Les images d’Arsène Wenger en venant aux mains avec José Mourinho lors du match Chelsea-Arsenal ont fait le tour du monde. Si les amateurs de football sont habitués aux frasques de Mourinho, ils sont moins habitués à voir l’entraîneur français sortir inconsidérément de ses gonds.
La réputation des protagonistes ne suffit pas à charger l’un pour exonérer l’autre de toute responsabilité
Le flamboyant entraîneur portugais est coutumier des dérapages, qu’ils aient lieu aux bords des terrains ou par presse interposée. Nous n’aurons ainsi pas oublié ses malheureuses déclarations en 2005 après le match entre Chelsea et Barcelone, laissant entendre que le suédois Anders Frisk, ayant arbitré la rencontre, avait été corrompu et poussant du coup ce dernier, dont la vie était devenue un enfer, à mettre prématurément fin à sa carrière.
Après avoir été fermement remis en place par l’UEFA, il continua néanmoins à entretenir des relations tumultueuses avec ses confrères entraîneurs et avec le corps arbitral, ce qui ne l’empêcha cependant pas de recevoir de la FIFA le titre de meilleur entraîneur de l’année en 2011. Pourtant, entre 2005 et 2011, peu ont su comme lui se faire autant haïr de leurs pairs. Sir Alex Ferguson (Manchester United), Massimo Allegri (AC Milan), Franz Beckenbauer (Bayern de Munich) et autre Pep Guardiola (Barcelone) ont ainsi clairement fait savoir le peu de bien qu’ils pensaient du Portugais. Et cette liste de ceux qui le vouaient alors aux gémonies est bien loin d’être exhaustive.
Le voir être bousculé il y a quelques jours par Arsène Wenger n’a donc presque rien d’étonnant. Si ce n’est que les Français ne s’attendaient pas à voir celui que la presse hexagonale a l’habitude de présenter comme un gentleman, être capable d’un tel comportement. Il a ainsi été presque immédiatement pardonné. Cela ne pouvait être qu’une réaction justifiée de sa part.
Et bien non! José Mourinho ou pas, Arsène Wenger ou pas, le spectacle donné par l’entraîneur français d’Arsenal n’est pas digne d’un entraîneur de son rang. Et il n’est pas acceptable pour tous ceux qui font de l’éthique dans le football un cheval de bataille, de voir un entraîneur de haut niveau, lors d’un match de haut niveau, retransmis aux quatre coins du monde, se comporter moins bien que la très grande majorité des éducateurs français qui le prennent pourtant comme exemple.
Arsène Wenger doit continuer à défendre les valeurs et l’éthique du football
Arsène Wenger a perdu ses nerfs quelques secondes. Cela peut se comprendre. La tension autour de ces matches peut parfois être épouvantable, les faits de jeu peuvent être intolérables (comme le tacle assassin de Gary Cahill, joueur de Chelsea, sur Alexis Sanchez, joueur d’Arsenal, qui fut à l’origine de l’altercation entre l’entraîneur français et son homologue portugais) et la presse écrite outre-Manche est de surcroît plus que d’autres encline à créer des conflits entre clubs dont elle sait ensuite se nourrir.
Dont acte : Arsène Wenger a dérapé et cela peut arriver. Pour ceux qui ont visionné les images de l’altercation en question, ils auront pu voir l’entraîneur d’Arsenal quitter sa zone technique (la zone limitant les déplacements d’un entraîneur durant un match) pour se rendre à la rencontre de José Mourinho, qui lui était resté dans sa zone technique, et le pousser sans ménagement.
Or, Arsène Wenger, pour évoluer au niveau européen depuis de très nombreuses années, connaît parfaitement les « onze valeurs » prônées par l’UEFA, dont la dixième est consacrée au respect. L’autorité européenne du football estime que « Le respect est un principe clé du football. Il implique le respect du jeu, de l’intégrité, de la diversité, de la dignité, de la santé des joueurs, des règles, de l’arbitre, des adversaires et des supporters».
Il sait également que selon le Statut des entraîneurs français (Charte du Football professionnel établie par la Ligue de Football Professionnelle, Titre IV, article 650.3), l’entraîneur « doit également, en servant d’exemple, veiller à la bonne tenue des joueurs sur le terrain et hors du terrain ».
Il sait aussi sûrement que tous les acteurs du football français (en ce compris l’UNECATEF, le syndicat français des entraîneurs) ont adopté une charte « pour un football solidaire et responsable » reprenant 7 engagements principaux dont le premier vise à « promouvoir les valeurs du football en insistant sur le devoir d’exemplarité de tous les acteurs du football sur le terrain et en dehors, en prônant le respect des règles et le fair-play sur tous les terrains, et en luttant contre les dérives liées au sport ».
Il sait que le caractère éthique du football en tant que sport est prôné par tous ceux qui en règlementent la pratique, de l’UEFA donc, en passant par la ”Football Association” (fédération anglaise de football), la FFF, la LFP, le CIO et jusqu’à l’UNESCO qui dans sa Charte internationale de l’éducation physique et du sport de 1978 se préoccupe de l’exemplarité de la pratique sportive dans l’éducation des jeunes.
Il sait aussi que tous les clubs amateurs, qu’ils soient français ou anglais, essayent d’adopter une charte éthique qu’ils tentent ensuite de faire respecter selon les cas, par leurs éducateurs, joueurs, bénévoles et autres supporters.
Alors quand après avoir dérapé, Arsène Wenger refuse de s’excuser, quand il déclare qu’il ne voit pas ce qu’il aurait à regretter et qu’il nie même avoir poussé José Mourinho, il oublie qu’il est plus qu’un homme énervé. Qu’il est plus que l’entraîneur d’Arsenal. Qu’il est même plus qu’un célèbre entraîneur français.
Il est un exemple si ce n’est l’exemple des éducateurs français qui suivent avec assiduité les formations d’entraîneurs de la FFF.
A ce titre, il peut lui arriver de perdre ses nerfs, surtout lorsqu’il fait face à l’insupportable José Mourinho. Mais il n’a pas le droit de ne pas s’en repentir.
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