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Sports et business

Taxer les transferts de joueurs : la nouvelle mauvaise idée à la mode

25 octobre 2017

« Bien tenté, mais pas cadré », c’est ce que peut s’entendre dire un joueur qui aura pris le risque de tenter une frappe au but mais qui ne l’aura pas cadrée. L’initiative était bonne mais le tir sera passé à côté de la cage. Or, vouloir taxer les transferts de joueurs, comme le proposent certains de nos députés, est également bien tenté. Mais ce n’est clairement pas cadré.

Cette initiative s’ajoute à d’autres propositions plus ou moins intelligibles exprimées ces dernières semaines et consistant à voir dans les montants des transferts, des sommes folles dans lesquelles tout à chacun serait alors susceptible de comprendre qu’une ‘’taxe’’ puisse être prélevée au profit des clubs les moins nantis.

Ces propositions sont en partie opportunistes en ce sens qu’elles font suite au mercato estival du PSG et aux sommes très substantielles dépensées par le club parisien pour renforcer son équipe. Elles sont basées sur l’idée simple qu’il conviendrait de taxer les plus riches (les clubs professionnels) pour financer les moins riches (les clubs amateurs).

 

Le foot français participe déjà très largement au financement de la dépense publique

Nos députés gagneraient à lire les différents baromètres et autres rapports publiés depuis un certain nombre d’années par l’UCPF et Ernst & Young d’une part, et par la LFP et la DNCG d’autre part. Ils pourraient alors peut-être prendre conscience que derrière une activité ludique et de spectacle, se cache en réalité un véritable secteur économique employant plus de 26.000 personnes sur notre territoire, réalisant un chiffre d’affaires annuel de plus de 6 milliards d’euros et versant chaque année au budget de l’Etat, en cotisations fiscales et sociales, plus de 1,54 milliard d’euros.

La montée en puissance du PSG, l’arrivée de Franck Mc Court à l’OM et la solidité du projet lyonnais devraient permettre au football français de continuer à contribuer substantiellement au financement de la dépense publique.

 

Le foot français participe déjà très largement au financement du foot amateur

Nos députés pourraient par ailleurs être intéressés de savoir que les clubs professionnels redistribuent déjà environ 10% de leurs chiffres d’affaires annuel (et non simplement de leurs bénéfices) au football amateur. Et partie de ces sommes provient déjà des transferts de joueurs.

Ainsi, les Règlements Généraux de la FFF prévoient un mécanisme dit de l’« indemnité de préformation ».

Celui-ci s’applique lors de la signature par un joueur de son premier contrat professionnel. L’indemnité n’est toutefois due que lorsque le joueur concerné a moins de 23 ans au moment de la signature. Elle doit alors être payée par le club employeur dans les 3 mois de la signature du contrat en question.

Bénéficient de cette indemnité le ou les clubs amateurs au sein desquels le joueur a été licencié dans les catégories fédérales U10, U11, U12 et U13. Lorsque plusieurs clubs sont qualifiés de bénéficiaires, l’indemnité versée est répartie au prorata du temps passé dans chacun d’entre eux.

En sus de ce mécanisme de solidarité, s’ajoute par ailleurs une indemnité versée aux Districts auprès desquels ces clubs sont affiliés.

Par ailleurs, la FFF a également mis en place une indemnité dite « compensatrice de mutation ». Celle-ci est due lorsqu’au moins deux joueurs licenciés dans un même club amateur demandent, au cours d’une même saison, une qualification stagiaire ou professionnelle.

Cette indemnité doit être acquittée dans les 6 mois suivant la date d’homologation du contrat.

En d’autres termes, un système de solidarité est déjà en place au niveau national. Nous verrons ultérieurement qu’un système additionnel existe également au niveau international.

Cette redistribution s’ajoute de surcroît à toute une série de taxes, dont les plus connues restent la taxe dite « Buffet », qui consiste en une contribution de 5% sur les droits de diffusion des compétitions sportives au profit du sport amateur et le prélèvement de 0,3% sur les mises des jeux de loterie.

Les clubs professionnels doivent-ils faire plus ? Peuvent-ils faire plus ?

 

Le football français est structurellement déficitaire

Le football français est dans une situation financière extrêmement complexe depuis des années. La situation du PSG masque en effet une réalité bien différente de celle suggérée par les sommes qu’il a dépensées en transferts cet été.

Bien que le dernier exercice examiné par la DNCG fasse mention d’un retour à l’équilibre des clubs français après de nombreuses années de pertes, Henri Tcheng, Président de la DNCG, déclarait ainsi dans le rapport 2015/16 (« Rapport financier du football français », LFP, document de la DNCG, page 3 – le dernier disponible à cette date) qu’« en dépit de la hausse de l’activité, le déficit d’exploitation a continué de se creuser pour atteindre -387 M€, la masse salariale restant globalement maîtrisée ».

L’état de leurs finances explique la pauvreté des performances de nos clubs au niveau européen. Il faut rappeler que le football français n’est plus aujourd’hui que le 5ème football européen, derrière ses homologues anglais, espagnol, allemand et italien. La dernière victoire d’un club français dans une compétition européenne remonte à… 1996. C’était le PSG en Coupe des Coupes, il y a donc 21 ans. Et avec la victoire de l’OM en Ligue des Champions en 1993, les clubs français n’ont donc, dans toute leur histoire, que 2 trophées européens à mettre à leur actif. Là où les clubs espagnols en ont remporté 41, les clubs anglais et italiens 29 et les clubs allemands 18.

 

Le football français doit actuellement son salut financier aux transferts de joueurs

Par ailleurs, quand nous examinons de plus près la manière dont les clubs français sont revenus à l’équilibre, nous constatons qu’ils ont fait des profits record en vente de joueurs, profitant de l’augmentation des droits TV dans les pays voisins. Dit autrement, les clubs français ont bénéficié de la richesse croissante de leurs concurrents européens pour leur vendre leurs meilleurs joueurs, en tirer des revenus financiers et équilibrer leurs comptes.

Un football contraint de vendre ses meilleurs joueurs est-il un football en bonne santé ? Bien sûr que non.

Il n’en reste pas moins que ces transferts internationaux de joueurs formés en France vers des clubs étrangers génèrent aussi des revenus pour nos clubs amateurs. Ces indemnités sont fixées par la FIFA dans son « Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs ».

Ce règlement FIFA prévoit d’abord une indemnité de formation. Elle est due lorsqu’un joueur est enregistré en tant que professionnel, pour la première fois et avant la fin de son 23ème anniversaire, par un club étranger. Cette indemnité doit alors être payée dans les 30 jours de l’enregistrement du joueur.

Tous les clubs ayant participé à la formation et à l’éducation de ce dernier entre sa 12ème et sa 23ème année en sont bénéficiaires. Le montant de cette indemnité est calculée en multipliant le nombre d’années durant lequel le joueur a évolué pour le club amateur avec les « coûts de formation » du nouveau club. Ces coûts sont fixés par la FIFA dans des « circulaires de classification » pour tous les clubs du monde, classés par catégories.

A côté de cette indemnité de formation, existe également un système dénommé « contribution solidarité pour transfert international ». Cette contribution peut être extrêmement rémunératrice pour les clubs amateurs. Ainsi, lorsqu’un joueur professionnel sous contrat fait l’objet d’un transfert international, une fraction de l’indemnité payée au club précédent est distribuée par le nouveau club au(x) club(s) ayant pris part à la formation du joueur de sa 12ème année jusqu’à sa 23ème année (sauf transfert antérieur).
La contribution solidarité est fixée à 5 % du montant du transfert. La répartition entre les clubs formateurs, si elle a lieu d’être, s’effectue ensuite selon le mécanisme suivant :
• durant les 4 premières années de la formation du joueur, autrement dit de la saison de son 12e à son 15e anniversaire, le montant dû à titre de contribution de solidarité est de 5% des 5% pour chaque année de formation, autrement dit de 0,25% de l’indemnité totale ;
• à partir du 16e anniversaire du joueur, le pourcentage est de 10% des 5% pour chaque année de formation, soit 0,5% de l’indemnité totale.

 

Taxer les transferts ? Une vraie mauvaise idée

Les clubs de football professionnels français sont déjà de gros contributeurs au budget de l’Etat. Pourquoi devraient-ils contribuer encore plus qu’ils ne le font déjà ? Parce que le PSG en a les moyens ?

Ils payent déjà plus de contributions fiscales et sociales que leurs concurrents européens, contre lesquels ils ont déjà le plus grand mal à concourir.

Ils sont par ailleurs depuis longtemps dans une situation financière complexe, à tel point que de nombreux clubs ne doivent leur survie qu’à l’engagement financier personnel de leurs actionnaires, venant régulièrement combler les difficultés en trésorerie et ainsi artificiellement équilibrer les comptes de leurs clubs pour satisfaire la DNCG.

Nos clubs contribuent par ailleurs déjà largement au fonctionnement du football amateur. De différentes manières, en ce compris en reversant partie des sommes encaissées via des opérations de transfert de joueurs.

Ces indemnités de transfert versées aux clubs amateurs sont déjà inscrites dans les règlements de la FFF comme dans ceux de la FIFA.

Dès lors, vouloir surtaxer les transferts réalisés par les seuls clubs français serait une erreur stratégique majeure de nos gouvernants.

Une de plus pourraient sans doute dire en chœur les présidents des clubs de football professionnels français.

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