SPORT – La Coupe du monde de football féminin a pris fin cette nuit au Canada avec la troisième victoire dans cette compétition des États-Unis. Cette septième Coupe du Monde aura intéressé les Français plus que toute autre compétition féminine avant elle. L’audimat relatif aux matches des Bleues et la couverture médiatique de la compétition en France suffiraient à le prouver.
Pourtant, cet engouement pour le football féminin, ne se traduit pas encore ni dans notre championnat national, ni même en termes économiques. Il faut dire, qu’historiquement, rien n’a été fait pendant très longtemps pour aider à l’essor du foot féminin.
Les femmes ont d’abord arraché de haute lutte le droit de pratiquer le football
Il faut en effet attendre la Première Guerre mondiale pour assister à un essor significatif du football féminin. Il est alors accepté et célébré par l’opinion publique seulement parce que les recettes qu’il dégage sont reversées à différentes associations caritatives et œuvres de guerre. La footballeuse renvoie donc pendant longtemps à une image positive de la femme, conforme à la division sociale des sexes.
Le dynamisme affiché par le football féminin au tournant des années 1960 et 1970 encourage toutefois la FIFA à réagir. Elle demande à ses associations continentales et nationales de contrôler la pratique. Peu à peu, les bastions de la virilité tombent. Mais cela ne signifie pas pour autant que la pratique progresse.
D’une part, parce que les associations nationales multiplient en effet les freins au bon développement de la pratique: politique de la mixité inadaptée, faible budget et refus de créer des compétitions.
D’autre part, parce que l’UEFA et la FIFA ne montrent aucun enthousiasme face à la pratique du football par les femmes. L’UEFA attendra ainsi 1982 pour organiser le premier championnat d’Europe. La FIFA, quant à elle, organisera la première Coupe du Monde de football féminin en 1991.
En d’autres termes, le football a été et reste à bien des égards un sport de machos. Le développement actuel du football féminin ne doit donc qu’à la persévérance des femmes d’avoir voulu y jouer et d’avoir voulu structurer sa pratique.
Les femmes doivent maintenant être traitées comme de vraies professionnelles
Le football féminin n’est plus une incongruité. On ne trouve plus que quelques ringards attardés pour remettre en cause le fait que ce sport puisse être joué à haut niveau par les deux sexes. Et pourtant, il mériterait parfois d’être mieux traité qu’il ne l’est par les instances du football.
L’attribution de la Coupe du Monde 2015 en est un exemple. Pour mémoire, seulement deux pays se sont portés candidats à son organisation: le Canada et le Zimbabwe. Le 1er mars 2011, le Zimbabwe se désista, laissant le Canada comme seul candidat. Le 3 mars 2011, la FIFA attribua donc l’organisation du tournoi au Canada. On a connu mode de promotion d’une compétition plus attractif.
En ce qui concerne la France, la Fédération Française de Football (FFF) n’a reconnu le football féminin qu’en 1969. Le développement de la pratique fut longtemps freiné par les archaïsmes. Toutefois, depuis la création du championnat de division 1 (D1) en 2002, les progrès sont constants. En 2011, la France comptait ainsi 45.000 licenciées. Il y en avait 75.000 en 2014 et la FFF en espère 100.000 en 2015.
Gageons que l’organisation de la Coupe du Monde en 2019 en France permettra de faire exploser les compteurs à cet égard.
Il reste néanmoins à améliorer notre championnat de France de D1 et son organisation. Car depuis 2007, Lyon a enchaîné 8 titres consécutifs, dont 4 gagnés sous les ordres de Farid Benstiti. En 2013/14, les Lyonnaises remportaient même la totalité de leurs 22 matches en terminant avec un goal-average extravagant de +127. L’arrivée du PSG dans la compétition, sous les ordres de ce même Farid Benstiti, bousculera la hiérarchie comme nous l’avons déjà vu cette saison avec l’élimination des Lyonnaises par les Parisiennes en 1/8 de finale de la Ligue des Champions.
Mais cela suffira-t-il à rendre la Division 1 (D1) attractive?
Une attraction et un ”business model” en question
Car cela n’aura échappé à personne. En 2011, D8 qui détenait les droits TV de la Coupe du Monde de football féminin avait rassemblé 2,4 millions de téléspectateurs pour la demi-finale des Bleues. Cette année, W9 aura atteint 2,8 millions de téléspectateurs de moyenne pour 16,4% de part d’audience lors du match France-Corée du Sud, avec un pic à 3,8 millions de téléspectateurs.
L’intérêt des Français pour le football féminin est donc indéniable.
A tel point que lorsque le même jour, le 13 juin dernier, l’équipe de France de Didier Deschamps jouait contre l’Albanie sur TF1 à 17h alors que l’équipe de France féminine jouait à 18h contre la Colombie sur W9, 1,5 million de téléspectateurs ont choisi de supporter les filles contre 2,8 millions pour les hommes. Alors même qu’on s’accorde à dire que 80% des téléspectateurs des matches de football féminin sont en règle générale des hommes.
Si le football féminin continue à se professionnaliser, il n’y a, a priori, aucune raison que cet attrait diminue. Mais pour qu’il se développe comme celui du football masculin a pu se développer, il lui faut des ressources financières supplémentaires. Celles-ci viendront essentiellement de la TV et des sponsors. Et comme les sponsors ont besoin de visibilité, la politique des chaînes de TV à l’égard du foot féminin sera donc primordiale.
En d’autres termes, afin que l’attraction pour le football féminin ne se limite pas aux seules compétitions européennes et internationales, la FFF doit prendre des mesures concernant la D1 sur lesquelles les deux auteurs de cette contribution de ce jour se sont déjà fait entendre, y compris dans ses colonnes.
Le championnat de D1 se sclérose. Les audiences ont même commencé à chuter ce qui s’explique en grande partie par le fait que le championnat n’a que peu d’intérêt. Il faut le rendre beaucoup plus attrayant qu’il ne l’est. Nous proposons donc l’organisation de play-offs. D’une part pour relancer l’attrait sportif du championnat, car comme il est coutume de dire, “sur un match, tout est possible”. D’autre part pour en renforcer la visibilité, car le public pourrait ainsi avoir accès à des matches de haut niveau qui pourraient alors attirer les diffuseurs.
De telle sorte que le football féminin n’ait pas à se résumer, en France, aux matches entre Lyon et le PSG et pour les Français à une dizaine de matches intéressants par saison, compétitions européennes inclues.
Car après tout, les femmes se sont aidées toutes seules depuis des décennies pour imposer leur pratique du football aux dirigeants sportifs. Ne serait-ce pas temps pour les dirigeants sportifs de leur renvoyer l’ascenseur?
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