C’est un arrêt important qu’a rendu la Cour de cassation, le 29 janvier dernier, dans une affaire opposant le Toulouse Football Club (TFC) à Yohan Pelé, gardien de but et l’un de ses ex-joueurs.
Cet arrêt confirme une pratique que de nombreux clubs avaient mise en œuvre ces dernières années, dans les cas de joueurs devenus inaptes à la pratique du football professionnel.
La Cour de cassation a dû à cet effet se pencher sur les articles 51, 265, 267 et 271 de la Charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective. Et ce faisant, elle a apporté de la sécurité juridique à des clubs qui, dans les circonstances actuelles, en ont plus que jamais besoin.
En juin 2009, le TFC embauche le joueur par le biais d’un contrat à durée déterminée (CDD) portant sur quatre saisons sportives. Mais le 9 mai 2012, le club toulousain rompt de manière anticipée ce contrat, pour inaptitude et impossibilité de reclassement du joueur.
Contestant cette mesure, ce dernier saisit alors le Conseil de prud’hommes de Toulouse considérant, entre autres, que le club aurait dû préalablement saisir la Commission juridique de la Ligue de Football Professionnel (LFP). Débouté, il fait appel devant la Cour d’appel de Toulouse.
Et c’est par un arrêt en date du 21 avril 2017 qu’il pense d’abord obtenir gain de cause, puisque les magistrats toulousains décident de retenir le caractère abusif de la rupture, en l’absence de saisine préalable de la Commission juridique de la LFP à fin de conciliation. Avant que le TFC ne se pourvoie en cassation.
Fallait-il effectivement que le TFC saisît la Commission juridique de la LFP avant de licencier son joueur pour inaptitude et impossibilité de reclassement ?
Selon le contrat de travail conclu entre les parties, « le club et le joueur s’engagent à respecter toutes tes dispositions de la Charte du football professionnel ».
Or selon l’article 251 de la Charte, « à peine de nullité, les règles édictées au présent sous-titre devront être respectées et, d’une manière générale, toutes celles prévues par le Code du travail et le Code civil ».
L’article 252 énonce de son côté que « le contrat d’un joueur est constaté par écrit. À l’exception du contrat apprenti, il s’inscrit dans le cadre des dispositions des articles L.1242-2,3 et D. 12424 du Code du travail ».
Le contrat de travail conclu par le TFC et son ex-joueur s’apparente donc à un CDD d’usage. Il s’inscrit dans le cadre des dispositions du Code du travail sur le contrat à durée déterminée, et notamment celles concernant la rupture dudit contrat.
Selon l’article 267 de la Charte, « conformément au Code du travail, l’inaptitude physique du joueur ne peut être constatée que par le médecin du travail selon la procédure décrite dans ce même cadre ». Selon l’article L.1243-1 du Code du travail, alors applicable, « sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail».
Les Hauts magistrats prennent note que l’inaptitude du joueur avait été dûment constatée, et même vérifiée conformément aux dispositions de l’article L. 1243-1 du Code du travail, et qu’une proposition de reclassement avait été envoyée au joueur, qui l’avait refusée.
Les Hauts magistrats considèrent, dans un premier temps, qu’il résulte effectivement des dispositions combinées des articles 51 et 265 de la Charte du football professionnel, que lorsqu’un club envisage la rupture du contrat de travail d’un joueur professionnel, en raison d’un manquement de ce dernier à ses obligations contractuelles, le litige doit être porté devant la Commission juridique de la LFP. Commission qui doit alors immédiatement convoquer les parties et tenter de les concilier.
L’intervention de cette Commission constitue une garantie de fond pour le salarié et la rupture décidée sans que la Commission ait préalablement statué ne peut avoir de justification, la rendant abusive.
Toutefois, la Cour de cassation estime qu’il en va différemment lorsque la rupture anticipée du contrat est prononcée en raison de l’inaptitude du salarié. Il s’agit, alors, d’un cas autonome de rupture du contrat qui ne relève pas du champ d’application de ladite Commission.
Elle juge que dès lors, en décidant que le TFC avait l’obligation de la saisir, la Cour d’appel de Toulouse a violé les articles 51, 265 et 267 de la Charte du football professionnel ainsi que l’article L. 1243- 1 du code du travail.
Elle casse donc l’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse et renvoie Yohan Pelé… dans ses buts. L’histoire retiendra cependant que déclaré inapte à Toulouse, ce dernier s’est depuis lors engagé avec l’Olympique de Marseille où ses performances sportives ont été et restent remarquables…
Les Hauts magistrats ont rappelé, dans leur grande sagesse, que la Commission juridique n’est qu’un organe de conciliation dépourvu de toute prérogative en matière d’inaptitude. Cela allait peut-être sans dire. Mais cela va définitivement mieux en le disant.
Partager cette page