Comment bien licencier un entraîneur de football ? Cette question est une préoccupation constante des présidents de clubs. Car un contrat entre un club et un coach, cela se casse. Et cela se casse même très souvent. Or, le licenciement d’un entraîneur professionnel de football ne répond pas aux mêmes règles que celles applicables au reste des salariés.
L’impossible conciliation
Indépendamment de l’existence des règles du Code du travail et du Code du sport, certaines fédérations ont édicté des procédures particulières de rupture de contrats. La Ligue de Football Professionnel (LFP) a, par exemple, mis en place une Commission juridique qui a une mission de conciliation, et dont la saisine est rendue obligatoire avant la rupture d’un contrat entre un club et son entraîneur. Cette procédure est prévue par les articles 51 et 681 de la Charte du Football Professionnel.
La LFP souhaite entendre les parties avant une rupture de contrat. Elle se donne pour mission de rechercher une possible conciliation entre les parties. Cette démarche est, avant tout, symbolique. Un club qui se sépare de son entraîneur le fait, la plupart du temps, contraint et forcé. La situation sportive ne lui laisse pas le choix. On imagine donc mal un club annoncer publiquement le licenciement de son coach, puis le réintégrer parce qu’il s’est rendu devant la Commission juridique de la LFP.
Cette conciliation n’a donc de conciliation que le nom. Mais elle constitue, néanmoins, un passage obligé pour les clubs professionnels et leurs entraîneurs. La LFP en profite pour rappeler leurs obligations réglementaires au club et au coach licencié. Ce qui n’est jamais mauvais en soi.
Le seul problème, c’est que cette procédure préalable à la rupture du contrat de travail, imposée par la LFP, doit aussi s’articuler avec le droit social. Et c’est là que les choses se compliquent.
Une question de timing
On en trouve une excellente illustration dans la récente bataille judiciaire que se sont livrés l’Olympique Lyonnais et Claude Puel, qui a abouti le 22 juin 2016 à un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de Cassation.
En l’espèce, Claude Puel est engagé par l’OL le 20 juin 2008. Trois ans plus tard, le 1er juin 2011, le club lui signifie sa mise à pied conservatoire, conformément à la loi, et le convoque à un entretien préalable à son licenciement, pour faute grave.
A l’issue de cet entretien, l’OL saisit la Commission juridique de la LFP conformément, cette fois, aux dispositions de la Charte de Football Professionnel. Le 15 juin 2011, la Commission constate l’absence de conciliation des parties. Et le 17 juin suivant l’OL rompt le contrat de son entraîneur.
L’une des questions posées à la Cour de Cassation consistait à savoir si l’OL n’aurait pas dû saisir la LFP avant d’organiser l’entretien préalable au licenciement. Claude Puel soutenait qu’en ne saisissant la LFP qu’après l’entretien préalable, la saisine ne pouvait intervenir qu’après la décision de licenciement, matérialisée par l’entretien préalable. D’autant plus, expliquait-il, que la «conciliation» s’était faite sans Jean-Michel Aulas, le président du club lyonnais, qui avait seul autorité pour renoncer au licenciement. Autrement dit, selon Claude Puel, le licenciement était déjà effectif avant la saisine de la LFP. Donc la procédure n’avait pas été respectée par l’OL.
La question était intéressante. Et l’enjeu était important, puisque la Cour de Cassation considère la procédure de conciliation de la LFP comme une « garantie de fond », dont la violation rend la rupture du contrat de travail illégale.
Mais, en l’occurrence, la Cour de Cassation a repoussé les arguments de Claude Puel. Pourquoi ?
Quand tout devient clair
Elle a, d’abord, estimé que les articles 51 et 681 de la Charte du Football Professionnel n’imposent pas que la Commission juridique de conciliation soit saisie avant l’entretien préalable.
La Cour de Cassation a, ensuite, considéré que la seule date à retenir pour ce qui relève de la rupture du contrat de travail est celle de la notification au salarié. Or, en l’occurrence, celle-ci a bel et bien été postérieure à la date de la « conciliation » devant la LFP.
Enfin, elle a rappelé que la conciliation, tout comme l’entretien préalable, n’est pas nécessairement menée par le président du club concerné, mais peut l’être par une autre personne, pourvu que celle-ci ne soit pas « étrangère à l’entreprise ».
La clarification était indispensable. Elle a été bel et bien faite. De l’importance de bien savoir licencier son coach.
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