L’actualité du football international est telle, avec les soupçons de corruption à la FIFA, que l’on pourrait presque oublier qu’il y a exactement 30 ans, jour pour jour, se déroulait le tristement célèbre drame du Heysel, qui aura coûté la mort à 39 personnes et occasionné des blessures plus ou moins graves à 458 autres.
Il s’agissait d’une belle soirée du mois de mai, à Bruxelles où se situe ce stade depuis lors rebaptisé stade du Roi Baudouin, comme si son nouveau nom pouvait laver l’infamie de quelques dizaines de supporters irresponsables. Liverpool et la Juventus de Turin de Michel Platini s’y rencontraient dans le cadre de la finale de l’ancêtre de la Ligue des Champions.
Aucun heurt significatif entre supporters n’avait été à déplorer dans les rues de la capitale belge. L’ambiance était presque bon enfant. Mais voilà : les autorités belges n’étaient pas prêtes à faire face aux hooligans anglais. Et les règles de sécurité dans les stades étaient quasi inexistantes ou pour le moins inefficientes. Il se produisit donc ce qui devait se produire.
Les supporters de Liverpool devaient être séparés des supporters italiens par des supporters ”neutres” (essentiellement des Belges). En réalité, de nombreux supporters italiens eurent accès à cette zone tampon. De telle sorte que vers 19 h 10, soit plus d’une heure avant le début programmé de la rencontre, la tension entre supporters des deux clubs monta d’un cran, se traduisant d’abord par des insultes et des jets d’objets divers.
Mais à 19h20, près de 200 hooligans anglais décidèrent de charger, en plusieurs vagues, les Italiens qui reculèrent alors vers le fond de la tribune. Les grilles d’évacuation étaient fermées. Les quelques gendarmes postés dans un couloir de séparation entre les deux groupes furent rapidement débordés. L’essentiel des forces de l’ordre belges se trouvait en réalité à l’extérieur du stade.
Les forces de gendarmerie repoussèrent même les supporters qui tentèrent de se sauver par la pelouse. Impossible de s’échapper. Les Italiens étaient pris au piège. La bousculade était inévitable. Des dizaines de personnes furent alors piétinées, étouffées contre les grillages, qui finirent par céder.
Le bilan fut terrible: 39 morts dont 34 Italiens, 2 Belges, 1 Irlandais et même 2 Français.
Puis vint le temps des sanctions…
Le “procès du Heysel” s’ouvre le 17 octobre 1988 au tribunal correctionnel de Bruxelles. Un an plus tard, le 28 avril 1989, le verdict du tribunal tombe : 14 supporters britanniques sont condamnés à 3 ans de prison dont 18 mois avec sursis et 15.000 euros d’amende. 11 autres supporters sont acquittés, au bénéfice du doute. Le secrétaire général de la fédération belge de football est condamné à 6 mois de prison avec sursis et à 5.000 euros d’amende, alors que le capitaine de la gendarmerie alors en charge des opérations est lui condamné à 9 mois de prison avec sursis et à 5.000 euros d’amende.
Le procès en appel en 1990 confirme les sanctions, aggrave les peines des hooligans et condamne le secrétaire général de l’UEFA de l’époque à 3 mois de prison avec sursis et 5.000 euros d’amende.
De son côté, l’UEFA décida d’interdire pendant 3 ans tous les clubs anglais de participation en coupes d’Europe, durée qui sera finalement portée à 5 ans après de nouveaux incidents impliquant des supporters anglais lors de l’Euro 88 en Allemagne. Le club de Liverpool a quant à lui été interdit de coupe d’Europe pendant 10 ans, peine qui fut finalement ramenée à 6 ans.
…auquel succéda le temps des réformes
L’UEFA comme toutes les autres organisations en charge de l’organisation de compétitions de football eut donc à se mettre à la tâche. Et il faut reconnaitre que toutes ont fait du très bon travail.
L’UEFA a adopté un règlement sur l’infrastructure des stades et un règlement sur la sécurité et la sûreté dans et autour des stades particulièrement détaillés. L’organisation des matches de football en Europe a ainsi doucement mais sûrement été professionnalisée à l’extrême.
Ces efforts ont été suivis au niveau international par la FIFA qui a également adopté un règlement sur la sûreté et la sécurité des stades. De gros efforts restent bien entendu à effectuer sur certains continents et principalement en Afrique, mais la FIFA soutient la Confédération Africaine de Football dans ses efforts.
Ces règlements ont aussi leur pendant en France. D’autant plus que la catastrophe de Furiani du 5 mai 1992, ses 18 morts et ses 2357 blessés, sont venus rappeler aux différentes autorités compétentes que notre football et ses enceintes n’étaient pas exempts de tous reproches à cet égard.
Les stades sont dorénavant homologués selon un cahier des charges bien précis en conformité avec l’article R.312-14 du code du sport et doivent se conformer par ailleurs aux règlements en la matière établis par la Fédération Française de Football (FFF) et la Ligue de Football Professionnel (LFP). Ces règlements sont d’ailleurs, en France, en perpétuelle amélioration puisque le ministère de l’Intérieur et le ministère des Sports, en étroite collaboration avec la FFF et la LFP, les rediscutent chaque fois que nécessaire.
Bref, en ces temps moroses pour le football, il convenait de rappeler qu’il y a 30 ans, 39 personnes qui aimaient ce sport, sont mortes pour avoir voulu assister à ce qui aurait dû être un grand match. Mais il est aussi bon de rappeler qu’à l’UEFA, à la FFF, à la LFP mais également à la FIFA, des personnes intègres, compétentes et soucieuses que le football reste une fête, ont travaillé dur pour que la sécurité des spectateurs devienne une réalité et que plus personne ne perde la vie dans un stade.
Ne l’oublions pas.
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