Brandao, joueur Brésilien fraîchement recruté par Bastia, a décidé samedi dernier de régler un différend qui l’opposait au Parisien Thiago Motta à la fin du match PSG-Bastia, en lui assénant un violent coup de tête. Cette agression eut lieu dans les couloirs menant aux vestiaires et fut filmée par les caméras de surveillance du Parc des Princes.
L’indignation fut grande sur les réseaux sociaux et ce d’autant plus que les images de l’agression furent disponibles de tous dans les minutes qui suivirent les faits.
La question est donc maintenant celle de savoir comment, par qui et pourquoi Brandao devra être sanctionné.
La violence physique dans le sport peut être juridiquement un risque accepté
La violence physique n’a pas automatiquement une traduction juridique, en raison de ce que l’on appelle l’acceptation du risque inhérent à la pratique sportive. Cette notion du risque accepté est régie par l’article L 321-3-1 du Code du sport.
Certains sports sont par nature violents. Peut-on dire par exemple que le boxeur, dès qu’il porte un coup, doit être condamné? Non, car cela est prévu dans les règles de son sport et son adversaire est prévenu que des coups lui seront portés. C’est donc l’idée de prévisibilité qui marque la frontière entre l’action sportive violente préjudiciable -qui porte atteinte aux droits de l’individu- et celle qui ne l’est pas.
Ainsi, il existe des règles, écrites ou non, propres au sport pratiqué: on parle alors d’acceptation du risque, car le sportif pratique le sport en question en connaissance de cause, sachant pertinemment ce à quoi il s’expose.
De ce fait, si au cours du jeu, l’un des joueurs est blessé, il faut se demander si l’auteur de la violence respectait ou non les règles du sport en question ou s’il a agit avec une maladresse caractérisée, une brutalité volontaire, de façon déloyale ou créant pour son partenaire -et selon les termes employés en jurisprudence- un risque anormal.
Plus simplement, si l’individu a respecté les règles du jeu, son comportement ne peut être qualifié de fautif dans la mesure où la victime pouvait légitimement s’attendre à de tels actes, dont elle aura par ailleurs accepté les possibles conséquences.
La pratique du football génère de nombreux contacts physiques dont certains peuvent parfois être violents. Mais aucun joueur de football ne peut raisonnablement s’attendre à recevoir un violent coup de tête de l’un de ses adversaires, donné volontairement et dans l’intention de le blesser, de surcroît après la fin du match.
L’acte de Brandao doit donc, pour ceux qui en doutaient, être sanctionné.
Brandao doit d’abord être sanctionné par le SC Bastia pour violation grave à ses obligations contractuelles
Le fait que l’agression commise par Brandao soit d’abord vue par tout à chacun comme un acte lié au match PSG-Bastia et par conséquent soumis aux règlements de la Ligue de Football Professionnel (LFP), ne doit pas occulter le fait que Brandao devra d’abord rendre des comptes à son employeur.
Une telle agression commise dans le cadre de ses obligations professionnelles constitue en effet, et pour le moins, une faute grave. La Cour de Cassation définit comme faute grave “celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations résultant de son contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis”.
Il ressort de la jurisprudence de la Cour de Cassation que des agressions physiques telles que celle commise par Brandao, constituent bel et bien une faute grave.
Par ailleurs, les articles 1234-1 et 1234-5 du code du travail précisent que la faute grave entraîne la rupture immédiate du contrat de travail sans préavis ni indemnité de licenciement.
En d’autres termes, le SC Bastia sanctionnera sans aucun doute son joueur fautif. Mais le club pourrait aussi aller jusqu’à le licencier s’il devait en décider ainsi.
Brandao pourrait aussi être sanctionné pénalement pour coups et blessures volontaires
Le sport n’est pas une zone de non-droit et le droit pénal peut légitimement trouver à s’y appliquer.
De nombreuses règles régissent la matière pénale, mais la plus importante est que la faute pénale requiert un élément dit objectif (le fait délictuel) et un élément dit subjectif (l’intention délictuelle), c’est-à-dire notamment la certitude que l’on peut rattacher l’attitude en question à un auteur déterminé.
Or, en l’occurrence, le fait délictuel est clair (le coup de tête) et l’intention délictuelle l’est tout autant (les images montrent clairement que Brandao souhaitait agresser Thiago Motta).
Brandao est donc l’auteur de coups et blessures volontaires sur la personne de Thiago Motta et les faits peuvent être graves. Qu’on en juge: l’article 222-11 du Code pénal prévoit que les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.
Il faut espérer pour Thiago Motta et le PSG qu’il ne soit pas indisponible plus de 8 jours mais il serait en tout état de cause normal que le joueur, assisté du club parisien, porte plainte contre son agresseur.
Ou dit autrement, il serait anormal que les coups et blessures volontaires infligés à Thiago Motta par Brandao ne soient pas soumis à la juridiction pénale. Même si l’ITT de Thiago Motta devait être inférieure à 8 jours et même si les faits devaient être portés à la connaissance du tribunal de police plutôt qu’à celle du tribunal correctionnel.
En tout état de cause, si Thiago Motta et le PSG ne devaient pas donner de suite à cette agression, rien n’empêcherait alors le Ministère public de déclencher des poursuites contre Brandao.
Brandao pourrait également être condamné par les juridictions civiles à indemniser Thiago Motta
L’article 1382 du Code civil dispose que “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à la réparer”. En d’autres termes, chaque fois que quelqu’un cause un dommage à quelqu’un d’autre par sa faute, il doit le réparer et le Code civil prévoit à ce titre le paiement de dommages et intérêts, c’est-à-dire d’une somme d’argent.
On parlerait alors dans le cas de Brandao de responsabilité civile délictuelle.
Si Thiago Motta choisit de se tourner vers le juge civil pour que son préjudice soit réparé, il lui faudra alors l’évaluer (évaluation pécuniaire) et saisir le tribunal en fonction du montant réclamé (tribunal d’instance ou tribunal de grande instance).
S’il choisit cette option en plus de l’action pénale, le juge civil devra alors attendre le prononcé du jugement pénal pour lui-même statuer au civil et ne pourra méconnaître ce dernier (sursis à statuer prévu par l’article 4 § 2 et 3 du Code de procédure pénale): le juge civil, saisi de l’action civile, doit en effet tenir pour vrai ce qui a été jugé par la juridiction répressive.
Autrement dit, si Brandao ne devait pas être condamné pénalement, il ne serait alors pas condamné au civil à payer des dommages et intérêts.
En résumé, Brandao pourrait éventuellement éviter une sanction de son employeur pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. Il pourrait aussi éviter d’être condamné pénalement si Thiago Motta devait ne pas porter plainte.
Il pourrait même éviter d’être condamné civilement si sa victime venait à décider de ne pas demander, au civil, réparation du préjudice subi.
Mais il n’évitera pas, en tout état de cause, les sanctions disciplinaires que prononcera la LFP.
Brandao sera lourdement sanctionné par la LFP
Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG, a fait part de son indignation aux journalistes après l’agression de Thiago Motta en allant jusqu’à demander, un peu précipitamment, la suspension à vie de Brandao.
Or, selon les règlements disciplinaires de la Fédération Française de Football (FFF) applicables à la situation qui préoccupe M. Al-Khelaïfi, Brandao ne pourra être sanctionné que de 8 matches de suspension si la blessure de Thiago Motta ne devait pas entraîner dans son chef d’incapacité temporaire de travail (ITT).
A contrario, si sa blessure devait générer une ITT inférieure ou égale à 8 jours, Brandao pourrait alors écoper jusqu’à un an de suspension ferme. Cette sanction pourrait même être de deux ans si l’ITT de Thiago Motta s’avérait être supérieure à 8 jours.
On aura donc compris qu’à 34 ans, Brandao risque gros. Indépendamment des actions civile et pénale auxquelles il pourrait avoir à faire face, il est légitime de penser que si son club devait décider de le licencier, sa carrière en France prendrait probablement fin. Il en serait probablement de même si la LFP devait avoir la main lourde au moment de le sanctionner disciplinairement.
Mais même si cette agression malheureuse devait sonner la fin de la carrière de l’attaquant brésilien, les instances du football français ne sauraient laisser passer de tels faits sans les sanctionner lourdement.
Le football amateur, ses licenciés, ses arbitres et ses bénévoles qui multiplient les efforts chaque week-end pour endiguer la violence des stades ne le comprendraient pas.
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