C’est un point qui agite beaucoup le monde des agents de footballeurs et des dirigeants de clubs de football, et que la Cour de Cassation a éclairci cet été. Il s’agit de la manière dont il convient d’interpréter l’article L. 222-17 du Code du sport qui stipule que le contrat d’agent sportif doit revêtir une forme écrite. Tout le débat repose sur la nature exacte que doit prendre cette forme écrire, pour que l’agent puisse s’en prévaloir et se faire payer, le moment venu. Faut-il conclure un contrat en bonne et due forme ? Un simple échange de courriers électroniques suffit-il ?
De quoi s’agit-il en l’espèce ? Une société, la SARL AGT Unit, dont le gérant est titulaire d’une licence d’agent sportif, prétend avoir reçu mandat de l’AS Saint-Etienne (ASSE) pour négocier le transfert d’un joueur avec le Borussia Dortmund. Le transfert étant réussi, l’agent exige que le club lui verse sa commission. L’ASSE, de son côté, conteste l’existence même du mandat. Et refuse de payer.
L’agent est débouté en première instance, ce que confirme la Cour d’appel de Lyon, le 10 novembre 2016, en estimant que puisque les emails échangés par les parties ne sont pas regroupés en un seul et même document, le contrat formé n’est pas recevable. Tenace, et convaincu de son bon droit, l’agent forme alors un pourvoi en cassation, et finit par emporter le match.
La toute-puissance du courrier électronique
Dans un arrêt du 11 juillet 2018 (1re civ., 11 juil. 2018, n° 17-10.458), la Cour de cassation précise, en effet, que les dispositions de l’article L. 222-17 du Code du sport n’imposent nullement que les contrats d’agents de joueurs soient établis sous la forme d’un acte écrit unique. Elle renverse du même mouvement les certitudes de bon nombre de directeurs juridiques de clubs de football.
Un tel contrat pouvant tout à fait être matérialisé par un échange de courriers électroniques, la Cour de cassation considère que la Cour d’appel de Lyon a violé l’article L. 222-17 du Code du sport en retenant une condition que la loi n’envisage pas.
La Haute Juridiction rappelle, au passage, que l’article 1108-1 du Code civil stipule que lorsqu’un écrit conditionne la validité d’un acte juridique, ce dernier peut être établi sous une forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 du même Code. Par conséquent, en considérant qu’un courrier électronique ne peut, par nature, valoir contrat, la Cour d’appel a également violé les textes en question.
Elle conclue donc en renvoyant les parties devant la Cour d’appel de Grenoble pour un jugement définitif sur le fond.
Un dirigeant de club averti en vaut deux
L’article L 222-17 du Code du sport doit donc être lu à la lumière des principes qui gouvernent notre droit civil. Un contrat peut se former par le simple échange de volonté des parties, qui peut s’exprimer à travers un courrier électronique ou une série de courriers électroniques. Si le consentement des parties est clairement exprimé, que ces dernières sont en capacité de s’engager, que la prestation objet du contrat est identifiée et que son prix est déterminé ou déterminable, le contrat est formé.
En prenant cette décision, la Cour de Cassation met en garde les clubs, qui devront faire attention à ne pas mandater un agent, malgré eux. C’est un rappel de plus de l’importance des échanges électroniques et de la nécessité de ne pas les prendre à la légère. Car au final, le droit a toujours le dernier mot.
Partager cette page