Les histoires d’agents de joueurs finissent mal, en général. Les rapports entre les joueurs et leurs agents, deux figures qui s’aiment et se détestent à la fois, nourrissent une grande partie de la chronique judiciaire liée au football. En voici une nouvelle démonstration.
En mars 2004, le footballeur Rachid Ghezzal, qui évolue alors à l’Olympique Lyonnais, confie d’une manière exclusive la gestion de sa carrière à Sonia Souid, de la société d’agents CSM Sport Entertainment France.
Conclue pour une période de 2 ans, la convention prévoit le versement d’une commission de 10%, qui est calculée sur les revenus bruts versés au joueur par son club. Mais le 18 août 2004, quelques semaines plus tard seulement et en plein mercato estival, Rachid Ghezzal se ravise et congédie Sonia Souid. Il résilie son contrat de mandat par courrier, avec effet immédiat.
« Intérêt commun » contre égoïsme contractuel
Furieux, Sonia Souid et la société CSM Sport Entertainment France contre-attaquent. Ils assignent le joueur devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Lyon. Avec un argument-massue. Selon eux, le mandat donné par un joueur à son agent doit être considéré comme un mandat d’« intérêt commun ». Or c’est une catégorie de contrats qui ne peut pas être interrompue d’une manière unilatérale. En conséquence, les plaignants demandent pas moins de… 350 000 euros de dommages et intérêts.
Le TGI de Lyon commence par reconnaître qu’aux termes de l’article 2004 du Code civil, la révocation du mandat d’un agent est bien libre, sauf lorsqu’existe un mandat d’« intérêt commun », ce qui se caractérise « lorsque la réalisation de l’objet du mandat présente un intérêt pour les deux parties ». Dans ce cas, le contrat ne peut effectivement pas être révoqué unilatéralement, excepté dans deux cas : si le contrat le prévoit, ou pour une cause légitime.
Ensemble, tout est possible
Dans son jugement, le TGI de Lyon estime que le contrat unissant Rachid Ghezzal et Sonia Souid entre bien dans cette catégorie. Il constate qu’aucune disposition dans le contrat ne permet une rupture unilatérale, et qu’il n’existe pas non plus de motif légitime. Et condamne donc Rachid Ghezzal à payer 25 000 euros à la société CSM Sport Entertainment France, et 5 000 euros à Sonia Souid. Des sommes, cependant, très éloignées des sommes demandées.
Le joueur a fait appel de ce jugement, et il convient de rester prudent quant à la décision finale. Mais l’interprétation des dispositions du Code civil faite par le TGI de Lyon est intéressante. On voit mal, en effet, comment le mandat donné à un agent par un footballeur pourrait ne pas être d’« intérêt commun ». En l’état actuel des choses, un joueur et son agent doivent donc se dire oui ensemble, ou se dire non ensemble. A moins que leur contrat n’en dispose autrement.
Partager cette page