Tous les amateurs de football s’en souviennent. Le passage d’Asamoah Gyan, l‘attaquant international ghanéen, au Stade Rennais de 2008 à 2010, a marqué les esprits. On se souvient également de son départ de la Ligue 1, en 2010, pour rejoindre la Premier League, et le club de Sunderland, en 2010.
Pour s’assurer du succès de la transaction, le club anglais mandate, le 31 août 2010, l’agent de joueurs français Fabien Piveteau, gérant de la société FP Sport. Ce dernier négocie, en contrepartie, une commission de 430 000 euros payable en trois fois. Les versements doivent avoir lieu les 30 septembre 2010, 2011 et 2012. A la condition que le joueur soit toujours dans l’effectif du club à la date des paiements.
Le prix de l’infidélité
Cette clause peut étonner, mais elle est standard dans les contrats de ce type. La commission est, en général, calculée sur le salaire brut reçu par le joueur, sur la durée entière de son contrat. Si le joueur ne va pas jusqu’au terme de son contrat, et ne reçoit donc pas la totalité du salaire brut initialement envisagé, il est logique que la commission due à l’agent soit revue à la baisse.
Ce principe est supposé s’appliquer quel que soit le nombre d’agents mandatés et ayant coopéré sur un transfert donné. Or, en l’espèce, Fabien Piveteau intervient sur le transfert d’Asamoah Gyan en collaboration avec l’agent anglais Michael Morris, dirigeant de la société monégasque World Football. Il s’engage à lui reverser 80 000 euros en trois échéances fixées aux 1er octobre 2010, 2011 et 2012.
L’esprit de ce second accord est simple : Fabien Piveteau perçoit sa commission en trois paiements, à partir desquels il rétribue en retour son collègue anglais, également via trois paiements. Si les versements s’arrêtent pour l’un, en raison du départ du joueur du club anglais, ils sont supposés s’arrêter pour l’autre. Mais rien ne se passe comme prévu.
Un contrat peut en cacher un autre
Asamoah Gyan quitte très rapidement Sunderland pour le club d’Al-Aïn, aux Emirats Arabes Unis. Le 1er janvier 2011. Les deux dernières échéances dues à Fabien Piveteau sur sa commission, et devant être payées les 30 septembre 2011 et 30 septembre 2012, sont donc annulées. L’agent français se sent autorisé, en conséquence, à refuser d’honorer les deux dernières factures de son homologue anglais, qui lui sont présentées pour paiement les 1er octobre 2011 et 1er octobre 2012.
Mais Michael Morris ne l’entend pas de cette oreille. Sa société saisit le Tribunal de Commerce de Nice. Celui-ci, par un jugement du 5 mai 2014, condamne effectivement la société FP Sport de Fabien Piveteau à acquitter la somme de 65 780 euros – Michael Morris ayant reçu par ailleurs des avances de Fabien Piveteau -, outre les intérêts légaux, ainsi que 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
La société FP Sport fait appel de cette décision. Et c’est par un arrêt du 4 mai 2017 que la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence confirme le jugement contesté.
Joueur qui rit, agent qui pleure
La Cour d’Appel constate, d’abord, que la clause du contrat conclu le 31 août 2010 entre le club de Sunderland et Fabien Piveteau, subordonnant le paiement des trois échéances à la présence du joueur au sein du club, n’est pas reprise dans la convention signée le 15 septembre suivant entre sa société, FP Sport, et World Football.
Elle relève, ensuite, que la référence au règlement en trois échéances des 80 000 euros dus à World Football concerne les modalités du paiement de la somme, et non son montant.
En conséquence de quoi, la Cour conclut que si le paiement de la commission de Fabien Piveteau par Sunderland est bien conditionné à la présence du joueur à Sunderland, celui de Michael Morris ne l’est pas.
Fabien Piveteau peut se consoler en constatant que la Cour d’Appel ne retient pas à son encontre le paiement de dommages et intérêts. Mais au final, pour avoir été imprudent dans la rédaction de son contrat avec son homologue anglais, il n’aura perçu qu’une tranche sur trois de sa commission, soit 143 000 euros, et aura dû payer 65 780 euros à Michael Morris, augmentés des intérêts légaux et des frais d’une procédure judicaire l’ayant emmené jusqu’en appel.
Pendant ce temps, Asamoah Gyan termine tranquillement sa carrière. A Dubaï.
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