Ben Arfa est-il le “Nabilla” du football professionnel? Plus généralement, un club peut-il empêcher l’un de ses joueurs de s’exprimer? En particulier quand, comme dans la dernière vidéo publiée par Hatem Ben Arfa sur sa page Facebook, le joueur déclare: “Le football c’est très bien, mais j’essaie de m’ouvrir à d’autres choses, j’ai 30 ans”. Ce qui a provoqué un très grand nombre de commentaires et de moqueries, en particulier sur les réseaux sociaux.
Concernant le PSG, on imagine d’abord mal que des séances d’entraînement – que montre Ben Arfa dans ses vidéos – aient pu être filmées sans l’accord préalable du club. Dans le cas contraire, il faudrait que le PSG se penche de toute urgence sur la sécurité de son centre d’entraînement. Par ailleurs, on ne détecte dans ces vidéos aucun propos, direct ou indirect, qui puisse nuire à l’image du club.
On peut aussi légitimement supposer que le joueur n’a pas contrevenu aux dispositions contractuelles qui sont les siennes. Il est, en effet, peu probable que le contrat d’Hatem Ben Arfa avec le PSG contienne des dispositions lui interdisant de tourner ce genre de vidéos. Des vidéos qui sont centrées sur sa propre image, et non sur celle de son club ou de ses sponsors.
Ces vidéos ne portent pas, non plus, atteinte aux intérêts commerciaux du club parisien. Bien que se focalisant sur le joueur, ces vidéos n’ont pas d’objet commercial et ne visent pas à exploiter ses droits à l’image.
Dit autrement, et pour reprendre les termes des jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’Homme, comme de la Cour de Cassation française, Hatem Ben Arfa n’a en rien contrevenu à ses obligations de loyauté, de réserve et de discrétion envers le PSG.
Il n’a pas non plus traité la France de “pays de merde” comme a pu le faire en son temps Zlatan Ibrahimovic. Il n’a pas utilisé Périscope pour insulter son entraîneur comme a pu le faire Serge Aurier. Et il n’a pas, non plus, fait de déclaration pour remettre en cause les ambitions et le statut du PSG, comme a pu le faire Marco Verratti via son agent.
Le PSG face à l'”effet Nabilla”
S’il n’a pas contrevenu à ses obligations contractuelles avec le PSG, son club peut-il, quand même, empêcher Ben Arfa de s’exprimer? Pour s’éviter le ridicule et un “effet Nabilla” difficile à supporter et à gérer, dans le cadre de la communication verrouillée du club?
Bien sûr que non. Et heureusement. Le droit à la liberté d’expression est garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme et par l’article 24 de notre Constitution. Il a été par ailleurs consacré, pour ce qui relève des salariés, par le fameux arrêt Clavaud de la Cour de Cassation, rendu en 1988.
Ne sont bien entendu pas couverts par ce droit à la liberté d’expression les divulgations d’informations confidentielles, les atteintes à l’honneur et à la dignité de l’employeur ou d’autres salariés et les faits donnant lieu à une qualification pénale tels que la calomnie, la diffamation ou les injures. Mais on ne retrouve rien de tout cela dans les vidéos d’Hatem Ben Arfa.
Alors oui, la dernière vidéo du joueur du PSG est surprenante. Plus parce qu’elle relève d’une démarche inhabituelle qu’autre chose. Les supporters et la presse spécialisée sont plus habitués à voir les joueurs s’exprimer à coups de messages de 140 caractères via Twitter, qu’à les voir se transformer en YouTubers.
Mais il va peut-être falloir s’y habituer. Car avec le foot 0.3, il en est probablement fini du temps ou l’on pouvait dire aux footballeurs professionnels, “sois bon et tais-toi”. Les clubs sont entrés, comme le dirait Nabilla, dans l’ère du “Non mais allo quoi”. Pour le meilleur et pour le pire.
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