Dans son édition de ce dimanche, le JDD présente une note interne de l’UEFA datant de 1998 qui laisse sous-entendre que l’accord conclu par Michel Platini avec Sepp Blatter était connu de tous les membres du bureau exécutif de l’instance, dont trois étaient aussi membres de celui de la Fifa. Thierry Granturco, avocat spécialiste en droit du sport, estime que ce document ne saurait servir de preuve irréfutable et ne peut donc pas, à lui seul, sauver Michel Platini.
Thierry Granturco, comment qualifier ce document de 1998 mis au jour ce dimanche par le JDD ?
Il s’agit d’un début de preuve, qui apporte de l’eau au moulin à la défense de Michel Platini, en renforçant le fait que l’information selon laquelle il aurait signé un contrat avec la Fifa aurait circulé au sein de l’UEFA. Dans un cadre relativement restreint, mais dans lequel figuraient des membres de l’UEFA siégeant également à la Fifa. Or, la Fifa estime que dans son organisation, cette information n’a jamais circulé. Et que par conséquent, l’information a été occulte ou que tout a été fait pour qu’elle reste occulte.
L’information a circulé au sein de l’UEFA. Peut-on aller jusqu’à dire que ce fut le cas au sein de la Fifa ?
S’il permet à Michel Platini d’argumenter sur le fait que ses relations avec la Fifa, en tout cas contractuelles, n’ont pas été totalement secrètes, ce document ne lui permet pas pour autant de prouver que la Fifa était dûment informée. Ça l’aide à argumenter et à plaider son intégrité dans ses relations avec la Fifa, mais ce n’est pas encore complétement probant.
Ce document peut-il faire tomber les accusations de la Fifa ?
C’est une note interne qui a circulé et manifestement, un certain nombre d’officiels ont pu en prendre connaissance. Mais pour autant, la Fifa a ses propres procédures. Et dans le cadre de ces procédures, un certain nombre de questions ont dû se poser quant à la possibilité de Michel Platini d’avoir signé un contrat avec Sepp Blatter et donc avec la Fifa. Et ce qu’on comprend du dossier quand on essaie de lire à travers les lignes, c’est que, dans le cadre de ces procédures internes, cette information n’a pas été donnée à la Fifa. C’est la raison pour laquelle il est mis en accusation par la commission d’éthique.
Vous estimez donc que ce document révèle, à l’inverse, un manque de preuves du côté de Michel Platini…
On se rend bien compte, à travers la note de l’UEFA dont on parle aujourd’hui, qu’il n’y a manifestement pas de note de la Fifa. Parce que s’il y avait eu un document interne à la Fifa probant, il aurait probablement déjà été mis sur la table et Michel Platini aurait dûment informé la Fifa de l’existence de ce contrat. Mais le simple fait qu’on parle aujourd’hui d’une note interne de l’UEFA pour justifier un contrat à la Fifa montre bien qu’il y a un déficit d’information terrible au sein de la Fifa. Ce n’est pas pour autant que Michel Platini n’est pas intègre et qu’il n’arrivera pas à se blanchir. Mais ce que le JDD présente comme étant LE document pouvant sauver Michel Platini, je l’interprète comme une faiblesse terrible de la défense de Michel Platini. Parce que si la seule chose, le seul document qu’il a pour prouver aujourd’hui l’existence de son contrat, est une note interne de l’UEFA… Il va falloir que ses conseils fassent preuve de conviction devant la commission d’éthique.
Peut-on parler de preuve écrite d’un contrat oral, comme le fait l’avocat de Michel Platini, Me Thibaud d’Alès ?
C’est le problème des contrats oraux parce que le droit suisse, comme le droit français d’ailleurs, stipule bien qu’on peut passer des contrats oralement. C’est critiquable, mais pas juridiquement illégal. Et quand on veut prouver l’existence d’un contrat oral, on se trouve souvent démuni, parce que la preuve, dans notre système de droit, est la plupart du temps écrite. Ce qu’essaie de dire Maître d’Alès, c’est que cette note interne apporterait une preuve écrite de l’existence d’un contrat oral… Tout ceci pour dire que ce document prouverait qu’on a discuté de l’existence du contrat. Et que cette discussion sur l’existence d’une relation contractuelle entre Michel Platini et la FIFA a fait l’objet d’un écrit porté à la connaissance d’un certain nombre d’officiels. Il essaie de surmonter l’obstacle de l’oralité du contrat par l’existence de cette note. Mais tout ceci reste fragile.
Au moment où Michel Platini a rejoint le comité exécutif de la Fifa en 2002, il n’a pas fait état des arriérés de salaire qui existaient…
La défense de Michel Platini essaie finalement de créer un faisceau d’indices. Mais au-delà de ça, la vraie question reste la suivante : que s’est-il passé au sein de la Fifa ? Et au sein de la Fifa, Michel Platini avait des occasions procédurales de faire mention de son contrat. Et vraisemblablement, selon ce qui ressort des accusations de la commission d’éthique de la Fifa, des obligations de le mentionner. Le fait qu’on parle d’un contrat occulte aujourd’hui s’explique en partie par le fait qu’il n’ait pas saisi un certain nombre d’occasions pour au moins rappeler l’existence de ce contrat, ou s’assurer qu’il était bien pris en compte au niveau de l’adoption du budget de la Fifa et au niveau de tout potentiel conflit d’intérêt que ce contrat pouvait suggérer. On peut penser qu’avec le temps, ces questions ont été débattues et que soit par méconnaissance des règles internes de la Fifa, soit par légèreté, soit volontairement (hypothèse qui lui vaut une possible sanction de radiation à vie), Michel Platini n’a pas soulevé l’existence de ce contrat au sein de la Fifa. Au regard de cette note interne de l’UEFA, je pense que la Fifa ne va pas changer son fusil d’épaule.
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