Adidas est le premier ou deuxième équipementier sportif mondial, devant ou derrière Nike selon que l’on s’en réfère à telle ou telle source d’information. Mais au classement des contrats de sponsoring sulfureux, Adidas est à n’en pas douter premier. A son corps défendant.
Car pour vendre et convaincre les sportifs de la qualité de ses produits, Adidas comme toute entreprise en prise directe avec les consommateurs, met en place des politiques marketing. Pour prendre le football comme exemple, la marque aux trois bandes signe ainsi des contrats avec des joueurs (dont avec Messi, le meilleur joueur du monde), avec des clubs (dont avec le Real de Madrid, le plus grand club du monde) et avec des fédérations (dont la fédération belge, actuellement première au classement mondial établi par la FIFA) en vue d’accroitre sa visibilité. L’équipementier allemand sponsorise aussi les fédérations internationales, dont la FIFA, de telle sorte que des compétitions internationales, telle que la Coupe du monde de football, puissent être associées à son image.
En d’autres termes, Adidas équipe les meilleurs et les plus grands et s’expose à leurs côtés, pour le meilleur… mais aussi parfois pour le pire. Et le pire, nous le côtoyons depuis maintenant plusieurs années avec la FIFA et depuis quelques mois avec l’IAAF, deux fédérations internationales soutenues par Adidas de manière très substantielle. Or, si Adidas s’est refusé à suspendre voire à annuler son contrat de sponsoring avec la FIFA malgré le déballage incessant de preuves relatives à l’existence d’une corruption de vaste ampleur dans le football international, l’équipementier serait semble-t-il prêt à rompre celui le liant à l’IAAF. Y aurait-il donc une différence entre le football et l’athlétisme ? L’ampleur des scandales serait-elle différente ? Adidas peut-il vraiment rompre ce contrat de sponsoring ? Et si oui, est-ce vraiment réaliste de supposer qu’il le fera ?
Un contrat de sponsoring se signe entre un sponsor et un sponsorisé. Le sponsor fait des apports en espèces (moyens financiers), en nature (soutien matériel ou autre) et/ou en industrie (conseils, compétence, expérience) à un sponsorisé qui assure en retour la visibilité de la marque du sponsor, un accès privilégié à ses manifestations, la mise à disposition d’espaces et/ou toute autre contrepartie contractuellement prévue. En d’autres termes, un contrat de sponsoring n’est ni plus ni moins qu’un contrat de prestation de services dont l’élément essentiel tient dans la capacité du sponsor à pouvoir associer son nom à celui du sponsorisé ou à pouvoir l’accoler aux manifestations que ce dernier organise. Les contrats de sponsoring se succèdent mais ne se ressemblent pas. Il y a toutefois fort à parier que les avocats d’Adidas auront été suffisamment prudents pour inclure en leur sein des dispositions permettant à l’équipementier de mettre un terme aux contrats signés en cas d’atteinte grave à son image et à sa réputation. Pourtant, il nous est permis de douter que le contrat signé avec l’IAAF, d’un total de 33 millions $ ayant été signé pour 11 ans et devant prendre fin en 2019, soit effectivement rompu.
D’une part parce que l’IAAF ne renoncera pas facilement aux 4 ans de contrat restant à courir et à quelques 12 millions $ de sponsoring. Ses avocats argumenteront certainement que les efforts de réforme effectués par l’IAAF sous l’égide de son nouveau président, Lord Sebastian Coe, devraient pouvoir rassurer et satisfaire Adidas dont l’image serait alors autant associée au scandale en cours qu’à la volonté forte de réformer la fédération internationale d’athlétisme.
D’autre part parce que si Adidas devait rompre ce contrat, ce ne serait vraisemblablement que pour voir l’un de ses concurrents se substituer à lui. Lord Coe ayant été 38 ans, à titre personnel, sous contrat avec Nike, suivez mon regard… Il suffit pour s’en convaincre de se souvenir qu’en octobre 2013, Puma avait rompu son contrat avec la fédération sud-africaine de football suite à un scandale de corruption dans le foot sud-africain pour se voir remplacer, dès le mois de décembre suivant, par Nike. Et ce qui vaut pour Nike un jour, vaut pour Adidas le lendemain et pour leurs autres concurrents l’après-lendemain.
Nous l’aurons compris : Adidas a tout autant besoin de la FIFA et de l’IAAF que ces fédérations internationales ont besoin d’Adidas. Alors que l’équipementier ait des exigences sur l’intégrité, l’honnêteté et la transparence des fédérations qu’il sponsorise se comprend. Mais devrait-il en avoir trop, la FIFA et l’IAAF sauront trouver rapidement des partenaires plus « flexibles » pour les accompagner dans leurs efforts.
Car comme le disait La Rochefoucauld, «l’agitation des affaires détourne l’âme de pensées plus solides».
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