“Les Bleus vont monter en puissance”, “l’important, c’est de se qualifier”, “la véritable compétition commence maintenant”… Les journalistes sportifs redoublent de précautions et de formules alambiquées pour éviter de dire ce que tous les supporters ont pu constater: notre équipe nationale a été jusqu’ici bien décevante.
Certes, elle a gagné, très péniblement, face à l’Australie et au Pérou avant de faire un match nul affligeant contre le Danemark. Certes, elle a terminé première de sa poule. Certes, elle est qualifiée pour les huitièmes de finale.
Performance et spectacle sont-ils antinomiques?
Mais est-ce suffisant? Nos Bleus comptent parmi eux de véritables stars du football international. Des joueurs dont nous pouvons dire fièrement, qu’ils comptent parmi les meilleurs du monde. Or, ils produisent sur le terrain un football d’une rare pauvreté.
Notre défense a, heureusement, été jusqu’ici imperméable. Elle n’a encaissé qu’un seul but en trois matches. Mais notre milieu de terrain est constamment mis en difficulté et il serait même dépassé sans l’activité hors norme de N’Golo Kanté. Notre attaque est, quant à elle, inoffensive. Elle n’a pas pu marquer plus de trois buts en trois matches face à des adversaires faibles. Nous pensions avoir des tigres en attaque. Pour l’instant, nous avons des chatons.
Contrairement à la Belgique, au Brésil ou à la Croatie, qui comportent également dans leurs rangs de nombreuses stars internationales, les Bleus gagnent avec difficulté, en nous proposant un jeu de mauvaise qualité. Là où les Belges, les Brésiliens et les Croates gagnent en faisant le spectacle, les Français sont ternes et sans imagination. Comme si le résultat devait nécessairement primer sur la manière.
Alors, qu’est-ce qui ne va pas avec les Bleus?
Ce qui ne va pas avec Bleus
La grande difficulté de l’évaluation d’une Coupe du monde, c’est que l’on estime souvent la valeur d’une équipe nationale à celle de son championnat. Le championnat belge est faible? Son équipe nationale doit nécessairement l’être. Or, cela ne se passe plus du tout comme cela. En réalité, la formation belge est aujourd’hui l’une des plus talentueuses de la compétition.
Mais nos lunettes du passé, qui datent en France de 1982, 1986 ou 1998, quand les Bleus ont été demi-finalistes, puis vainqueurs de la Coupe du Monde, ne cessent de déformer notre vision.
Car depuis 20 ans, le football a profondément changé. Il s’est internationalisé. Les meilleurs joueurs évoluent dans les plus grands championnats de la planète: les championnats anglais, allemand, espagnol et, à un degré moindre, au sein des championnats français et italien.
Pourquoi la France peut gagner, mais pas dominer
Le niveau des joueurs s’est homogénéisé. Ils sont tous physiquement prêts. Ce sont tous des athlètes. On ne peut plus, par exemple, vanter les qualités physiques particulières des Allemands, comme on le faisait dans les années 1980.
Ils ont, aussi, tous les mêmes bases tactiques. On ne peut plus vraiment distinguer le style de jeu des Brésiliens de celui de leurs adversaires. Les Brésiliens, qui jouent tous pour des clubs européens, ont fini par adopter, à tort ou à raison, les mêmes systèmes de jeu que ceux de leurs adversaires.
La principale conséquence de cette révolution du football mondial, c’est que les écarts entre les équipes nationales se sont considérablement réduits. Et que la France n’est pas, ou n’est plus, capable de dominer l’Australie ou le Pérou comme elle le faisait autrefois.
Le jeu en devient, paradoxalement, beaucoup plus ouvert. L’Allemagne est battue par la Corée du Sud, l’Espagne arrache un nul inespéré face au Maroc, le Brésil est accroché par la Suisse…
Nous sommes en huitièmes de finale. Face à des équipes qui joueront dorénavant toutes pour gagner, nos Bleus sauront-ils enfin exprimer leurs qualités? Nous avons tous envie d’y croire. Pour que la France gagne… Tout en produisant du spectacle. Et donc de l’émotion.
Car après tout, un football qui ne produit ni passion, ni émotion, est-ce encore du football?
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