Carton rouge pour l’USBO. Au terme d’une longue procédure, le coach de football Michel Estevan vient de faire condamner son ancien club, l’Union sportive Boulogne Côte d’Opale (USBO), à un peu plus de 95 000 euros de dommages et intérêts et de rappel de salaire, en réparation de la rupture anticipée de son CDD. Après avoir contesté avec succès son licenciement pour faute grave.
Quels sont les faits ? Michel Estevan est engagé comme coach par l’USBO le 30 décembre 2010 pour une durée de 18 mois – donc jusqu’au 30 juin 2012. Il succède au coach Laurent Guyot, qui a été limogé faute de résultats.
La belle histoire s’interrompt très rapidement. Moins d’un an après son embauche, le 7 octobre 2011, Michel Estevan est mis à pied et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avant d’être licencié pour faute grave, dès le 20 décembre 2011.
Un coach en cassation
Michel Estevan conteste d’abord le bien-fondé de son licenciement devant le Conseil de Prud’hommes de Boulogne-sur-Mer, puis devant la Cour d’Appel de Douai. Qui rejettent ses demandes, par des décisions en date des 11 juin 2013 et 31 octobre 2014.
L’entraîneur ne se démonte pas pour autant. Persistant, et sûr de son bon droit, il décide de se pourvoir en cassation. Et bien lui en prend, puisque par un arrêt rendu le 10 février 2016, la Cour de cassation lui donne finalement raison, en cassant l’arrêt de la Cour d’appel de Douai et en renvoyant l’affaire devant la Cour d’appel d’Amiens, pour le jugement au fond.
La Cour d’appel d’Amiens rend son arrêt le 12 septembre 2017. Elle se penche sur les griefs du club, qui tiennent dans la lettre de licenciement de 20 pages, par laquelle le club de Boulogne-sur-Mer fait part à Michel Estevan :
-du non-respect de ses obligations d’entraîneur professionnel ;
-de comportements inadmissibles de sa part ;
-du non-respect de l’article 679 (actuel article 655) de la Charte du football professionnel qui interdit à un entraîneur de football professionnel d’exercer une autre activité salariale, libérale ou commerciale.
La faute aux mauvais résultats
La Cour procède d’abord à une interprétation stricte de l’article L. 1243-1 du Code du travail et de la faute grave, en constatant que Michel Estevan avait fait l’objet d’une promotion interne en septembre 2011, soit seulement quelques jours avant sa mise à pied, et 3 mois avant son licenciement.
La Cour rappelle, ensuite, que tous les faits antérieurs de plus de deux mois à l’amorce de la procédure de licenciement ne peuvent pas être utilisés pour justifier d’une faute grave.
Enfin, concernant la soi-disant infraction à l’article 679 de la Charte du football professionnel, les juges d’appel considèrent que, le club de Boulogne-sur-Mer ne précisant pas quand il a eu connaissance de cette information et quel rôle son coach a pu jouer dans l’entreprise citée au procès, ces arguments ne sauraient être retenus.
Elle en conclut donc qu’aucun des comportements invoqués par le club n’est constitutif d’une faute grave et qu’en réalité, seuls les mauvais résultats sportifs ont véritablement motivé le licenciement de l’entraineur. En conséquence, la Cour d’appel d’Amiens estime que le licenciement du salarié est dénué de cause réelle et sérieuse. Et condamne logiquement l’USBO à indemniser son ancien coach.
Une séparation à moindre frais
En conclusion, les juges français ont en général du mal à appréhender le monde du sport professionnel, et plus particulièrement celui du football. Mais ils ont, par contre, parfaitement compris qu’un coach n’obtenant pas les résultats escomptés peut se retrouver très vite licencié.
La conséquence pour les clubs est simple : un club qui se trouve dans une situation sportive critique et qui décide de se séparer de son coach pour faute grave, voire pour faute lourde, doit partir du principe que pèsera sur lui la présomption – difficilement réfutable – qu’il tente de se séparer de son coach à moindre frais.
Michel Estevan vient tout juste de nous le rappeler.
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