait vendu les droits TV du championnat anglais de division 1 pour l’équivalent de 15,5 millions d’euros. En 1992, la toute fraîchement née Premier League, les vendait pour 56 millions d’euros.
En 2013/14, ces droits étaient vendus au Royaume-Uni et dans le reste du monde pour un total de 2,415 milliards d’euros. C’est ce cycle de croissance que l’étude d’Ernst & Young tente d’expliquer.
Ce qu’il faut en retenir pourrait se résumer comme suit :
Un public de plus en plus large et de plus en plus diversifié
C’est d’abord dans les stades que la Premier League a pu quantifier son succès. D’une moyenne de 21.125 spectateurs par match en 1992/93, la fréquentation des stades est passée à une moyenne de 36.691 spectateurs en 2013/14, marquant une augmentation notable de 74% en quelques vingt années.
Le taux de remplissage des stades est passé de son côté, pour la même période, de 69,6% à 95,9%.
Concernant le public, 23% des spectateurs étaient en 2013/14 des spectatrices et la sécurité retrouvée dans les stades anglais explique, qu’aujourd’hui, 12% des spectateurs ont moins de 16 ans.
Cette popularité ne s’est bien entendu pas limitée aux seuls Britanniques puisque les matches de Premier League ont été retransmis durant ladite saison dans 175 pays atteignant de manière prodigieuse quelques 675 millions de foyers. A titre d’exemple, le rapport mentionne que 115 millions d’Américains et 89 millions de Nigérians ont pu voir les matches en question avec une croissance de respectivement 114% et 39% par rapport à la saison 2012/13.
Des droits TV hors normes
La popularité de la Premier League s’est donc aussi et surtout exportée via les retransmissions télévisées de ses matches.
Ainsi, en 2013/14, les revenus TV de la Premier League étaient de 1,4 milliard d’euros au Royaume-Uni et de 1,015 milliard pour le reste du monde, soit un total de 2,415 milliards d’euros. Ces revenus sont à comparer à ceux de la Ligue 1 qui, pour la même saison, n’engrangeait que 490 millions d’euros de droits TV.
Mais ils peuvent aussi être comparés à ceux de la Bundesliga allemande qui atteignaient 498 millions d’euros, à ceux de la Liga espagnole qui atteignaient 760 millions d’euros et à ceux de la Serie A italienne qui se montaient à 851 millions d’euros. De telle sorte que les droits TV cumulés, engrangés par les championnats allemand, espagnol, français et italien atteignaient péniblement 2.599 milliards d’euros là où les seuls Anglais empochaient 2,415 milliards d’euros.
Soit pour la saison 2013/14, en milliards d’euros :
Des investissements dans les stades
Et ces revenus n’ont pas été dépensés qu’en talents. Les clubs de Premier League ont tous investi dans leurs stades, 7 d’entre eux en ayant même construit de nouveaux.
Stades dont ils ont également su tirer des revenus supplémentaires. On estime ainsi qu’Arsenal, le club entraîné par Arsène Wenger, tirerait 50 millions d’euros de revenus supplémentaires de l’Emirates Stadium par saison, qu’il n’en tirait de Highbury, son précédent stade.
Parallèlement, 291 millions d’euros permettant d’en lever au final près de 1,5 milliard auront aussi été utilisés par la Fondation de la Premier League afin de créer 469 terrains artificiels et 2500 terrains en herbe ainsi que pour rénover plus de 1500 stades en Angleterre.
Des investissements dans la formation des jeunes joueurs
Par ailleurs, conscients que la Premier League permet difficilement l’éclosion de jeunes talents anglais, elle s’est engagée dans un programme quadri annuel dénommé l’Elite Player Performance Plan, doté de 476 millions d’euros et visant principalement à encadrer l’évolution des jeunes des clubs amateurs.
Impact économique de la Premier League en Grande-Bretagne
Finalement, le foot anglais est économiquement puissant et peut verser des sommes folles dans des talents. Mais il emploie également de nombreuses personnes et paye des impôts conséquents. L’étude est à cet égard différente de celle effectuée chaque année en France pour l’Union des Clubs Professionnels de Football et pour la Ligue de Football Professionnel. De telle sorte qu’ici comparaison ne sera pas raison.
Mais nous pourrons toutefois noter que les clubs de Premier League génèrent 8,736 milliards d’euros de revenus, qu’ils emploient plus de 100.000 personnes et qu’ils payèrent 3,370 milliards d’euros d’impôts de toutes sortes en 2013.
Son impact est également important au niveau social, pour des industries telles que la construction, l’HORECA, les médias, les paris sur le foot, le tourisme et autres industries liées indirectement au football et à ses compétitions.
En résumé
Dit autrement, la Premier League est une véritable machine de guerre économique, dont les rouages vertueux sont les suivants :
C’est aujourd’hui, dit Ernst and Young dans son étude, la troisième plus importante ligue sportive au monde par les revenus, derrière les deux ligues américaines que sont la Major League Baseball et la National Football League (football américain, à ne pas confondre avec leur soccer, à savoir notre football) mais qui sont composées respectivement de 30 et 32 clubs.
Alors finalement, les Anglais sont-ils plus intelligents que nous? Nous en serions vexés. Jouent-ils mieux au foot que nous? Non, hier peut-être mais plus aujourd’hui. Aiment-ils plus le foot que nous? Vraisemblablement.
Mais cet amour immodéré pour le ballon rond ne saurait justifier à lui seul que les Anglais aient pu construire une Premier League économiquement aussi dominatrice du football mondial. Et cela ne saurait en tout état de cause pas justifier que le football français décline de manière constante depuis lors. Déclin structurel que l’Olympique Lyonnais et le PSG ont su masquer pendant longtemps grâce à leurs réussites individuelles.
Alors qu’un groupe de dirigeants de clubs français, à la tête desquels nous retrouvons encore Jean-Michel Aulas, l’inoxydable président lyonnais, veuille créer une Première Ligue à la française ne saurait être qu’une bonne nouvelle. En tout cas pour ceux qui ne croient pas au fatalisme et qui croient encore à une France qui gagne.
Et tant pis pour les autres.
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