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Sports et business

La Ligue 1 de football ou le règne du malthusianisme

4 avril 2015

SPORT – Le football professionnel français vient de décider, par l’intermédiaire de la ligue Professionnelle de Football (LFP), que le nombre de relégués de Ligue 1 (L1) en Ligue 2 (L2) chaque saison passera de 3 à 2. En d’autres termes, il vient de décider de réduire d’un tiers la taille de l’ascenseur de la L1 vers la L2 et vice-versa.

Faute de pouvoir augmenter ses revenus, le football français vient par conséquent de décider de s’assurer qu’ils seront partagés entre quasiment les mêmes d’une saison sur l’autre. Cela s’appelle le malthusianisme. Et n’en doutons pas, sauf opposition majeure à ces avancées, les prochaines étapes de Malthus et ses acolytes consisteront à faire passer le nombre d’accessions et donc de relégations de 3 à 2 entre la L2 et le championnat National (équivalent de la Ligue 3), avant de limiter le nombre de clubs en L1 à 18 contre 20 aujourd’hui.

Bref, faute d’avoir à gérer la croissance, la LFP a décidé de gérer la pénurie.

L’échec du plan Footpro 2012 ou la folle application de la théorie néoclassique de la croissance moderne au foot français

Pour s’en convaincre, nous pourrions rappeler le programme Footpro 2012 lancé vaillamment en 2007 par la LFP et M. Thiriez. Il comprenait 10 mesures pour un plan quinquennal.

L’objectif numéro 1 consistait à faire gagner un rang au championnat de France, alors 4e derrière l’Angleterre, l’Espagne et l’Italie, au titre du classement UEFA. Echec : en 2012, la France émergeait à la 5e place dépassée par le Portugal. Elle émerge aujourd’hui toujours à la 5e place, dépassée cette fois-ci par l’Allemagne.

L’objectif numéro 2 consistait à ce qu’un club français gagne la Ligue des Champions. Echec : Lyon a atteint la demi-finale en 2010 et le PSG les quarts de finale en 2014 et 2015.

L’objectif numéro 3 visait à ce que 2 clubs se qualifient régulièrement pour les quarts de finale d’une coupe d’Europe. Echec : seuls Lyon et Bordeaux y parvinrent en 2010.

L’objectif numéro 4 visait à ce que la moitié de joueurs évoluant en L1 soient internationaux. Echec : en 2012, à peine un tiers l’étaient et ils ne sont guère plus aujourd’hui.

L’objectif numéro 5 visait à ce que les deux tiers des joueurs évoluant en équipe de France proviennent de la L1. Echec : ils n’ont quasi jamais représentés 50% entre 2007 et 2012 et pas plus aujourd’hui.

L’objectif numéro 6 consistait, pour le football français, à générer un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros. Echec : en 2012, il n’atteignait que 1,243 milliard d’euros. Les 1,5 milliard d’euros viennent d’être atteints mais le PSG en représente 27% du total à lui tout seul de telle sorte que PSG mis à part, le chiffre d’affaires est en baisse de 3,7% en 2013/14 par rapport à la saison 2012/13.

L’objectif numéro 7 était d’amener tous les clubs professionnels à l’équilibre financier. Echec : en 2012, 19 sur 40 ne l’étaient pas. Les chiffres devraient peu changer à l’issue de la saison 2014/15.

L’objectif numéro 8 était d’augmenter les recettes en billetterie à hauteur du quart des recettes totales des clubs. Echec : en 2012, la billetterie ne représentait que 13% de ces recettes et n’en a représenté que 11% la saison dernière.

L’objectif numéro 9 était d’assurer la rénovation de 15 stades de L1 et L2 avant fin 2012. Echec : ce chiffre sera cependant plus ou moins atteint l’année prochaine grâce à l’octroi de l’Euro 2016 à la France.

Enfin l’objectif numéro 10 consistait justement à obtenir l’organisation de l’Euro 2016. La FFF et M. Lambert plus que la LFP et M. Thiriez l’ont brillamment obtenu.

Ce plan Footpro 2012 a échoué. Lamentablement. Il était, il est vrai, d’une ambition démesurée et à bien des égards d’une grande naïveté.

En termes économiques, il se basait sur les préceptes d’une croissance moderne, dite néoclassique, selon lesquels le football français aurait pu compter sur une croissance exponentielle à l’état stationnaire. Encore aurait-il fallu qu’il soit déjà en croissance à la date de son adoption et que les conditions d’une croissance soient réunies.

Alors, oui, la crise financière est passée par là. Mais comme l’a écrit M. Thiriez lui-même dans son ouvrage « Le foot mérite mieux que ça », elle ne saurait tout expliquer. D’autant plus qu’entre temps, les footballs anglais, allemand et espagnol se sont fortement développés créant entre eux et le football français un véritable gouffre.

Alors comment procéder ?

La pirouette de M. Thiriez pour transformer ses échecs en une stratégie de développement se voulant incontournable

A lire l’ouvrage de M. Thiriez, cité ci-dessus et pourtant écrit entre 2012 et 2013 et publié en 2013, on pourrait avoir l’impression que le plan Footpro 2012 est enterré. Mieux : c’est comme s’il n’avait jamais existé. Au diable le plan quinquennal ambitieux. Enterrée l’augmentation du chiffre d’affaires du football français. Ecartées les prétentions d’un football attractif qui attirerait les joueurs internationaux de tous pays, y compris les nôtres. Finis les rêves de performances en coupes d’Europe.

Il faut se rendre à l’évidence : les footballs anglais (Premier League) et espagnols (Liga), dont les niveaux d’endettement avaient été moqués pendant des années, comme si l’endettement était un mal en soi, ont dorénavant durablement distancé la L1. Il en est de même du championnat allemand, la fameuse Bundesliga, qui caracole dorénavant loin devant notre championnat. Nous pouvons tout juste rêver nous comparer au championnat italien, le Calcio, qui traverse une passe difficile malgré les belles performances cette année de la Juventus de Turin en Ligue des Champions, et de Naples en Ligue Europa.

M. Thiriez est donc dans son rôle de président de la LFP lorsqu’il explique dans les 328 pages de son ouvrage que tout ne va pas si mal. Il évoque d’ailleurs déjà des pistes pour que cela aille même encore mieux.

Ainsi, suivant les recommandations d’un rapport sur l’amélioration de la compétitivité du foot français rédigé par MM. Pierre Dréossi et Frédéric de Saint-Sernin, deux anciens dirigeants de Rennes, qui avait été soutenu par l’Union des Clubs Professionnels de Football (UCPF) le 23 avril dernier, la LFP a adopté une décision visant à restreindre le nombre de descentes de L1 en L2 en le faisant passer de 3 à 2.

3 ce serait trop et cela effraierait les investisseurs qui auraient besoin de plus de certitudes quant à la pérennité de leurs investissements. A croire donc que le fait qu’il y aura 2 relégations au lieu de 3 les rassurera. Nous pouvons du coup probablement attendre avec impatience les investisseurs en L1, qui aujourd’hui préfèrent la Premier League, la Liga et la Bundesliga, voire le Calcio à notre L1. Alors même que dans ces championnats, il y 3 relégués en fin de saison et non 2. Allez comprendre…

Mais ce n’est pas tout. Pour renforcer nos clubs, il est fort à parier que la LFP proposera bientôt un plan visant à réduire la L1 de 20 à 18 clubs. Cela permettra donc de partager le gâteau des droits TV en 18 parts, et non plus en 20.

Bref, on l’a compris : le football français est passé d’un plan quinquennal ambitieux de croissance exponentielle à un plan malthusien de répartition de la richesse. Ce n’est pas un bon signal pour l’économie du football. Ce n’est pas un bon signal pour les petits clubs professionnels qui rêvent de grandir. Ce n’est pas un bon signal non plus pour tous ces clubs amateurs qui souhaitent accéder au professionnalisme.

Et au final, M. Thiriez, comme vous l’écriviez par ailleurs à juste titre, « le football mérite mieux que ça ».

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