C’est un nouveau coup de massue. En l’espace d’un mois, deux clubs professionnels viennent de voir les CDD de certains de leurs entraîneurs être requalifiés en CDI par les tribunaux : l’AJ Auxerre, devant la Cour d’Appel de Paris le 15 décembre 2016, et le FC Lorient, devant la Cour d’Appel de Rennes le 18 janvier dernier. Avec toutes les conséquences juridiques et financières que cela implique.
Pourtant, le moins que l’on puisse dire, c’est que les clubs ne sont pas tombés de la dernière pluie en matière de requalification de contrat. Alors, comment l’AJ Auxerre et le FC Lorient en sont-ils arrivés là ?
Une jurisprudence bien établie
Dans un premier temps, le Code du travail et la Convention Collective Nationale du Sport tentent de faire du sport professionnel un secteur dans lequel il est d’usage de recourir au CDD, en lieu et place du CDI.
Cet « usage » est justifié, disent les acteurs du monde du football, par l’aléa sportif et par l’impact des résultats des compétitions sur la continuité d’une relation de travail entre un entraîneur et son employeur.
Un entraîneur étant recruté pour réaliser des performances, il paraît normal qu’il puisse être prolongé jusqu’à la compétition suivante en cas de succès, ou licencié en cas d’échec.
Le problème, et il est de taille, c’est que la Cour de Cassation ne l’entend pas du tout de cette oreille. Elle se refuse à admettre la spécificité du sport face aux règles du droit social français. Et requalifie donc assez régulièrement les CDD des entraîneurs en CDI.
Sa jurisprudence, formalisée pour ce qui relève du football dans le fameux arrêt Padovani du 17 décembre 2014, est naturellement suivie par les juridictions inférieures, comme viennent donc encore de le constater l’AJ Auxerre et le FC Lorient.
Une loi pour « recadrer » la jurisprudence
Plaidant une « insécurité juridique », le Parlement finit par réagir. Il adopte le 27 novembre 2015 la loi n° 2015-1541 « visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale », qui introduit dans le Code du sport un nouvel article L. 222-2-3 stipulant que le CDD est obligatoire pour tous les sportifs et entraîneurs professionnels.
Le CDD devient officiellement la norme dans le milieu du sport professionnel et la multiplication de signatures de CDD par un entraîneur ou un joueur au sein du même club ne risque plus la requalification en CDI par les cours et tribunaux français. En théorie.
Des incertitudes demeurent
Car si l’avenir semble être a priori plus certain pour les sportifs, leurs entraîneurs et les clubs qui les emploient, l’application de la nouvelle loi dans le temps pourrait réserver quelques surprises.
Il est clair qu’un club qui aura embauché un nouvel entraîneur à compter du 27 novembre 2015 pourra lui faire signer autant de CDD qu’il veut sans risquer une requalification dudit contrat en CDI.
Il est clair, également, que les situations nées avant l’entrée en vigueur de la loi du 27 novembre 2015, telles que celles de l’AJ Auxerre et du FC Lorient seront évaluées et jugées au regard de la jurisprudence antérieure. Un entraîneur qui aura signé plus de deux CDD dans son club, verra donc le troisième d’entre eux être requalifié en CDI si celui-ci a été signé avant l’entrée en vigueur de la loi.
Mais si, en revanche, un club a déjà fait signer deux CDD à son entraîneur avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, et qu’il souhaite lui en faire signer un troisième après le 27 novembre 2015, il n’est pas certain d’avoir gain de cause.
L’article 26–V de la loi de 2015 semble bien vouloir dire qu’un troisième CDD pourrait être signé, ce qui ferait basculer toute la relation club-entraîneur sous le coup des dispositions de la nouvelle loi, sans qu’une requalification en CDI s’impose.
Mais cela équivaudrait à donner à la loi 2015-141 un effet rétroactif sur la relation sociale entre le club et l’entraineur, ce que la Cour de cassation pourrait très bien ne pas accepter.
Etant donné que la durée d’une relation contractuelle entre un club et son entraîneur dépasse rarement trois ans, cette incertitude devrait, cependant, n’être – elle aussi – qu’à durée déterminée.
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