Il y a un peu plus de deux ans, le joueur de football Kurt Zouma, international français avait attaqué l’AS Saint-Etienne devant le conseil des prud’hommes estimant que son contrat à durée déterminée avec l’ASSE devait être requalifié en CDI. La Cour d’appel de Lyon vient, dans un arrêt en date du 23 janvier 2020 (n° 17/07965) de débouter l’ancien stéphanois qui évoluait au club entre 2011 et 2014.
Formé par l’AS Saint-Etienne, Kurt Zouma signe un CDD de 3 ans avec son club formateur. Ses performances étant convaincantes, il signe le 1er juillet 2011 un contrat professionnel avec son club formateur pour une durée de 3 ans soit jusqu’au le 30 juin 2014.
Ce premier contrat professionnel fit ensuite l’objet :
D’un avenant du 2 janvier 2012 prévoyant la prolongation du contrat pour une durée d’une saison sportive, soit jusqu’au 30 juin 2015 avec une réévaluation de salaire ;
D’un avenant du 6 avril 2012 prévoyant une prolongation de contrat jusqu’au 30 juin 2016 avec une nouvelle réévaluation de salaire ;
D’un avenant du 4 février 2013 prévoyant de nouveau une réévaluation de salaire et diverses primes ;
D’un avenant du 26 août 2013 prévoyant une prolongation du contrat jusqu’au 30 juin 2017 et une réévaluation de salaire.
M. Zouma qui multiplie alors les bonnes performances avec son club, ce dernier met tout en oeuvre pour revoir à la hausse ses conditions salariales dans l’optique de conserver le joueur dans son effectif, malgré toutes les sollicitations d’autres clubs, notamment à l’étranger.
Toutefois, lors de la saison 2013/14, des pourparlers débutent entre l’ASSE et l’équipe anglaise de Chelsea FC en vue de transférer le joueur. Après de nombreuses tractations, un accord entre le joueur et les deux clubs est finalement trouvé. Le club stéphanois rompt d’un accord le contrat qui le lie avec son joueur par un avenant de résiliation du 30 janvier 2014 prévoyant la suppression de la prime exceptionnelle de transfert devant être versée par l’ASSE au joueur, tel que stipulé dans l’article 8 de l’avenant du 4 février 2013.
Un nouveau CDD est signé entre les parties pour réguler la fin de la saison prévue au 30 juin 2014. Le 1er juillet 2014, le joueur quitte officiellement l’ASSE pour rejoindre les rangs du club de la capitale anglaise.
Le 12 janvier 2015, Kurt Zouma évoluant désormais en Angleterre, sollicite son club formateur e réclamant le paiement de la somme de 390.000 euros au titre de la prime exceptionnelle sur son transfert initialement prévue à l’avenant à son contrat de travail du 4 février 2013.
Après avoir refusé une première fois de donner suite à la demande du joueur qui avait préalablement renoncé expressément au bénéfice de cette prime lors de la signature de l’avenant de résiliation de son contrat de travail avec le club, l’ASSE accepte finalement de signer une transaction avec Kurt Zouma le 30 juillet 2015.
Le club ligérien verse alors la somme de 100.000 euros au joueur en contrepartie de quoi celui-ci s’engageait à renoncer à toutes instances ou actions relatives à l’exécution et à la résiliation du contrat de travail ainsi que ses avenants successifs.
Alors que tout semblait réglé, l’ancien stéphanois poursuit son ancien club par une procédure de requête le 18 juillet 2016, en saisissant le Conseil de Prud’hommes de Saint-Etienne. Son objectif est claire, le joueur alors âgé de 22 ans, souhaite requalifier ses CDD en CDI, constater la nullité de l’avenant de résiliation du contrat de travail, constater que la renonciation du joueur à bénéficier de la prime exceptionnelle a été extorquée par la contrainte et obtenir diverses sommes à titre d’indemnités de requalification, de licenciement, de préavis, dommages et intérêts et rappels de salaires, congés payés et primes.
Bref, le contentieux entre le club stéphanois et son ancien joueur est à son paroxysme.
Par une décision de justice, le 16 octobre 2017, l’instance prud’homale déboute l’international français et donne raison à l’ASSE.
Le joueur interjete appel devant la Cour d’appel de Lyon, qui a rendu son jugement le 23 janvier dernier. Les magistrats apportèrent un certain nombre de précisions importantes pour les clubs professionnels de football, qui ont pour habitude de multiplier les avenants aux contrats qu’ils font signer aux joueurs en fonction de l’évolution de leurs performances sportives.
Ainsi, concernant la requalification des CDD du joueur en CDI, la Cour d’appel a décidé de s’en tenir aux seules dispositions du Code du travail. Elle a rappelé d’emblée que l’article L. 1471-1 du Code du travail dispose que « toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ».
Les magistrats estiment par ailleurs que l’accord signé par les parties le 30 juillet 2015, et visant à régler la fin des relations entre elles, ne rendait pas pour autant infondée la demande de Kurt Zouma de voir ses CDD être requalifiés en CDI.
Dès lors, la Cour décida nécessaire d’étudier si la demande du joueur était prescrite en vertu de l’article L. 1471-1 du Code du travail. Estimant que le point de départ de la prescription de deux ans devait être fixé au 30 juin 2014 et la demande de Kurt Zouma ayant été introduite le 18 juillet 2016 devant le Conseil de Prud’hommes de Saint-Etienne, les magistrats considérèrent la demande comme étant prescrite, tout comme l’avaient retenu les premiers juges.
Concernant la demande du joueur de revenir sur les termes de l’accord amiable trouvé avec l’ASSE le 30 juillet 2015, concernant le versement de la somme de 100.000 euros au joueur en contrepartie de quoi celui-ci s’engageait à renoncer à toutes instances ou actions relatives à l’exécution et à la résiliation du contrat de travail ainsi que ses avenants successifs, la Cour rappelle d’abord qu’aux termes de l’article 2044, alinéa 1er du Code civil, la transaction est « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit ».
Les magistrats en conclurent donc que la transaction avait autorité de la chose jugée pour le litige qu’elle couvre et pour tous les droits déjà nés lors de sa conclusion. Et rejetèrent conséquemment la demande du joueur.
Les autres points de cet arrêt sont moins intéressants pour nos propos et nous ne nous y arrêterons pas.
L’affaire Kurt Zouma contre l’ASSE met en évidence des us et coutumes très largement répandus dans le milieu du football professionnel, à savoir une évolution particulièrement rapide des relations contractuelles entre un joueur et un club. En l’occurence, les parties signent un contrat de travail et pas moins de quatre avenants portant sur des conditions essentielles et substantielles de ce contrat s’ajoutent, en à peine deux ans.
Or, saisie d’un contentieux entre les parties, il convient de noter que la Cour d’appel de Lyon n’aura pas rejeté d’emblée la possible requalification des CDD en CDI au motif que le sport professionnel est un secteur d’activité dans lequel il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI (articles L 1242-2 et D 1242-1 du Code du travail). Il convient, bien au contraire, de considérer que si la demande du joueur n’avait pas été frappée de prescription, la Cour aurait pu lui faire droit.
De surcroît, elle estime qu’une transaction visant à mettre fin à la dispute entre les parties n’éteint pas pour autant les revendications de voir des CDD à être requalifiés en CDI.
Si les griefs de Kurt Zouma n’ont pas prospéré devant la Cour d’appel de Lyon, l’arrêt en question doit être lu avec attention par les clubs de football professionnel. Les habitudes contractuelles de ces derniers doivent manifestement être mieux encadrées qu’ils ne le sont aujourd’hui. Au risque pour eux de devoir sortir le chéquier plus qu’ils ne le font déjà.
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