La nouvelle vient de tomber : la décision de la FIFA du 2 avril 2014 et réitérée en appel le 19 août 2014, visant à interdire de recrutement le FC Barcelone jusqu’en janvier 2016 a été confirmée par la Cour d’Arbitrage du Sport (CAS).
Il a en effet été jugé que le Barça n’avait pas respecté la réglementation de la FIFA sur le transfert des joueurs mineurs et le club a conséquemment été sanctionné d’une interdiction temporaire de recruter et d’une amende de 450.000 francs suisses, soit quelques 375.000 euros.
Certains diront que cette décision est fondée si l’on s’en tient à la lettre des textes en vigueur. D’autres, dont je fais partie, diront qu’elle ne l’est pas si on s’en tient à l’esprit de ces mêmes textes.
Le Barça qui la contestait sur le fond comme sur la forme, avait demandé que son recours puisse être entendu au plus vite, et en tout état de cause avant le début du mercato hivernal qui s’ouvrira le 4 janvier pour se clôturer le 2 février prochain. Le club catalan souhaitait donc manifestement recruter en janvier afin de renforcer son équipe. Il ne pourra donc pas le faire.
Quel est l’objectif général de la réglementation sur le transfert des joueurs mineurs?
Nous avons déjà examiné dans ces mêmes colonnes les textes en vigueur et les enjeux pour le Barça et plus généralement pour tous les clubs professionnels de football. Ils n’ont pas évolué depuis lors.
En bref, la réglementation établie par la FIFA vise à interdire, sauf exceptions, les transferts de joueurs mineurs. L’objectif est, en clair, de s’assurer que ces derniers ne soient pas trop éloignés de leurs familles, qu’une éducation scolaire soit organisée en parallèle de leur formation de joueurs de football et que leur hébergement soit assuré.
Ces objectifs sont de la plus grande importance et ceux qui les mettent en péril doivent effectivement être sanctionnés.
Trop d’abus ont été commis par des agents de joueurs peu scrupuleux et par des clubs peu regardants, pour que la question ne soit pas prise au sérieux.
Mais traiter la question avec détermination ne veut pas pour autant dire qu’il faut la traiter sans discernement.
Quelle est la véritable raison de la sanction imposée au Barça ?
Le Barça possède sûrement l’un si ce n’est le meilleur centre de formation de jeunes joueurs de football au monde. En sont sortis des joueurs illustres dont Lionel Messi lui-même, qui fait aujourd’hui les beaux jours du club catalan.
Les jeunes joueurs qui intègrent la Masia (nom donné au centre de formation du Barça) bénéficient donc d’un hébergement de très haute qualité, d’une formation scolaire irréprochable et d’une formation de footballeurs que l’Europe entière jalouse.
Où est donc le problème ? Il réside principalement dans le fait que certains jeunes joueurs recrutés par le club catalan se trouvent aujourd’hui être géographiquement trop éloignés de leurs familles.
Or, ceci est effectivement interdit par l’article 19 bis du règlement FIFA sur le transfert des joueurs. Dès lors, et selon l’adage juridique bien connu des juristes « Interpretatio cessat in claris » (l’interprétation cesse en présence d’un texte clair), il n’y aurait pas lieu de chercher à faire dire autre chose au règlement de la FIFA que ce qu’il dit, en ce qu’il est rédigé de manière simple et non ambiguë.
Le problème de cette interprétation, dont on aura compris qu’elle privilégie une lecture stricte du texte sur la recherche du sens que ces rédacteurs avaient pu souhaiter lui donner, est qu’elle mène parfois à des décisions inéquitables pour ne pas dire absurdes.
Ainsi, quand le Barça recrute un jeune Mexicain de 15 ans, qu’elle offre à sa famille des billets d’avion et des séjours à l’hôtel pour venir le voir tous les mois à Barcelone, qu’elle permet par ailleurs au jeune joueur en question de rentrer aux frais du club tous les deux mois dans sa famille, l’intéressé est-il en danger ? L’est-il plus qu’un jeune joueur de la banlieue parisienne recruté par un club du sud de la France et dont la famille n’aura pas les moyens financiers de venir le voir ?
Ceux qui interpréteront strictement les textes de la FIFA sur le sujet répondront positivement à ces questions, en privilégiant la généralité sur la spécificité. Ceux par contre qui privilégieront une interprétation dite « téléologique » c’est-à-dire une interprétation guidée par les finalités de la règle, répondront négativement à ces questions. Et nous pouvons aisément les comprendre, car dans le cas de figure ci-dessus, le jeune joueur mexicain pourra effectivement plus s’épanouir en tant que jeune homme, jeune écolier et jeune joueur à Barcelone que le jeune Parisien ne pourra le faire par exemple à Montpellier.
Le Barça va contester la décision de la FIFA et de la CAS
Fort de son expérience dans la formation de jeunes joueurs et confiant dans leur encadrement, le FC Barcelone pourrait donc saisir les juridictions de droit commun pour faire entendre ses arguments.
Car la sanction qui lui est imposée aujourd’hui pourrait être lourde de conséquences pour le club catalan qui lutte pour le titre en Espagne contre un Real de Madrid plus fort que jamais, et en Europe contre une armada de clubs qui contestent ardemment son hégémonie.
Nous suivrons donc ces débats avec intérêt. Car au-delà des aspects économiques et sportifs qu’ils sous-tendent, c’est de l’avenir de jeunes gens et de leurs familles qu’il s’agit. Et nous soutenons que ce n’est pas à Barcelone qu’il convient de s’en inquiéter.
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