La Coupe du monde de football au Brésil vient à peine de se terminer que les équipementiers sportifs repartent en guerre à l’approche du début de la nouvelle saison 2014/15.
C’est ainsi qu’il y a quelques jours, le club anglais de Manchester United annonçait un partenariat avec Adidas, conclu pour une période de 10 ans (qui commencera à courir à partir de la saison 2015/16) et pour un montant record de 940 millions d’euros, soit 94 millions d’euros par saison. Adidas succédera ainsi à Nike qui équipait Manchester United sans discontinuité depuis 2002. Le montant du contrat proposé par Adidas à l’illustre club anglais sera quasi multiplié par 3 par rapport à celui que ce dernier avait signé avec l’équipementier américain.
De son côté, Nike avait auparavant évincé Adidas de la Fédération Française de Football (FFF) en offrant 42,6 millions d’euros par an à la FFF pour la période 2011-2018. A cette somme, se rajoutent une dotation en équipements de 2,5 millions d’euros par saison ainsi que des primes de résultat. Pour succéder à Adidas auprès de la FFF, qu’elle équipait depuis 1972, Nike aura offert près de 30 millions d’euros de plus par an qu’elle aura par exemple offert entre temps au Brésil (13 millions d’euros par saison).
C’est dire si la guerre entre les équipementiers fait rage.
Les maillots des équipes de football comme principal terrain de bataille
Les maillots de football sont des équipements à forte valeur identitaire pour les clubs et les sélections nationales. On parle ainsi des “Bleus” pour l’équipe de France, de la “Squadra Azzura” pour l’équipe d’Italie ou encore des “Diables Rouges” pour l’équipe nationale belge. Mais on parle également des “Verts” pour Saint-Etienne, des “Canaris” pour Nantes, des “Red Devils” pour Manchester United, des “Blues” pour Chelsea, des “Blaugranas” pour Barcelone, etc…
Tout le monde connaît les couleurs de ces équipes nationales et de ces clubs. Et personne n’imagine qu’elles puissent changer.
Pourtant, pour que ces maillots puissent se vendre aux supporters et autres amateurs de football – ce qui est le but recherché et ouvertement affiché par les clubs et les fédérations d’un côté et par leurs équipementiers de l’autre – il faut qu’ils puissent évoluer de telle sorte que le maillot d’une saison ne soit pas celui de la saison suivante. Et que par conséquent, le supporter soit invité à acheter le maillot de son équipe favorite chaque saison.
Les équipementiers se doivent donc d’innover chaque année pour que les maillots restent des produits d’appel, tout en s’assurant de respecter ce qui fait l’identité et l’histoire d’un club ou d’une équipe nationale.
Au fil des ans, les équipementiers ont donc développé des stratégies leur permettant d’être relativement respectueux des couleurs des clubs pour ce qui relève de leur maillot principal, tout en étant plus créatifs pour les maillots extérieurs, c’est-à-dire pour ceux utilisés par les équipes lorsqu’elles ne jouent pas à domicile.
La palme de la créativité pour ce second maillot revient à Barcelone. Les couleurs principales du club sont le bleu et le grenat (d’ou leur appellation de “Blaugranas”) alors que les couleurs choisies pour leurs maillots à l’extérieur changèrent totalement d’une saison à l’autre en passant successivement par le blanc, le doré, le bleu marine, le gris, le jaune, l’orange, le bleu ciel, le rose, le vert, le noir et le rouge.
Historiquement, certains clubs avaient également développé l’habitude de créer un troisième jeu de maillots destinés aux compétitions européennes. Avec le temps, ce troisième maillot s’est généralisé pour laisser place à la plus grande créativité des équipementiers.
Ces derniers s’y retrouvent puisqu’ils multiplient les possibilités d’attirer leurs chalands. Mais les clubs s’y retrouvent tout autant puisque de leur côté, ils multiplient les supports à vendre à leurs sponsors qui peuvent acheter des insertions sur le maillot principal, sur le maillot à l’extérieur et/ou sur le troisième maillot en fonction des prix demandés par le club.
Les équipementiers s’arrachent donc les maillots des très grands clubs et des grandes équipes nationales sachant qu’une fois leurs identités acquises, ils pourront vendre dans la foulée shorts, chaussettes, chaussures, ballons et autres équipements périphériques.
Les maillots des équipes de football : un marché extrêmement concurrentiel
Les équipementiers ont l’habitude d’entretenir le plus grand flou sur la répartition de leurs chiffres d’affaires relatifs aux différentes disciplines sportives. Toutefois, si l’on s’en tient aux analyses effectuées chaque année par les instituts d’études spécialisés, le marché mondial du football sur l’équipement de la personne était proche de 12 milliards d’euros en 2013 (dixit l’institut d’études de marché NDP Group) et il connaîtra un boom cette année grâce à la Coupe du monde qui, à elle seule, devrait générer des ventes dépassant les 3 milliards d’euros.
Nike, équipementier américain et premier équipementier sportif au monde, est arrivé sur le marché du football bien des années après Adidas. Ils se taillent à eux deux la part du lion du marché de l’équipement-football, segment sur lequel Adidas reste toutefois pour l’instant leader mondial. Puma est quant à lui un concurrent encore modeste même s’il a effectué de gros efforts pour être visible lors de la Coupe du monde au Brésil.
Ainsi, à eux 3, ils équipaient 25 des 32 équipes du Mondial (9 pour Nike, 8 pour Adidas et 8 pour Puma) alors qu’Adidas était de son côté le seul sponsor officiel de la compétition.
Adidas et Nike ont par ailleurs à eux deux 90% du marché mondial de la chaussure de football et ont rivalisé au Brésil en équipant plusieurs centaines de joueurs (dont plus de 300 pour le seul Adidas, et ce compris Lionel Messi lui-même).
Par conséquent, le marché étant restreint à deux ou trois gros concurrents (Kappa et le nouvel arrivant Warrior n’étant pas encore prêts à rentrer dans le bal des très gros), ceux-ci se retrouvent dans une situation de concurrence exacerbée, qui les incite à faire chaque saison des efforts supplémentaires pour conserver leurs clients ou en acquérir de nouveaux.
Les maillots des équipes de football : un marché fortement profitable pour les clubs et fédérations
Selon le rapport 2013 des sociétés de marketing Repucom et PR Marketing, les contrats signés par les 98 clubs des 5 premiers championnats de football européens (Allemagne, Angleterre, Espagne, France et Italie) représentaient 390 millions d’euros. Soit 18% de plus qu’en 2012.
Nous attendons leur rapport pour 2014, mais ces chiffres seront sans nul doute encore en hausse. Ils le seront de nouveau en 2015 avec le contrat qu’Adidas vient de signer avec Manchester United.
Parmi les 5 grands championnats européens, l’Angleterre se classait en tête en 2013 avec un total de partenariats de 145,5 millions d’euros, loin devant l’Espagne, classée deuxième avec un total de 85 millions d’euros.
La France fermait la marche avec un total de 33,1 millions d’euros tout en enregistrant (en grande partie grâce au PSG) une hausse prometteuse de 32% du montant total des contrats signés par les clubs de Ligue 1. Le dernier contrat du PSG avec Nike fera d’ailleurs considérablement augmenter le chiffre du football français pour 2014.
Il n’en reste pas moins que ces contrats concernent principalement les grands clubs. Ceux qui ont une visibilité majeure au niveau national comme au niveau international. Manchester United est l’un des plus grands clubs anglais, si ce n’est le plus grand. Sa participation à la Ligue des Champions est quasi assurée chaque année (la saison 2014/15 étant l’exception à la règle). Son image est vendue sur tous les continents. Adidas a donc jugé bon de lui offrir 94 millions d’euros par an pendant 10 ans.
Or, 94 millions d’euros versés par Adidas, c’est plus que les budgets totaux, c’est à dire toutes recettes confondues (droits TV, billetterie, sponsors, équipementier, etc…), de 16 des 20 clubs de Ligue 1 lors de la saison 2013/14.
On comprendra donc que cette guerre des équipementiers bénéficie au football, à ses clubs et à ses fédérations nationales mais qu’elle leur réserve des conditions différentes et donc des destins différents. Et que par la même, les équipementiers participent au gouffre de plus en plus apparent entre les très grands clubs européens et les autres.
Nous retiendrons aussi et en tout état de cause du dernier contrat signé par Adidas avec Manchester United, qu’un tel contrat peut sans conteste avoir une valeur de 94 millions d’euros par an.
Il sera par conséquent difficile pour tous ceux qui suivent de près l’évolution de l’économie du football, de ne pas mettre ce contrat en perspective avec celui signé entre le PSG et l’organisme de tourisme du Qatar, pour une valeur initiale de 200 millions d’euros. Rappelons que le concernant, l’Instance de Contrôle Financier des Clubs (ICFC) de l’UEFA avait estimé qu’il ne pouvait pas valoir plus de 100 millions d’euros et avait donc contraint le PSG a revoir son budget en conséquence.
Un contrat entre un club et un équipementier sportif en vue de vendre des maillots aurait donc apparemment plus ou moins la même valeur que celui d’un contrat entre un club et un organisme étatique en vue de la promotion de son pays.
Le PSG et l’Etat Qatari apprécieront.
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