Il ne fait plus de doute pour personne que le football professionnel est une activité économique à forte connotation sociale, et non plus une activité sociale à forte connotation économique.
Il y a effectivement belle lurette que les clubs professionnels ne sont plus gérés sous forme associative, qu’ils sont gérés via des sociétés commerciales dont certaines sont cotées en bourse, qu’ils attirent les sponsors les plus prestigieux et que les compétitions auxquelles ils participent se vendent à prix d’or partout dans le monde.
Tout ceci est d’ailleurs parfois bien gênant. Car finalement, le football professionnel se nourrit du football amateur, qui a lui beaucoup de mal à survivre et à s’organiser et pour qui la pratique du football reste avant tout une activité sportive et sociale. Le footballeur amateur devra en règle générale payer sa licence pour avoir le plaisir de jouer bénévolement chaque année et ainsi défendre les couleurs de son club, là ou le footballeur professionnel percevra des sommes colossales pour évoluer sous les couleurs d’un club dont il changera régulièrement tout au long de sa carrière en vue entre autres d’optimiser ses revenus.
David ne peut plus régulièrement battre Goliath
Or, le football n’est beau que par les valeurs qu’il véhicule, telles que le dépassement de soi, l’esprit de compétition, le respect et la solidarité. Et le football a de longue date été un sport plaisant car ses compétitions laissent la place à l’incertitude, David pouvant régulièrement battre Goliath.
Mais est-ce encore vrai? David se bat avec sa seule fronde là ou Goliath a une épée, un javelot et un bouclier. Alors que David puisse battre Goliath, nous savons tous qu’il l’a déjà fait une fois. Mais le battre régulièrement dans une compétition au long cours, cela semble peu probable.
Il est en effet établi que les résultats sportifs sont corrélés aux dépenses salariales sur le long terme. Ainsi en France, et depuis la saison 2001/2002, le championnat de Ligue 1 a été remporté par les clubs disposant des plus gros budgets : Lyon, 7 fois, Marseille, Lille, Bordeaux et finalement le PSG (Montpellier étant l’exception à la règle avec leur titre de champion de France glané à la barbe du PSG en 2012).
Mais on est tous le David d’un Goliath. Et c’est au niveau européen qu’on trouve le plus grand nombre de Goliath. Certains, Goliath chez eux mais David hors de leurs frontières, n’hésitent d’ailleurs pas à recourir à l’emprunt pour accroître leur pouvoir de dépense et accéder plus facilement au succès. C’est donc notamment pour mettre fin à ce que Michel Platini, le président de l’UEFA, appelle la “victoire à crédit” que l’UEFA a établi les règles de fair-play financier.
Quelles sont les principales règles du fair-play financier ?
Ainsi, dès cette saison (2013-2014), l’accès aux compétitions européennes (Ligue des Champions et Ligue Europa) est conditionné à de nouvelles règles: les dépenses des clubs ne doivent pas dépasser les recettes de plus de 5 millions d’euros sur les deux saisons précédentes (sur les trois saisons précédentes à partir de la saison 2015-2016). Cette “tolérance” est portée à 45 millions d’euros si les actionnaires couvrent l’excès de dépenses (30 millions d’euros à partir de la saison 2015-2016).
Seules les recettes et les dépenses liées aux “opérations footballistiques” sont prises en compte. Ainsi, les “dépenses relatives à des activités de développement du secteur junior”, les “dépenses relatives à des activités de développement de la collectivité” et les “charges financières directement attribuables à la construction d’immobilisations corporelles”, c’est-à-dire d’un stade, sont exclues du calcul de l’équilibre recettes/dépenses. L’UEFA encourage donc les clubs à investir dans la formation et les infrastructures en soutenant, sans le dire, les recettes que ceux-ci pourront tirer des transferts des joueurs qu’ils formeront comme celles tirées des stades qu’ils pourraient construire ou aménager.
L’objectif annoncé par l’UEFA vise à s’assurer de la bonne gestion des clubs au niveau européen. Le secrétaire général de l’UEFA, Gianni Infantino, déclarait ainsi récemment dans L’Equipe que “si on voulait une belle vie, bien tranquille, on n’aurait rien fait… Mais on aurait vu le football se casser la gueule. Depuis cinq ans, on analyse les comptes de 650 clubs en Europe. Et on est passés de 600 millions à 1 milliard de pertes nettes par an. Sans être Einstein ni prétendre au prix Nobel, on a imaginé, avec les clubs, un système où il ne faut pas dépenser plus que ce que l’on gagne”.
Une invitation pour les clubs à gonfler leurs recettes
Afin de maintenir un niveau de dépenses élevé, certains clubs sont donc tentés de gonfler artificiellement leurs recettes.
L’exemple du contrat de naming du stade de Manchester City est ainsi sur toutes les lèvres. Ce contrat, signé pour 10 ans et pour un montant de 400 millions de livres (soit 40 millions de livres par an) avec la compagnie aérienne Etihad Airways, elle-même détenue par Abu Dhabi, est à rapprocher de celui signé par le club d’Arsenal avec la compagnie aérienne Emirates qui ne porte ”que” sur 100 millions de livres pour 15 années (soit 6,7 millions de livres par an).
Or, le règlement du fair-play financier stipule que les “revenus provenant de transactions avec des parties liées” doivent se faire à une “juste valeur”. Il est donc possible de douter du fait que la transaction se soit faite à Manchester à une “juste valeur” et la question pourrait se poser régulièrement dès lors que les sponsors ont un quelconque lien capitalistique ou familial avec les actionnaires du club.
Le PSG et la Qatar dans le viseur de l’UEFA
A Paris la situation est à cet égard pour le moins tendancieuse. Le PSG est propriété de QSI alors même qu’un énorme contrat de sponsoring (on parle 200 millions d’euros par an à l’horizon 2015/16) a été signé avec Qatar Tourism Authority (QTA) et divers autres partenariats avec d’autres émanations de l’émirat tels Qatar National Bank.
Mais qu’en est-il en réalité et quel est le but recherché par l’UEFA? Que les clubs ne dépensent pas plus qu’ils ne gagnent.
Et qu’en est-il en l’occurrence du PSG ? Outre le fait que juridiquement les différentes structures qatariennes ne sont effectivement pas (comme déjà expliqué par ailleurs par Jean-Claude Blanc, Directeur Général délégué du PSG) à proprement parler des “parties liées”, le PSG percevra en recettes un sponsoring annuel exceptionnellement élevé en provenance de différentes entités qatariennes. Dans l’absolu il sera effectivement très élevé, mais les parties se sont entendues sur la valeur économique à donner à leur accord et bien malin serait celui (l’UEFA y comprise) qui pourrait lui donner une autre valeur que celle agréée par le PSG et QTA.
Par ailleurs, le club dépensera t-il plus qu’il ne gagne? Probablement pas et si tel devait être le cas, il le ferait dans le cadre de la tolérance prévue par les règlements de l’UEFA. Le club sera t-il endetté? Non. Sa pérennité sera t’elle en jeu ? Bien sûr que non.
Alors de quoi parle t-on finalement? Du développement à vitesse grand V du PSG qui semble gêner aux entournures certains dirigeants de clubs étrangers. On peut les comprendre. Il n’est jamais facile de voir arriver un concurrent, de surcroît de cet acabit.
Ce n’est pas pour autant que le PSG est en infraction des règles de fair-play financier, instaurées par l’UEFA. Dire le contraire serait prendre une décision d’ordre politique, malheureuse en l’occurrence, là ou les règles en vigueur permettent la prise d’une décision juridique claire et constructive.
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