Deux écuries de F1, Force India et Sauber, viennent de déposer plainte devant la Commission européenne contre la gouvernance qu’elles jugent abusive de Formula One, l’organisation de la charge de la F1 au niveau mondial.
Selon les écuries plaignantes, Formula One établirait un système de partage de revenus issus des droits commerciaux et définirait des règles techniques qui profiteraient aux seules écuries de premier plan. Les décisions seraient prises par un “Strategy Group” rassemblant les écuries les plus importantes, Formula One Management (à savoir Bernie Ecclestone) et le régulateur c’est à dire la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA).
L’accusation n’est pas anodine dans un contexte de remise en cause générale des rentes et droit acquis dans le sport.
En l’occurrence, qu’une écurie ne dispose pas de budgets gigantesques pour aligner une voiture et un pilote de premier plan est une chose. C’est le jeu normal de la concurrence, tel qu’il s’applique dans tous les secteurs économiques, y compris dans le sport.
Mais autre chose est de constater qu’un groupe restreint de concurrents puisse décider de leur propre financement ainsi que de celui des autres et qu’il puisse par ailleurs leur imposer des conditions techniques défavorables. Le tout sous la houlette de Formula One et de la FIA. Là, en effet il n’y a plus de concurrence par le mérite et la compétition s’en trouve faussée.
Il importe finalement peu que ces reproches soient le résultat d’un abus de position dominante de Formula One, ou d’un accord restrictif de concurrence au sein des membres du “Strategy Group”. Il appartiendra à la Commission européenne de qualifier les faits et de dire le droit. Il n’en restera pas moins que si ces faits devaient être établis, ils révéleraient une nouvelle fois les déviances de la gouvernance d’un sport de premier plan.
Et dans tous les cas de figure, la question qui se pose dès aujourd’hui est de savoir combien de temps les différents acteurs du sport professionnel de manière générale et les écuries de F1 de manière particulière, accepteront des règles du jeu iniques et à bien des égards dépassées.
Pourquoi ne serait-il pas envisageable pour ces écuries de créer leur propre compétition, indépendamment de Formula One et de la FIA ? Elles pourraient définir leur modèle économique et elles permettraient à certains circuits, qui ont du mal à être rentables, d’accueillir plus d’une course de F1 par an. Elles trouveraient sans aucun doute des diffuseurs sérieux pour les accompagner, tellement les droits TVs de la F1 ont augmenté ces dernières années et ont chassé ou chasseront des circuits et des paddocks, des diffuseurs historiques.
Les sponsors suivraient. Peut-être à un niveau inférieur que celui que connaît la F1 telle que gérée par Bernie Ecclestone. Mais ils suivraient. Et le public aussi auquel une offre diversifiée serait alors proposée.
Car finalement n’est-ce pas cela aussi la libre concurrence appliquée au secteur du sport ? Celle qui permettrait de dire à Bernie Ecclestone que la F1 ne lui appartient pas. Qu’elle est une activité sportive mais également économique et que des initiatives innovantes visant à la faire évoluer devraient pouvoir être permises.
En tout état de cause, la dernière fois que la Commission européenne s’est penchée sur l’organisation d’un sport majeur, elle l’a complètement révolutionné. Il s’agissait du football.
La FIFA, l’UEFA et les fédérations nationales se croyaient intouchables. Elles n’ont pas été touchées ; elles ont été percutées !
La F1 n’est pas plus intouchable que le football l’était dans les années 1990. Elle pourrait connaître une sérieuse sortie de route juridique dans les prochains mois.
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