C’est un arrêt aussi surprenant qu’intéressant. La Cour d’appel de Pau a rendu, le 23 janvier 2020, une décision qui devrait faire beaucoup réfléchir dans le monde du sport.
A l’origine, l’affaire oppose un club de rugby, l’Aviron Bayonnais, à l’un de ses joueurs. Mais, en réalité, le football est également concerné par cette décision. Comme l’ensemble des sports collectifs au sein desquels les joueurs sont « substituables ».
En juillet 2015, l’Aviron Bayonnais embauche un rugbyman professionnel en tant que joueur supplémentaire, par le biais d’un contrat à durée déterminée (CDD) d’une durée de 11 mois, qui prend donc fin à l’issue de la saison 2015/2016.
Mais quelques mois plus tard, le joueur en question décide d’assigner l’Aviron Bayonnais devant le Conseil de Prud’hommes de Bayonne, pour trois motifs principaux : son emploi serait permanent, et son CDD devrait donc être requalifié en CDI ; la durée minimale d’un contrat est de 12 mois, et non de 11, selon l’article 1.3 de la Convention collective du rugby professionnel ; son salaire serait inférieur à celui de l’un de ses collègues, qui exerce les mêmes fonctions, ce qui contreviendrait au principe d’égalité de rémunération et de traitement, et justifierait un rappel de salaire en sa faveur de 180 000 euros.
Par un jugement en date du 15 décembre 2017, le Conseil de Prud’hommes de Bayonne rejette ses demandes. Le joueur fait appel. Et c’est par un arrêt en date du 23 janvier dernier que la Cour d’appel de Pau finit par confirmer le jugement de première instance, en motivant sa décision d’une manière qui peut légitimement interroger, et qui retiendra certainement l’attention des spécialistes de l’industrie du sport. Explications.
D’abord, la Cour rappelle que le sport professionnel est un secteur d’activité dans lequel il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI, aux termes des articles L 1242-2 et D 1242-1 du Code du travail. Elle confirme donc la validité du CDD en question.
Les magistrats précisent, dans un second temps, que le contrat de travail d’un joueur supplémentaire est par, définition, signé en cours de saison. Il ne peut donc se voir appliquer l’exigence de durée minimale de 12 mois, qui correspond à une saison sportive entière.
Jusqu’ici, pas de surprise. L’arrêt ne fait que confirmer des décisions antérieures. Plus intéressante, par contre, est la décision de la Cour d’appel de Bayonne concernant la méconnaissance du principe d’égalité de rémunération et de traitement entre joueurs.
Les magistrats commencent, en effet, par rappeler que l’employeur n’est tenu d’assurer l’égalité de rémunération qu’entre salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, aux termes de l’article L 3221-4 du Code du travail. Par conséquent, les joueurs concernés dans le cadre de cette affaire, qui évoluent à des postes différents – l’un en première ligne, l’autre en deuxième ligne – dont les qualités professionnelles, l’expérience et la notoriété ne sont pas les mêmes, ne sauraient prétendre au même salaire.
On comprend ces arguments. Mais que devient cette décision, quand on l’applique à d’autres cas ? Car l’égalité de rémunération concerne tous les secteurs, y compris les entreprises du sport professionnel. Si on prend l’exemple du football, sport connu pour pratiquer des salaires extraordinairement élevés, et le cas particulier du PSG, on peut légitimement s’interroger. Car si Kimpembe et Marquinhos sont deux défenseurs centraux du PSG, que le premier a 25 ans et le second 26, qu’ils sont tous les deux internationaux et qu’ils jouent chacun autant pour leur club, doivent-ils avoir le même salaire ? D’après la Cour d’Appel de Pau, la réponse est oui.
Si cette décision était appliquée, elle pourrait donc conduire à une vraie révolution dans le monde du sport. Une révolution inattendue.
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