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Sports et business

Sur le sport, Emmanuel Macron doit muscler son jeu

11 mai 2017

Emmanuel Macron a 39 ans, une allure sportive et il a même été licencié à la Fédération Française de Football. Mais s’il aime le sport, la lecture de son programme laisse apparaître des zones d’ombre qui ne sont pas nécessairement rassurantes. Et, à force d’enfoncer autant de portes ouvertes, il risque une luxation de l’épaule. Quelle politique publique du sport le nouveau président de la République propose-t-il? Décryptage.

Faciliter l’accès au sport, vraiment?

Premier pilier de la politique d’Emmanuel Macron dans le domaine sportif: faciliter l’accès au sport. Partant du principe que “42% des Français déclarent ne jamais faire de sport”, le nouveau président souhaite négocier “la signature d’un accord national interprofessionnel visant à organiser et faciliter la pratique du sport dans les entreprises”.

Pourquoi pas? Mais le leader d’En Marche oublie un détail: la France s’est déjà dotée d’une Fédération Française du Sport d’Entreprise, dont l’objet est de… “développer la pratique physique ou sportive régulière dans le cadre de l’entreprise, au bénéfice de la santé et du bien-être des salariés”.

La France s’appuie aussi déjà sur un maillage sportif territorial très étoffé avec des Comités Régionaux (CROS), Départementaux (CDOS) et Territoriaux (CTOS) Olympiques et Sportifs dont l’objectif est de décliner, en tenant compte des spécificités locales, les orientations et les actions initiées par le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF). Dont… le sport en entreprise.

Par conséquent, essayer d’imposer via un accord interprofessionnel des plages horaires dédiées au sport dans des entreprises déjà ciblées par ces dispositifs relève de la gageure. Alors que ces entreprises souffrent par ailleurs d’un manque de compétitivité, et qu’elles sont soumises aux 35 heures.

Emmanuel Macron souhaite également inciter “les établissements scolaires et les associations sportives locales à se rapprocher pour garantir la continuité et la complémentarité des pratiques sur le temps scolaire et extrascolaire”. Il promet qu’il favorisera “les partenariats pédagogiques pour promouvoir la pratique du sport et sensibiliser les élèves” et qu’il encouragera “les mutualisations d’équipements sportifs. Par exemple, les établissements scolaires seront invités à ouvrir leurs gymnases aux associations, en soirée, le week-end ou pendant les vacances scolaires”.

Outre que cette question relève de la compétence des collectivités territoriales, et plus particulièrement des maires, notre nouveau président pourrait avoir avantage à savoir que ces pratiques sont déjà très largement répandues dans nos territoires. Depuis très longtemps.

Hors-jeu sur l’autonomie des fédérations

“L’organisation du sport en France est héritée de l’après-guerre et n’est plus adaptée aux enjeux de notre société. Nous devons construire une gouvernance plus claire et efficace de nos fédérations sportives”. Ce constat fait par Emmanuel Macron est courageux.

Et la conclusion qu’il en tire est claire: “Nous donnerons davantage d’autonomie aux fédérations sportives et au comité national olympique (CNOSF), aux acteurs locaux en recentrant l’action de l’Etat sur des missions essentielles de coordination, de règlementation et d’évaluation éthique des compétitions (lutte anti-dopage, transparence sur les flux financiers dans le sport, etc.)”.

Le problème, c’est que cette conclusion est erronée. Car c’est précisément parce que l’Etat s’est trop retiré de la gestion du sport pour se concentrer sur des domaines connexes, que notre système ne fonctionne plus.

Il faut rappeler que c’est dans l’après-guerre que sont nées les fédérations sportives telles que nous les connaissons aujourd’hui. Et que ces fédérations sont devenues, depuis, de véritables “Etats sportifs dans l’Etat”. Qui décident quasiment seules de leur gouvernance, de leur fonctionnement et des dispositions régulant leurs disciplines. Le “pouvoir de tutelle” qu’exerce sur elles le ministère des sports, depuis 1958 et la naissance de la Cinquième République, est dans les faits très théorique.

En réalité, la France est, de loin, le pays d’Europe au sein duquel les fédérations détiennent la plus grande autonomie. Et elles ne souffrent pas d’un trop grand “interventionnisme” de l’Etat. Elles souffrent, bien au contraire, des conséquences néfastes que leur procure une trop grande autonomie. Emmanuel Macron commet donc, à cet égard, une erreur majeure de diagnostic.

Construire un “ascenseur sportif”

Quand notre nouveau président jouait au foot, il occupait, paraît-il, le poste de défenseur latéral gauche. Il est vrai qu’à ce poste là, on a plus vocation à défendre qu’à attaquer. Mais un défenseur latéral moderne doit aussi savoir… passer à l’offensive.

Alors, voici le programme qu’il pourrait suivre. Emmanuel Macron pourrait, d’abord, s’assurer que les règles de gouvernance de nos fédérations, auxquelles il déléguera des prérogatives de puissance publique, soient réellement exercées dans l’intérêt des fédérations et de leurs licenciés.

Il pourrait, ensuite, s’assurer d’une plus grande indépendance des Ligues professionnelles par rapport aux fédérations dont elles dépendent. Car seule cette indépendance leur permettrait de se développer face à leurs homologues européennes, dont certaines sont surpuissantes.

Il pourrait, également, s’assurer d’un mode de répartition des bénéfices du sport professionnel vers le sport amateur, plus respectueux de l’intérêt de la très grande majorité des pratiquants. Car il est bon de rappeler que, avant de devenir professionnel, un sportif a d’abord été amateur.

Dans la foulée, il pourrait s’assurer que les règles régissant le passage des clubs amateurs vers le sport professionnel soient assouplies pour qu’à côté de l'”ascenseur social”, puisse exister un véritable “ascenseur sportif” bénéficiant au plus grand nombre.

Une fois la politique publique du sport remise dans le bon sens, il aura alors effectivement raison de s’attacher à l’intégrité des compétitions sportives et de donner les moyens adéquats à la lutte contre le dopage, les paris illégaux et tous les actes de corruption dans le domaine du sport, qui attirent de plus en plus la grande criminalité.

Il aura tout aussi raison de renforcer les efforts faits en faveur du handisport, parent pauvre du sport français.

Les grandes responsabilités que les Français viennent de donner à Emmanuel Macron devront aussi être exercées dans le domaine du sport. Il est temps de se mettre “en marche” vers de vraies réformes!

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