Cristiano Ronaldo, tout juste élu Ballon d’Or 2016, est-il malhonnête ? Faut-il prendre l’affaire “FootballLeaks” au sérieux ? Elle concerne, faut-il le rappeler, des joueurs, des entraîneurs de football et des agents de joueurs qui auraient fraudé le fisc en dissimulant leur argent dans des paradis fiscaux. La réponse est oui, il faut la prendre au sérieux. Mais à condition de ne pas dire… n’importe quoi… Cristiano Ronaldo, dont la fête a été “un peu gâchée” le dit, l’assure lui-même: il a “bien fait les choses”.
Non, placer son argent dans un paradis fiscal n’est pas illégal en soi
En l’état actuel de l’affaire, qui connaît de nouveaux développements tous les jours, les informations disponibles font état de montages financiers et fiscaux, plus ou moins complexes, mais qui ont en commun – pour leur majorité – la création de sociétés dans des pays lointains à la fiscalité tout aussi douce que leurs climats. En clair, dans des paradis fiscaux. Or, ces montages sont en soi tout à fait légaux. C’est ce qui est fait, ou non, de ces montages qui peut être illégal. Car il y a une différence importante entre utiliser les finesses de la loi fiscale pour payer le moins d’impôts possible… et la détourner, voire l’ignorer, pour ne pas en payer du tout.
Considérer qu’un montage financier est délictuel parce qu’abrité dans un paradis fiscal, est donc un raccourci intellectuel dangereux, si ce n’est malhonnête.
De quel droit relève Cristiano Ronaldo ?
Pour apprécier la légalité de ces montages, il faut ensuite pouvoir les apprécier à la lumière de la loi fiscale. Or, le droit fiscal reste en très grande partie de la compétence des autorités nationales. De sorte que pour examiner la légalité des montages juridiques et fiscaux mis en place, par Cristiano Ronaldo, il faut pouvoir se pencher sur la situation d’un ressortissant portugais ayant perçu des revenus en Angleterre, à l’époque où il jouait pour Manchester United, puis en Espagne, via le Real de Madrid.
Or les commentateurs relatent depuis plusieurs jours les faits en faisant référence à des textes fiscaux qui ne sont applicables ni en Angleterre, ni en Espagne, mais en France – et uniquement en France – tout en tirant de notre Code pénal des qualifications inconnues de la législation de ces deux pays.
Dit autrement, nous évoquons des montages financiers et fiscaux qui ne sont en soi pas illégaux, pour les examiner au regard d’un droit que nous ne connaissons pas, tout en criant haut et fort “au voleur” ! Ce n’est pas sérieux.
Pour qu’une investigation digne de ce nom puisse avoir lieu, il faudrait pouvoir disposer des déclarations fiscales de Cristiano Ronaldo. Pour “réconcilier”, comme on dit en langage fiscal – c’est-à-dire comparer – ses différents revenus avec les déclarations fiscales correspondantes. Il serait alors possible de savoir si tout ou partie de ces revenus ont, ou pas, été soustraits à l’impôt. Car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Prudence… et clairvoyance
Pour le moment, ses déclarations fiscales n’ont pas été dévoilées. Les administrations concernées se pencheront sans nul doute sur les dossiers des différents acteurs du monde du football visés par “FootballLeaks”. Elles auront certainement raison de suspecter de l’évasion fiscale.
Mais tant que ces contrôles n’ont pas eu lieu et qu’ils n’ont pas donné lieu à des conclusions claires, et précises, sur le caractère légal ou illégal de ces montages, on ne sait rien. Et il convient de raison garder.
Certes, Il paraît bien loin le temps ou Albert Camus dans La Chute pouvait faire dire à l’un de ses personnages: “Le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football…”.
C’était en 1959. A cette époque, une poignée de joueurs, sans agent – “désagentés” -, étaient rémunérés par quelques clubs qui avaient le plus grand mal à trouver d’autres revenus que ceux octroyés par leurs présidents-mécènes, et par les villes dont ils représentaient les couleurs.
C’était un autre temps. Faut-il le regretter ? Peut-être. Mais cela ne fait pas, pour autant, de Cristiano Ronaldo un coupable.
Partager cette page