Thierry Granturco est avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, spécialiste du droit du sport. Expert juridique auprès de la Commission européenne et de l’ONU, c’est également l’ancien président du FC Rouen. Il revient sur les interpellations des cadres de la FIFA.
Pourquoi le président de la Fifa Sepp Blatter n’est-il-pas, pour l’instant, impliqué dans l’enquête?
Sepp Blatter a quand même du souci à se faire. A priori c’est vrai qu’il n’est pas concerné, sinon il aurait été interpellé ce matin par la FBI. Mais même si, pour l’instant, il n’y a pas d’éléments probants contre lui, on peut supposer que les enquêteurs savent ce qu’ils font. L’investigation est en cours, donc il est difficile de se prononcer, mais les enquêteurs ne s’arrêteront pas là. Ils vont sûrement essayer de mettre la pression aux personnes appréhendées pour essayer de remonter jusqu’à Sepp Blatter.
Est-ce que ces interpellations peuvent lui coûter l’élection à la présidence de la FIFA de vendredi, dans laquelle sa candidature était déjà contestée?
C’est sans doute le but recherché en tout cas. Le timing de ces interpellations n’est certainement pas anodin. Qu’elles aient lieu la semaine de l’élection du président de la FIFA, c’est tout sauf un hasard. Le rapport qu’avait commandé la FIFA suite aux attributions polémiques des Coupes du monde 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar date de 2010. Cinq ans d’enquête qui aboutiraient deux jours avant les élections? On peut effectivement se demander si les enquêteurs ne veulent pas que Blatter retire sa candidature, ce qui n’est pas le cas pour l’instant. Les différentes délégations nationales jouent également un rôle dans cette affaire. Ces interpellations peuvent également être vues comme un moyen de mettre la pression sur ceux qui se demandaient si, par défaut, il ne fallait pas voter Blatter.
Est-ce que ce scandale pourrait aller jusqu’à remettre en cause l’attribution déjà contestée de la Coupe du monde 2022 au Qatar?
C’est une bonne question. A terme on pourrait y arriver, oui. Si les actes de corruption sont avérés au cours de l’enquête, la procédure qui a mené à l’acceptation de la candidatue qatarie serait viciée. Il faudrait alors repasser à un vote. C’est le même cas de figure que lorsqu’on découvre un scandale de corruption dans l’attribution d’un marché public: l’appel d’offre est repassé.
Il est vrai que les réglèments de la FIFA sont assez flous, ce cas de figure (corruption, ndlr) n’est pas prévu. Mais l’interprétation des règles de la FIFA peut parfaitement permettre de procéder à un nouveau vote. Juridiquement et pratiquement c’est possible. 2022 c’est dans 7 ans, il y a encore le temps. Par contre pour la Coupe du monde 2018 en Russie, cela risque d’être plus compliqué. Quoiqu’il en soit, il faudra une intervention des pouvoirs publics français, jusqu’ici relativement discrets. Le tweet de Thierry Braillard, le secrétaire d’Etat aux sports, sur la “tolérance zéro” doit être suivi d’effet.
Même la Fédération Française de Football a brillé par son silence ces derniers mois, alors que les autres fédérations européennes n’hésitaient pas à publiquement protester contre la corruption soupçonnée de la FIFA.
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