Employeurs comme salariés suivent avec intérêt, et parfois avec inquiétude, l’adoption des “ordonnances Macron” qui doivent redéfinir notre marché du travail.
Parmi ces textes “fondateurs” figure l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui a pour objectif de réguler « la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail ».
Pour ce qui relève du football professionnel, cette ordonnance pourrait remettre en cause un pan essentiel de notre droit: la saisine préalable de la Commission juridique de la Ligue de Football Professionnel (LFP) dans les cas de rupture des contrats de travail de joueurs et entraîneurs.
En clair, elle pourrait faciliter le licenciement des coachs et des joueurs. Une petite révolution dans le monde du football.
Une petite révolution
La saisine préalable de la LFP avant tout licenciement de coach ou de joueur par un club professionnel est prévue par les articles 51 et 265 de la Charte du football professionnel.
Elle est considérée par la Cour de Cassation, qui en fait une interprétation stricte, comme une « garantie de fond » pour les salariés concernés.
Aux yeux de la Cour de Cassation, toute rupture de contrat décidée sans que la Commission juridique de la LFP ait préalablement statué ne peut avoir de justification. Elle est considérée comme abusive et cette règle ne connaît aucune exception.
Cette jurisprudence de la Cour de Cassation est appliquée de manière tout aussi constante par les juridictions inférieures et, s’agissant d’une garantie de fond, sa violation est lourdement sanctionnée. Comme en témoigne, par exemple, l’arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse du 21 avril 2017, qui a condamné le Toulouse FC à payer la somme de… 1 430 000 euros à Yohann Pelé, pour non-respect de cette disposition légale.
L’employeur est, en réalité, sanctionné pour ce vice de forme de la même manière que s’il avait licencié son salarié sans motif. Ce que dénoncent, bien entendu, de nombreux clubs.
Le fond l’emporte sur la forme
Or, il ressort des travaux préparatoires relatifs à la nouvelle ordonnance que : « Les règles de licenciement sont réformées pour que les vices de forme ne l’emportent plus sur le fond. Un employeur ne pourra plus être condamné sur une erreur de forme alors que le fond n’est pas contestable. Les droits des salariés sont préservés et leur droit au recours garanti. Une erreur de forme pourra toujours être sanctionnée par une indemnité versée au salarié, laquelle pourra atteindre jusqu’à un mois de salaire, mais une telle erreur n’empêchera pas l’examen du fond du dossier comme aujourd’hui ».
Le nouvel article L. 1232-5 du Code du Travail prévoit donc dorénavant que « Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure [de licenciement] notamment […] sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ».
Pour le football professionnel, cela veut dire que, en opposition à la jurisprudence antérieure, le non-respect de la consultation de la Commission juridique de la LFP, qui est précisément une “procédure conventionnelle de consultation préalable au licenciement”, ne rendra plus le licenciement d’un joueur ou d’un coach abusif, mais simplement irrégulier.
Ce qui se traduira par l’octroi d’une indemnité maximale d’un mois de salaire. Très loin des 1 430 000 euros dus par le Toulouse FC à Yohann Pelé.
D’autres dispositions concernées
Comme l’indique l’adverbe « notamment » placé en tête de l’article, d’autres règles de procédure conventionnelles, qui étaient également considérées jusqu’ici comme des garanties de fond comme le délai maximum de notification de la sanction, ou l’indication des motifs préalablement à l’entretien de licenciement, par exemple, pourraient eux aussi être concernés. Il appartiendra à la jurisprudence de le déterminer.
Enfin, la nouvelle règle ne devrait emporter aucune incidence sur les sanctions autres qu’un licenciement, lesquelles devraient continuer à être entachées de nullité en cas de non-respect des règles conventionnelles de procédure.
En définitive, la saisine de la Commission juridique de la LFP devrait devenir une étape procédurale dont le non-respect entraînera tout au plus l’octroi d’une indemnité égale à un mois de salaire maximum.
La sécurité juridique apportée aux entreprises par cette ordonnance 2017-1387 devrait donc bénéficier aux clubs professionnels de football. Et du coup, au passage, marginaliser le rôle de la Commission juridique de la LFP. Clubs 1, LFP 0. En attendant le match retour.
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