Qui fait quoi dans les clubs de foot ? Il est habituel que dans les clubs, y compris professionnels, toutes les fonctions sportives ne soient pas clairement définies.
Le recruteur fait du recrutement et parfois de la supervision de match. Le directeur sportif fait de la supervision de match et du recrutement. Le coach prend des contacts en vue de recruter, mais sans se coordonner ni avec le recruteur ni avec le directeur sportif… L’organigramme d’un club cache, bien souvent, une situation complexe. Et souvent indéchiffrable. Y compris, et c’est là le risque, pour les dirigeants eux-mêmes.
Résultat : ce sont bien souvent les juges qui doivent trancher. C’est ce que viennent de faire les magistrats de la Cour de Cassation, en date du 2 mars dernier, en traitant du cas d’un recruteur du FC Lorient.
Engagé par le club en 2006, et reconduit depuis via la signature de plusieurs CDDs d’usage, ce dernier avait été libéré de ses obligations en 2012.
Il a aussitôt saisi le Conseil des Prud’hommes, pour lui demander la requalification de ses CDDs d’usage en CDI. L’affaire a finalement été portée devant la Cour d’Appel de Rennes qui, dans un arrêt du 4 novembre 2015, l’a débouté de ses demandes.
Pourquoi a-t-il été débouté ? La Cour a estimé, en résumé, qu’un poste de recruteur ne pouvait être considéré comme relevant d’une activité courante et permanente. Elle a donc conclu qu’il ne pouvait relever que de CDDs d’usage.
Cet arrêt était surprenant à plus d’un titre. Il révélait, d’abord, à quel point les magistrats de la Cour d’Appel de Rennes… ignoraient le fonctionnement des clubs professionnels de football.
Force est de constater que, 5 ans après le départ du recruteur concerné par cette affaire, le FC Lorient est toujours en Ligue 1, et continue à employer des recruteurs. Et nul doute que si le club breton devait être relégué en Ligue 2 à la fin de la saison, il continuerait quand même à employer des recruteurs.
Car sauf à être relégué de Ligue 1 en National – et encore -, un bon recrutement a un impact direct sur les résultats sportifs d’un club, résultats qui ont eux-mêmes un impact direct sur sa situation financière.
Un club comme le FC Lorient ne saurait, donc, se passer de recruteurs. Et pour ces raisons, arguer qu’une fonction de recrutement ne serait « ni courante ni permanente » est totalement irrecevable.
Le salarié a décidé, en tout état de cause, de se pourvoir en cassation. Et il a bien fait, puisque la Cour de Cassation, dans un arrêt du 2 mars 2017, a cassé l’arrêt d’appel.
Des condamnations à venir
La Cour de Cassation base son argumentation principalement sur l’article L. 1242-12 du Code du travail ; en estimant que le FC Lorient aurait dû préciser les motifs du recours à des CDDs d’usage. En d’autres termes, la Haute Juridiction estime que le club aurait dû motiver, au sein des CDDs en question, en quoi une fonction de recruteur n’est « ni courante ni permanente » dans un club de football professionnel.
Outre le fait que le FC Lorient aurait eu le plus grand mal à trouver une vraie justification, cet arrêt de la Cour de Cassation pose deux questions majeures.
D’abord, combien de clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 sont aujourd’hui dans la même situation que le FC Lorient ? Réponse : beaucoup.
Ensuite, la nouvelle loi 2015-1541 du 27 novembre 2015 qui instaure les CDDs spécifiques dans le domaine du sport, aurait-elle changé l’approche de la Cour de Cassation dans ce cas précis ? S’agissant d’un recruteur, on peut penser que non.
Le FC Lorient et son ex-recruteur sont donc renvoyés devant la Cour d’appel de Rennes, qui siégera dans une autre composition. Avant probablement que d’autres clubs ne soient également condamnés pour les mêmes raisons. Et que l’on se décide à correctement recruter… les recruteurs.
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