Le football féminin commence à se professionnaliser et certaines joueuses ont joué leur revenu et une partie de leur avenir sur la pratique du sport de haut niveau avec l’environnement qui en découle : revenu, image, amélioration de leur performance et futur positif.
Elles passent de quatre entraînements par semaine au minimum à bien plus, sollicitées chaque semaine, parties pour les meilleures en sélection avec l’obligation d’y répondre. Tout cela entraîne, dans le football féminin, plus de blessures musculaires que de blessures physiques liées à une faute d’un adversaire.
Le jeu féminin n’ayant pas encore les errements des footballeurs masculins qui réalisent des fois, et de plus en plus souvent, des gestes proches de ceux que l’on peut imaginer, comme provenant de nouveaux Gladiateurs Romains. Pour les plus anciens, les tacles de Marius Trésor comme la course de Christian Lopez face à Fairclough dans un Liverpool Saint-Etienne du 16 mars 1977 (quart de finale perdu 3-1) semblent avoir mille ans. Aujourd’hui, le sécateur serait cent fois passés.
Si le football féminin n’est pas dans ces errements physiques, les blessures commencent à être légions et touchent souvent les meilleures étant les joueuses les plus sollicitées et dans cette période bien entamée de la saison, on pense à Estelle et Delphine Cascarino, Marie Antoinette Katoto, Sofia Jakobsson, Laure Boulleau etc ..
Pour une joueuse, ne plus jouer pendant longtemps ; c’est le risque de disparaître de l’environnement professionnel avec peu de possibilités d’emplois dans un football féminin qui se construit et qui ne compte que peu d’employeurs.
La blessure n’est pas neutre. Elle peut être le talon d’Achille de la professionnalisation où la joueuse est la salariée du club, tenue par un lien de subordination, à faire ce que son employeur a convenu de faire dans le cadre de son monopole et exclusivité liés au pouvoir de direction.
Je me suis interrogé sur le régime juridique de la blessure et Maître Thierry GRANTURCO, connu sur le réseau social Twitter, associé du cabinet DS avocats, inscrit au Barreau de Paris et de Bruxelles a eu l’amabilité de nous proposer une contribution juridique précise et actuelle quant à la blessure du et de la sportive.
« La responsabilité en cas de blessure des sportifs a donné naissance, depuis de nombreuses années, a une jurisprudence relativement volumineuse.
Comme si les sportifs et leurs clubs considéraient que leurs cas étaient différents de ceux déjà jugés et qu’il convenait, pour les juges, de se pencher inlassablement sur leurs cas. Et en réalité… ils ont parfaitement raison. Car la situation est juridiquement complexe.
La théorie de l’acceptation des risques
Bien que de plus en plus contestée, la théorie de l’acceptation des risques en matière sportive reste la clé de voûte du système de responsabilité en la matière. Elle suppose en effet qu’un sportif, même amateur, accepte de pratiquer une activité contenant intrinsèquement des risques. Risques, donc, qu’il accepterait en toute connaissance de cause.
Toutefois, cette théorie ne trouve à s’appliquer que dès lors qu’il ne s’agit pas de risques anormaux résultant de l’inobservation des règles de bonne conduite sportive. Il est ainsi clair qu’un coup de poing, de tête ou toute autre agression volontaire pourra être puni au regard du droit pénal comme du droit civil.
Mais quid par exemple d’un tacle, autorisé par les règles du jeu, mais qui peut s’avérer extrêmement dangereux s’il n’est pas maitrisé ? Quid du tacle par derrière ? Du tacle les deux pieds décollés ?
Un tacle qui blesserait gravement un joueur peut être sanctionné disciplinairement par l’arbitre et/ou la fédération et ses instances départementales (Districts) et régionales (Ligues). Mais il peut très bien ne pas donner lieu à l’engagement de la responsabilité pénale et/ou civile du joueur tacleur, ni même du club concerné.
Mais inversement, un tel acte peut aussi ne donner lieu à aucune sanction sportive disciplinaire et engager la responsabilité pénale et/ou civile de son auteur et des clubs en question. Le pouvoir judiciaire intervenant là où le pouvoir sportif s’arrête.
Nous aurons donc compris que la matière est complexe, qu’elle relève d’une évaluation in concreto de chaque situation et que du coup, l’appréciation des juges est d’une importance majeure .
La responsabilité des clubs
Et les clubs dans tout cela ? Le Code civil comme la jurisprudence estiment que ceux-ci doivent répondre du fait de leurs licenciés dans la mesure où ils ont entre autres pour mission d’encadrer, diriger et contrôler leurs activités.
La Cour de Cassation a eu à plusieurs reprises à se pencher sur la responsabilité des clubs. Dans un arrêt important, rendu le 21 octobre 2004 et concernant un joueur de rugby amateur gravement blessé lors d’un entraînement, elle a ainsi pu préciser que la responsabilité du club ne pouvait être engagée qu’en l’existence d’un manquement aux règles du jeu.
Elle considère en effet que les règles du jeu sont autant des codes visant à permettre aux joueurs d’évoluer ensemble, que des limites posées pour la protection des joueurs. Or le respect des règles du jeu, durant les entraînements, relève de la responsabilité première des clubs et de ses éducateurs.
Cette responsabilité peut être considérée comme une obligation de moyens. Le club doit ainsi mettre tous les moyens en œuvre pour s’assurer de la sécurité de ses licenciés. Il est généralement et légitimement considéré qu’il ne saurait, à cet égard, être redevable d’une obligation de résultat.
Comme la Cour de Cassation a eu à le préciser dans un arrêt en date du 22 mai 2008, afin de pouvoir réparer un dommage subi par la victime, il faut prouver une faute du club sans laquelle celui-ci ne se serait pas produit. Ce qui est parfois loin d’être évident.
La Haute juridiction a ainsi eu à se prononcer sur de nombreux cas tels que l’absence de test des capacités physiques et psychiques des pratiquants avant un stage d’initiation à un vol en ULM, sur l’absence de vérification du port d’un équipement adéquat lors d’une activité équestre, sur le nombre insuffisant d’éducateurs pour encadrer une activité sportive, etc…
Qu’en est-il du sportif qui se blesse seul ?
Mais quid, par exemple, du cas plus pernicieux d’une blessure qu’un joueur de football professionnel se serait occasionné seul ? Alors même qu’il fait l’objet d’un suivi médical poussé de la part des médecins de son club ? Et sachant par ailleurs qu’une telle blessure pourrait durablement affecter sa carrière si ce n’est même y mettre fin ?
Là aussi, le joueur sera considéré comme ayant accepté les risques, y compris anatomiques, inhérents à sa pratique. Il pourra également apprécier dans quelle mesure le club aura mis en place les moyens nécessaires à sa sécurité physique. Et il pourra aussi, à ce titre, se poser la question de la prévisibilité de sa blessure et des conseils et autres soins médicaux qui lui auront été conférés.
Mais sauf erreur médicale, le médecin du club n’aura également qu’une obligation de moyens face à la blessure musculaire, tendineuse ou osseuse du joueur.
A qui il restera, du coup, à s’assurer solidement pour faire face aux blessures graves et aux arrêts prématurés de carrière.
Nous l’aurons compris : les cas de responsabilité en matière sportive, en ce compris en cas de blessures, s’apprécient au cas par cas. Et la responsabilité des uns et des autres pouvant être assez facilement engagée, il ne peut être que conseillé aux clubs de mettre tous les moyens en œuvre pour protéger leurs licenciés face aux aléas de leur pratique et aux sportifs, surtout professionnels, de s’assurer en conséquence. »
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