BREXIT – Ce n’est encore qu’un scénario noir, une hypothèse d’école à laquelle peu de personnes veulent croire. Même en cas de victoire des partisans de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne lors du référendum de jeudi 23 juin, imaginer nos voisins rompre définitivement les liens avec l’Europe n’est pas chose aisée. Mais l’idée fait tout de même frémir les fans de football qui se demandent à quoi ressemblerait la Premier League, le championnat le plus médiatique au monde.
Leur crainte est de voir tous les joueurs européens contraints de quitter leur équipe, à commencer par les stars françaises qui ont éclater au grand jour l’an passé. N’Golo Kante forcé de partir de Leicester qu’il a conduit au titre de champion ou Dimitri Payet obligé de retraverser la Manche en laissant West Ham orphelin: cela pourrait réellement se produire.
S’il ne croit pas au scénario, l’avocat Thierry Granturco spécialisé dans le droit des affaires et le droit du sport détaille ce qui pourrait tout de même arriver. “La campagne du Brexit contient beaucoup de bluff des deux côtés et le football n’y échappe pas mais je ne crois pas à une conséquence du Brexit sur le football anglais”, affirme-t-il après que l’ex-international anglais Sol Campbell a pris fait et cause pour la sortie en indiquant que cela ferait du bien au foot anglais.
Pour l’ancien joueur d’Arsenal, un Brexit aurait pour conséquence de réduire le nombre de joueurs étrangers sur l’île et donc de promouvoir les footballeurs britanniques.
A l’origine, un texte décrié pour les extracommunautaires
“C’est possible mais ce n’est pas le Brexit seul qui engendrerait ça. En cas de sortie de l’UE, le plus probable est que le Royaume-Uni garde un statut juridique aménagé comme l’ont les pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE) dont la Norvège ou la Suisse. Aller plus loin signifierait que les Britanniques veulent tourner non seulement la page politique de leur appartenance à l’Europe mais aussi la page juridique. Aujourd’hui la quasi totalité de leur législation est tirée de l’Union européenne et rayer tout cela n’est pas aisé”, estime Thierry Granturco.
Mais parce que certains font référence à ce cas de figure extrême, voici en quoi il impacterait le monde du foot. Aujourd’hui, en vertu de l’arrêt Bosman (du nom d’un joueur belge des années 90), les Européens peuvent jouer sans permis de travail (donc sans restriction) dans les équipes anglaises. En théorie, un club de Premier League peut aligner 11 joueurs étrangers, pour peu qu’ils soient européens.
“La règle est différente pour les joueurs extracommunautaires, qui viennent d’un pays n’appartenant pas à l’UE. Un texte discutable juridiquement mais pas encore contesté devant les tribunaux est entré en vigueur il y a peu. Il réduit de manière drastique leur venue dans le championnat anglais; la fédération veut ‘protéger les jeunes joueurs anglais’ en interdisant l’arrivée de joueurs de pays moyens” d’un point de vue football, décrypte Thierry Granturco.
Un international français doit avoir jouer 45% des matches
Cette législation édicte par exemple qu’un joueur venant d’un pays qui n’est pas dans les 50 meilleures nations du foot ne recevra pas de permis de travail. Et pour les 50 premiers pays (dont la France), il faut montrer un talent retentissant. “Si vous n’êtes pas international dans votre pays, vous n’avez pas le droit de jouer”, dit l’avocat. Sur cette base, cela posera des problèmes à 122 des 168 joueurs européens de Premier League, selon une estimation de la BBC. Parmi eux, de très nombreux joueurs français mais pas N’Golo Kante ni Dimitri Payet qui portent le maillot bleu durant l’Euro 2016.
Seulement, être international ne suffit pas. “Il faut jouer avec régularité pour son équipe nationale”, précise Thierry Granturco. Pour les nations classées entre la 11e et la 20e du classement Fifa (la France est 17e), un joueur doit avoir disputé 45% des matches au cours des deux dernières années. Or N’Golo Kante n’est international que depuis le mois de mars. Avant le début de cet Euro, il n’avait disputé que 4 matches. Quant à Laurent Koscielny, il n’a joué que par intermittence; pas suffisamment pour avoir fait au moins 9 des 20 derniers matches des Bleus depuis septembre 2014.
Ca passe pour Payet et Martial, pas pour Kante ni Sakho
Dans le graphique ci-dessous, on voit qu’Anthony Martial a juste rempli les critères. C’est le cas aussi de Dimitri Payet ou Olivier Giroud. Ce n’est en revanche pas le cas de Mamadou Sakho ou Samir Nasri qui ont disparu des radars de Didier Deschamps.
Une telle décision serait-elle bonne pour l’image du football anglais? Professeur d’études de football à l’université de Liverpool, Rory Miller ne le pense pas et il estime que cela pourrait refroidir l’ardeur des protectionnistes britanniques. “Réduire le nombre de joueurs de bon niveau en Premier League diminuera la valeur de sa marque, particulièrement auprès du public étranger. Les responsables de la ligue, qui visent à maximiser les revenus des droits de retransmission à la télévision pour le compte des clubs, ne seront donc pas très contents. Les supporters verront également d’un mauvais œil que l’on empêche leurs clubs d’acquérir certains des meilleurs joueurs européens”, affirme-t-il à La Tribune de Genêve.
S’ils décidaient tout de même d’aller au bout de leur logique, les dirigeants anglais rendraient finalement un bon service à leurs homologues français qui se demandent comment retenir chez eux leurs jeunes pépites attirées par les sirènes d’outre-Manche dès qu’elles ont réalisé une bonne saison.
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