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Le foot quand Platini n’aura plus de dents

15 décembre 2015

FOOTBALL – Nous fêtons aujourd’hui les 20 ans de l’arrêt Bosman, du nom de ce joueur qui osa contester l’ordre (mal) établi des transferts de joueurs professionnels de football. Depuis le 15 décembre 1995, date de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne, le foot en a été totalement bouleversé. Certains s’en félicitent, d’autres le regrettent.

Mais si on essayait à la lumière de l’évolution récente du football professionnel d’aller plus loin que les constats d’usage et de faire du football fiction? Ce petit exercice de style pourrait ainsi nous amener en 2035 pour les 40 ans de cet arrêt. Rêve ou cauchemar?

Un renforcement du droit des joueurs

Tout d’abord, sous le regard scrutateur de la Commission européenne et de la FIFPro (le syndicat international des joueurs), les joueurs seront mieux protégés et leurs droits en tant que travailleurs continueront à être renforcés. Car ne l’oublions pas: l’arrêt Bosman, ce fut d’abord celui qui rappela aux fédérations et aux clubs que les joueurs de foot sont des travailleurs salariés et qu’à ce titre, ils peuvent circuler librement au sein de l’Union européenne.

Ce fut aussi le premier arrêt qui fit comprendre violemment aux acteurs institutionnels du football qu’ils ne sont pas au-dessus de la loi, de surcroît lorsqu’elle est européenne. A cet égard, il est donc vain d’espérer un retour en arrière. Si la FIFA, l’UEFA, la FFF, voire les clubs, venaient à tenter par de vaines manœuvres de l’oublier, nul doute que les joueurs mieux conseillés aujourd’hui qu’ils ne l’étaient hier, sauraient les remettre dans le droit chemin.

Il semble par ailleurs tout aussi vain d’essayer de promouvoir un système sans transfert que d’essayer de promouvoir la décroissance dans notre société.

Transferts il y a eu, transferts il y a, transferts il y aura.

C’est l’essence du football en tant que discipline sportive que de générer des mutations de joueurs de club à club. Et c’est l’essence de son économie que de considérer un joueur comme faisant partie des actifs d’un club et son transfert comme devant conséquemment générer une contrepartie financière.

Les meilleurs continueront à jouer pour des clubs riches qui deviendront plus riches encore

Par conséquent, le nombre des transferts n’ayant pas vocation à diminuer, nous pouvons légitimement penser que les clubs les plus fortunés continueront d’acquérir les joueurs les plus talentueux. Et que du coup, la corrélation entre la puissance financière des clubs et leurs résultats sportifs n’étant plus à démontrer, ils continueront à remporter les principales compétitions à leur niveau national respectif et à se disputer, entre nantis, les trophées européens.

Ceci ne pourrait finalement être qu’une accentuation d’un phénomène récent. Il prend déjà une ampleur indécente que les 17 points d’avance du PSG en Ligue 1 ne sauraient nous masquer plus longtemps.

En effet, sauf retournement de situation aussi majeur qu’inattendu, le Real de Madrid et Barcelone continueront à survoler la Liga, gênés de temps en temps par l’un ou l’autre et plus particulièrement par l’Atletico Madrid. Le Bayern Munich s’est approprié la Bundesliga depuis longtemps, que seul le Borussia Dortmund essaye de plus en plus timidement de lui contester. En Premier League anglaise, seuls Arsenal, Chelsea, Manchester City et Manchester United peuvent encore prétendre au titre avec une certaine constance.

Et tous regardent grandir en France un PSG aux ambitions démesurées et dont plus personne ne peut contester la domination.

Donner satisfaction à des télévisions de plus en plus exigeantes

Ce mouvement sera en partie encouragé par les télévisions qui ne pourront qu’être ravies par la concentration de talents sur leurs écrans. Mais en partie seulement. Car que se passera-t-il lorsque le PSG aura gagné son 10e championnat de France consécutif? Et que se passera t’il lorsque nous constaterons que, pour la 10e fois consécutive, nous retrouvons les mêmes clubs européens en quart de finale de la Ligue des Champions?

Les télés seront-elles toujours prêtes à payer aussi cher un spectacle qui aura perdu une grande partie de son attrait? Ne seront-elles pas tentées d’inciter les principaux acteurs à modifier les règles du jeu pour réintroduire de l’incertitude et du spectacle là ou pourraient progressivement s’installer de la lassitude et de la médiocrité?

Le foot aura adapté son modèle

Le football va donc devoir adapter son modèle. Et pour cela, il a deux solutions.

La première est déjà identifiée et controversée en France. Il s’agirait d’accepter qu’une élite dans notre football se dégage par la création d’une Première Ligue. Elle aurait vocation à multiplier les sources de revenus, à renforcer celles existantes et à resserrer en son sein l’écart entre les très riches et les moins riches. Car si on devait prendre pour exemple la Premier League anglaise, on constaterait que les revenus de ses clubs sont très substantiels et que si des écarts demeurent entre les plus riches et les moins riches, leur niveau de revenus leur permet des recrutements de talents sans équivalent générant le championnat en Europe le plus incertain qui soit. Richesse, talents, spectacle et incertitude: tout est là pour un football de qualité qui se vend du coup au prix fort même dans les coins les plus reculés de la planète.

La difficulté avec cette solution pourrait venir du fait que chaque championnat national ne pouvant atteindre le niveau de la Premier League anglaise, certains champions nationaux pourraient vite ne pas trouver les conditions requises dans leurs pays pour élever leur niveau de jeu et celui de leurs revenus financiers. Ce qui, du coup, pourraient les amener à promouvoir une solution paneuropéenne.

Car effectivement, et c’est la deuxième solution, à défaut pour les championnats nationaux d’offrir les conditions requises par les télés pour un spectacle de qualité, nous pourrions être amenés à nous poser la question de savoir si la place du PSG serait toujours bel et bien en France. Ou si, alternativement, elle ne serait pas plutôt dans un championnat fermé, de type Major League Soccer existant aux USA, au sein duquel les meilleurs de chaque pays européen pourraient s’affronter à l’échelle du continent.

En conclusion

Dit plus brièvement, il y a fort à parier que dans 20 ans, les transferts existeront toujours dans des termes revisités, mais qu’ils resteront protecteurs du statut de travailleurs des joueurs. Ces transferts donneront toujours lieu à des indemnités qui permettront aux moins riches d’obtenir des produits de ces ventes et aux plus riches, d’avoir les équipes les plus compétitives.

Le caractère oligopolistique du football continuera à s’accentuer aux niveaux national et européen, de telle sorte que les champions d’aujourd’hui deviendront les champions incontestés et incontestables de demain.
A un point tel que les championnats que nous pouvons considérer comme étant de facto fermés aujourd’hui seront demain sur la table des décideurs pour devenir, de jure, de véritables championnats fermés.

Dans 20 ans, l’arrêt Bosman nous aura donc amenés à la porte d’un modèle événementiel du sport, comme il en existe un aux USA et non au renforcement d’un modèle social et économique comme celui que nous faisons semblant d’aimer en France.

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