La Coupe du monde de football a pris fin hier avec la victoire de l’Allemagne face à l’Argentine. Le vainqueur de la 20ème édition de cette compétition n’aura pas seulement écrasé de toute sa classe la Coupe du monde organisée au Brésil. Il aura aussi humilié en demi-finale le pays organisateur, en le battant 7 à 1 dans un match qui restera dans les annales.
Déroute au niveau sportif : 0-1
Cette déroute en demi-finale ne fut malheureusement pas pour la Seleçao un accident isolé, puisque le Brésil fut également sèchement battu 3-0 quelques jours plus tard par les Pays-Bas, dans le cadre d’un match pour l’octroi de la troisième place de la compétition.
Alors que beaucoup prédisaient donc à tort un succès des Brésiliens dans cette Coupe du monde, beaucoup étaient également ceux qui prédisaient, tout aussi à tort, une organisation défaillante de cette compétition par les autorités brésiliennes. Le Brésil fit en effet l’objet, à travers le monde, de très nombreuses critiques durant la phase des préparatifs.
Or, les Brésiliens mirent finalement autant d’énergie à pathétiquement perdre ce qui aurait dû être ”leur” Coupe du monde qu’ils en mirent à réussir à l’organiser efficacement.
Réussite au niveau de l’organisation : 1-1
Certes, diront les grincheux, les transports locaux étaient manifestement perfectibles. Mais le sentiment général des acteurs économiques ayant pris part à cette compétition est bien résumé par l’envoyé spécial du Financial Times au Brésil. S’il est vrai que le ”FT” est rarement lu pour ses analyses sportives, son point de vue sur l’organisation de la plus grande compétition au monde (avec celle des Jeux Olympiques) est intéressante. Elle s’adresse aux hommes d’affaires du monde entier et notamment à ceux qui financent directement ou indirectement le football.
Or, pour le ”FT”, la Coupe du Monde au Brésil fut une réussite pour différentes raisons. Sont ainsi entre autres mentionnés le fait qu’elle se déroula dans un pays ou le soleil et les plages permirent aux supporters d’être aussi des touristes comblés, le fait que les Brésiliens furent des hôtes éminemment sympathiques et bienveillants mais aussi le fait qu’ils surent maintenir la sécurité tout au long de la compétition sans en faire une angoisse permanente.
Ce sentiment est très largement partagé par le reste de la presse à travers le monde, qui loua également la très grande qualité des stades dans lesquels les matches se sont joués. A tel point que Thierry Braillard, le Secrétaire d’Etat aux Sports français, déclarait hier que la France devrait s’en inspirer pour l’organisation en 2016 du Championnat d’Europe des Nations.
Echec économique : 1-2
Les autorités brésiliennes auront ainsi investi au total plus de 11 milliards de dollars dans l’organisation de la Coupe du monde, déclenchant par la même dans leur pays une fronde sociale d’envergure. Or, la plupart des acteurs financiers présents sur le sol brésilien s’accordent à dire que le Brésil a été, à cette occasion, incapable d’accompagner la construction de stades par la réalisation de travaux plus structurants. Il fut, d’autre part, inapte à encourager l’accompagnement par le secteur privé de ses investissements publics dans l’économie nationale.
A tel point que malgré les sommes colossales investies dans l’organisation de la Coupe du monde par les autorités brésiliennes, les principaux signaux économiques nationaux restent préoccupants.
Ainsi, alors que le gouvernement brésilien tablait sur une croissance de 2,3% à 2,5% en 2014, la banque centrale vient d’abaisser la prévision de croissance pour cette année à 1,6 %. Une croissance trop faible à l’échelle d’un pays émergent au sein duquel les efforts à faire restent encore considérables. De plus, l’enquête réalisée par l’Institut Monétaire brésilien auprès de 100 économistes se veut encore plus pessimiste puisqu’elle prévoit une croissance limitée à 1,1%.
Par ailleurs, comparé aux autres pays émergents ou en voie de développement, seul 1,5% du PIB est investi par le Brésil dans les infrastructures, contre 5,1% pour ses concurrents directs. La moyenne mondiale tourne quant à elle autour de 3,8%.
L’absence de plan concerté de développement des infrastructures et surtout la non-participation du secteur privé dans ces projets d’investissement coûteux expliquent que le Brésil ne soit pas un territoire unifié économiquement. Les opportunités en la matière offertes par la Coupe du monde n’ont donc clairement pas été saisies.
Le Brésil aura eu beau accueillir quelques 15 millions de passagers dans ses aéroports et plus de 600.000 supporters-touristes durant la compétition, son PIB n’aura en effet progressé que de 0,2 % lors du premier trimestre et sa progression pour le deuxième trimestre ne devrait pas atteindre les sommets escomptés. La production industrielle reste de son côté au plus bas et le déficit courant s’est creusé à 3,6 %.
Par ailleurs, malgré les interventions répétées de la banque centrale, l’inflation devrait atteindre cette année 6,4 %.
Echec social : 1-3
Le Brésil est de surcroît un pays dans lequel les inégalités sociales sont particulièrement importantes. Les infrastructures sont en piteux état alors que les moyens de transports, les hôpitaux et les écoles sont en déliquescence. Le mécontentement social est profond et l’organisation du Mondial avait jeté la lumière sur une contestation qui durait déjà depuis de nombreux mois.
Elle a partiellement cessé durant la compétition, le peuple brésilien s’étant rangé avec ferveur derrière son équipe nationale.
Nul doute cependant qu’elle s’exprimera de nouveau, au moins jusqu’au 5 octobre prochain et la tenue des prochaines élections présidentielles.
En tout état de cause, la société brésilienne et parmi elle les plus démunis, trouveront peu de satisfaction dans les travaux réalisés pour cette Coupe du monde. Ils n’en trouveront pas plus dans une quelconque relance de l’économie brésilienne, pas plus qu’ils n’en auront suite à la constatation probable, dans un ou deux ans, de l’inutilité et de l’impossibilité d’exploiter 3 ou 4 des 12 stades construits pour cette compétition.
Perte de crédibilité politique : 1-4
C’est dans ce contexte que le 7 juillet dernier (soit deux jours avant la défaite cuisante de la Seleçao contre l’Allemagne), la campagne présidentielle s’est officiellement ouverte au Brésil. Elle se conclura par l’organisation d’élections qui auront lieu le 5 octobre prochain.
Si jusqu’ici les Brésiliens n’ont jamais fait payer un échec sportif à leurs gouvernants (comme ils n’ont d’ailleurs jamais récompensé un Président pour un succès de leur équipe nationale), il n’en reste pas moins que Mme Dilma Rousseff, l’actuelle Présidente du Brésil, n’a jamais été aussi peu populaire qu’elle ne l’est actuellement. Donnée gagnante sans problème avant la Coupe du monde, une défaite aux prochaines élections est aujourd’hui envisageable.
En tout état de cause et nous l’aurons compris, le Brésil aura perdu la Coupe du monde sur et en dehors du terrain. Les scores subis sur le terrain par la Seleçao ont souvent été sans appel. Le Brésil aura aussi perdu 1-4 en dehors du terrain.
Parce que pour gagner et organiser une telle compétition, il faut avoir bien plus que de l’envie et de la volonté. Dilma Rousseff au niveau politique comme Luiz Felipe Scolari au niveau sportif risquent prochainement d’avoir beaucoup de temps pour méditer sur cette vérité.
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