Analyse exclusive de Me Granturco, avocat spécialiste en droit du sport et avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles.
Nous nous souvenons des discussions initiées il y a quelques années à la demande de certains clubs de Ligue 1 et portées par la Ligue de Football Professionnel (LFP) concernant le statut de l’AS Monaco dans le football français.
Faisant fi du fait que l’AS Monaco participe aux championnats de France professionnels depuis 1933 et de manière ininterrompue depuis 1948, la LFP avait alors voulu faire payer un quasi droit d’accès de 50 millions d’euros à l’AS Monaco. Certains clubs de Ligue 1 et la LFP avaient effectivement pour intention de contre-balancer l’avantage financier que l’AS Monaco a sur ses concurrents et consistant à pouvoir offrir aux joueurs étrangers, non Français, des salaires nets d’impôts sur le revenu, en lui ordonnant de payer une sorte d’indemnité à la LFP qui l’aurait alors, ou non, reversée aux 19 autres clubs de Ligue 1. Mais sa décision en ce sens fut annulée par le Conseil d’Etat.
Toutefois, quasi concomitamment et considérant en tout état de cause que le siège de l’AS Monaco n’était pas établi sur le territoire français comme semblaient le requérir les articles L 122-1 et L 122-2 du Code du Sport, le Stade Malherbe de Caen assigna de son côté la LFP en justice pour contester la participation du club monégasque au championnat de Ligue 2 lors de la saison 2012/13.
Le club caennais demandait un minimum de 15.300.000 euros agrémentés des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi considérant que la participation de l’AS Monaco à ce championnat l’empêcha de monter en Ligue 1.
Le Tribunal administratif de Caen dans une décision du 21 septembre 2016, publiée ce jour, rejette la demande du Stade Malherbe de Caen. En soi, cette décision était attendue et ne surprendra guère les experts. Toutefois, la motivation du Tribunal administratif vaut la peine de s’y attarder. Pour les juges, les dispositions législatives relatives aux sociétés commerciales établies par les clubs professionnels “ont pour seul objet d’imposer aux clubs de constituer, pour gérer les activités liées au sport professionnel, une société commerciale distincte de l’association sportive affiliée à la fédération ; […] la référence au code de commerce ne peut être regardée comme excluant, par elle-même, le recours à une société commerciale de droit étranger ».
Le Tribunal administratif ajoute, pour bien enfoncer le clou, que « l’article L. 122-1 du code du sport ne peut ainsi, en tout état de cause, être interprété comme ayant pour effet d’imposer aux clubs de fixer le siège de leur direction effective en France ».
C’est clair et c’est dit : rien n’empêche a priori un club d’établir le siège de sa société en dehors du territoire français. La course à l’innovation juridique et fiscale des clubs professionnels français est-elle du coup lancée ?
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