Les JO de Rio ont pris fin. Le président du CIO les a publiquement considérés comme “emblématiques” et “sensationnels”. Thomas Bach, élu à la tête de la famille olympique en 2013, semble manifestement déjà souffrir du vertige des sommets frappant irrémédiablement tous ceux fréquentant les tours d’ivoire des fédérations et autres organisations internationales sportives.
Il semble en effet bien difficile de partager l’enthousiasme du président du CIO. Car une fois les paillettes retombées, les médailles rangées, les petits fours mangés, que reste t-il ? Quelles leçons tirer des JO de Rio pour que ceux de Tokyo ne leur ressemblent pas ?
Une vraie réforme de la gouvernance des organisations et fédérations sportives internationales
Car n’en doutons pas : ces JO resteront dans l’histoire comme ceux de la débâcle de la gouvernance du sport mondial face au cas du dopage d’Etat en Russie. Pour éviter un tel désastre, il aurait suffi d’une part que les textes en vigueur soient appliqués et, d’autre part, que les diverses organisations sportives internationales prennent toutes leurs responsabilités. Mais il n’en fut pas ainsi.
Nous aurions ainsi pu attendre de l’Agence Mondiale Anti-dopage (AMA), informée depuis bien longtemps des soupçons de dopage en Russie, qu’elle n’attende pas le mois de mai 2016 précédent le début des JO programmé en août de la même année pour lancer une enquête indépendante. Car elle ne pouvait pas ignorer que les recommandations qu’elle rendrait à quelques semaines des JO mettraient le CIO dans l’embarras.
Nous aurions pu également attendre du CIO que, sur la base des recommandations de l’AMA et à la lumière de la Charte olympique dont il est le garant, il prenne la responsabilité d’exclure la Russie des JO de Rio. Car si organiser les JO relève bien de ses compétences, accueillir et exclure des pays en font également partie.
Nous aurions alors pu, conséquemment, nous attendre à voir la Russie contester son exclusion devant la Cour Arbitrale du Sport (CAS) qui a compétence pour traiter de ces questions.
Et nous aurions, au final, certainement vu la CAS donner raison au CIO et du coup à l’AMA, comme elle vient tout juste de donner raison au Comité International Paralympique (CIP) d’avoir banni la Russie des Jeux Paralympiques de Rio considérant cette sanction “proportionnée au regard des circonstances”.
Et tout le monde aurait été dans son rôle.
En d’autres termes, le système juridique et institutionnel du sport à l’échelle internationale est très perfectible. Mais il a le mérite d’exister. Alors voir le CIO se défausser de sa responsabilité sur les fédérations sportives internationales, dont principalement sur celle d’athlétisme qui est elle-même embourbée dans un scandale de corruption concernant certains de ses très hauts dirigeants ayant couvert des cas de… dopage (sic!) contre espèces sonnantes et trébuchantes est tout, sauf acceptable.
Il faut que l’organisation des JO emporte vraiment l’adhésion de la population locale
Ce fiasco juridico-institutionnel aurait pu être un tantinet masqué par une organisation des JO si ce n’est parfaite, pour le moins maitrisée. Mais tel ne fut malheureusement pas le cas non plus. Entre un village olympique spartiate, au sein duquel les travaux n’étaient pas finis, où des sabotages, des vols et des violences ont eu lieu, des lieux de compétition indignes des JO et en grande partie vides, il est peu de dire que les autorités brésiliennes ont failli.
Et il pouvait difficilement en être autrement. Car il convient de rappeler que les JO de Rio avaient d’abord massivement été rejetés par les Brésiliens de manière générale et par les Cariocas de manière particulière. Il est vrai qu’ils avaient d’autres soucis que celui de savoir qui allaient être les prochains champions olympiques.
L’Etat de Rio, en faillite, a ainsi dû recourir au budget de l’Etat, lui-même au bord du gouffre financier, pour boucler les travaux et payer les salaires des fonctionnaires jusqu’en septembre prochain.
Les autorités brésiliennes auront par ailleurs dû se résoudre à donner 280.000 billets des JO à des familles aux revenus modestes pour tenter de remplir les sièges vides dans les stades. Mais là aussi, rien n’y aura fait : pas même la moitié de ces billets, pourtant gratuits, aura été utilisée.
Pour que les JO soient vraiment une fête pour tous, en ce compris les habitants de la ville en accueillant l’organisation, il ferait sens que le CIO s’inquiète de l’acceptabilité de ce projet par les populations locales. Certains diront que cela relève d’abord de la responsabilité des autorités nationales et locales candidates. Certes. Mais l’évènement étant mondial, le CIO ne peut, de nouveau, pas se décharger de toute responsabilité sur le sujet. Il doit certainement penser s’en préoccuper via le cahier des charges transmis aux autorités intéressées. Mais est-ce bien suffisant? Les Français et les Parisiens ont-ils vraiment été consultés sur la candidature de Paris aux JO 2024? Si tant est qu’ils l’aient été, seront-ils toujours d’accord pour les organiser en 2022?
Ces questions peuvent paraître incongrues. Pourtant, si le sport est une politique publique – et c’en est une – alors elles ne sont que la simple expression de ce que devrait être la responsabilité politique de ceux la mettant en œuvre.
Un modèle économique à revoir
Car en tout état de cause, le CIO et ses dirigeants se savent, de leur côté, hors d’atteinte. Grâce au sacro-saint principe de l’autonomie du sport (sur lequel il faudra bien revenir un jour) ils peuvent interférer dans la politique sportive de chaque Etat tout en demandant aux Etats en question de ne pas interférer dans leur fonctionnement. Magique!
Aussi magiques que le seront les revenus du CIO tirés de ces JO de Rio. Même s’il faudra attendre des mois avant d’avoir des chiffres crédibles à ce sujet, nous pouvons estimer que les revenus directs et indirects générés par ces JO avoisineront pour le Comité Olympique les 5 milliards d’euros.
Côté brésilien, les coûts générés par les JO se seront montés au total à près de 12,5 milliards d’euros et n’auront généré que 2 milliards de retombées économiques. Faites les comptes!
Même Henrique Meirelles, le Ministre des Finances brésilien, reconnaissait publiquement il y a quelques jours en mentionnant que “les premiers signes de reprise commencent à apparaître” au Brésil, que l’effet des JO à cet égard est négligeable.
Alors nous sommes beaucoup à aimer le sport. Et nous avons été nombreux à Rio ou devant nos écrans à soutenir les athlètes français dans toutes les disciplines dans lesquelles ils ont été engagés.
Mais l’amour n’est pas toujours aussi aveugle qu’on veut bien le dire. Et en l’occurrence, nous espérons que les JO 2020 sauront tirer les leçons de ceux de 2016. Car ce n’est qu’à cette condition qu’ils pourront éventuellement être “emblématiques” et “sensationnels”.
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