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Sports et business

Les dessous politico-économiques de la CAN

23 janvier 2017

Elle est plus qu’un mythe. Une légende qui fait vibrer tout un continent. Et au-delà. La 31e édition de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), qui s’est ouverte le 14 janvier et se terminera le 5 février au Gabon, est une magnifique compétition sportive.

Elle intéresse particulièrement les Français. Car parmi les 368 joueurs formant les effectifs des 16 équipes engagées à cette CAN 2017, près d’un tiers ont été formés en France. Mais elle est aussi la compétition internationale de football la plus politique au monde. Et le cheval de Troie d’une nouvelle puissance économique: la Chine.

Si la FIFA est supposée sanctionner toute ingérence politique dans les affaires des fédérations membres, l’attribution de l’organisation de la CAN est toujours la résultante de compromis politiques en coulisses. Et son déroulement est plus qu’ailleurs un véritable enjeu politique national pour le pays organisateur.

Le choix du Gabon pour la CAN 2017, un geste politique calculé

Le 8 avril 2015, la Confédération Africaine de Football (CAF), qui est à l’Afrique ce que l’UEFA est à l’Europe, attribue la CAN 2017 au Gabon au détriment de l’Algérie et du Ghana. Or le Gabon connaît dès cette époque une forte agitation. Une élection présidentielle est programmée pour l’année suivante. Elle sera finalement organisée le 27 août 2016, dans des conditions très difficiles. La réélection d’Ali Bongo à la tête du Gabon est violemment contestée, y compris dans la rue.

La CAF ne pouvait ignorer ce contexte. Attribuer la CAN 2017 au Gabon et à Ali Bongo son président, à quelques mois d’une campagne présidentielle, ne pouvait être politiquement neutre. Et ce choix a eu des conséquences politiques.

Les opposants gabonais ont appelé le peuple à boycotter cette compétition. Ce que le peuple a fait pour l’instant d’une manière massive. De sorte que les autorités gabonaises semblent en être réduites à tenter par tous les moyens de remplir les stades, avec de soi-disant spectateurs. Tout en menaçant ouvertement les récalcitrants. Le vice-premier ministre Bruno Ben Moubamba n’a pas hésité à déclarer, dès le 17 janvier, que “trahir les Panthères (du nom donné aux joueurs de l’équipe nationale gabonaise), c’est trahir la patrie et la trahison est un crime contre la nation”. Ne pas aller au stade est en passe de devenir un crime au Gabon.

La CAF, le 56ème Etat africain

Le cas de la CAN 2017 n’est pas isolé. Le football africain est d’abord, et avant tout, une affaire de chefs d’Etats. Quel sélectionneur de quelle équipe africaine a-t-il déjà été nommé sans l’intervention du chef d’Etat du pays concerné, ou de son entourage proche? Combien de coachs ont-ils négocié leurs contrats non pas avec le président de la fédération concernée, mais directement avec le président du pays lui-même?

Et non seulement la CAF est impuissante à prévenir l’émergence du football comme discipline politico-sportive, mais elle l’encourage. La confédération africaine est en effet dirigée depuis près de 30 ans par le même homme, le Camerounais Issa Hayatou. Agé aujourd’hui de 70 ans, il sera candidat en mars prochain à Addis-Abeba à un… huitième mandat. Avec peu de chances d’être battu par son seul rival annoncé, le Malgache Ahmad.

Avec 7 mandats à son actif, bientôt 8, soit 28 ans à la tête de la CAF, et parti pour y rester au moins 32 ans jusqu’en 2021, Issa Hayatou est devenu un acteur incontournable de la politique africaine. Il sait soutenir ses soutiens quand il le faut, qui le lui rendent bien.

C’est, paradoxalement, lui qui a ouvert la porte à de nouveaux amis sur le continent : les investisseurs Chinois. Car s’il y en a qui ont bien compris l’importance politique du football sur le continent africain, c’est bien eux.

La Chine, nouvel acteur du football africain

Attribuer la CAN 2017 au Gabon supposait, en effet, que le pays dirigé par Ali Bongo soit capable de se doter de stades adéquats dans des délais extrêmement courts. Les majors français du BTP ont donc été écartés sans ménagement au profit des sociétés chinoises China State Construction Engineering Corp (CSCEC) et Shanghai Construction Group (SCG).

La Chine a fait de même en 2008 au Ghana, où elle a financé la rénovation de deux stades et en a construit deux nouveaux. Elle a répété l’opération en 2010 en Angola, en finançant et construisant les quatre stades utilisés pour la compétition, pour un coût total de 500 millions de dollars. Et après la CAN 2017 au Gabon, la Chine s’est déjà engagée à financer et construire deux stades au Cameroun, qui accueillera la CAN 2019.

Ces investissements sont calculés, puisque la Chine dispose depuis d’un accès privilégié aux matières premières des pays où elle s’implante, y compris à leurs ressources pétrolières.

Alors certes, la CAN est une belle compétition. Mais elle est aussi et peut-être surtout bien plus que cela. Elle est également un enjeu politique et économique pour tout un continent.

Au Gabon, l’ouverture de la CAN 2017 a même entraîné un report des élections législatives, qui ont été repoussées de décembre 2016 à juillet 2017. Et il y a peu de doutes que ces élections seront des plus tendues. Surtout que les Panthères viennent tout juste de se faire éliminer de leur propre CAN en phase de poule. Une terrible contre-performance sportive pour l’équipe nationale gabonaise et une infamie pour Ali Bongo. Et tout est là.

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