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Sports et business

Et si le foot n’était vraiment qu’un jeu?

3 février 2016

Toute la question est dans le titre de ce post. Le football est-il encore un jeu? On peut raisonnablement en douter à suivre les péripéties entre la FFF et la LFP. Pour mémoire, l’une est supposée représenter et défendre les intérêts du football amateur. Et l’autre devrait représenter et défendre ceux du football professionnel.

Et pan sur le nez de la Ligue. Encore. Elle avait assigné la FFF devant le Conseil d’Etat au sujet de sa décision de limiter le nombre de descentes de Ligue 1 en Ligue 2 de 3 à 2. Et elle a été déboutée. Outre que cette déconvenue judiciaire pour la LFP rappelle étrangement celle qu’elle a subi il y a quelques mois face à l’AS Monaco et celle qu’elle a subi il y a quelques jours contre l’UCPF, nous pourrions finir par nous demander où est le football dans tout ça.

Et pourtant, du PSG et son foot business, à l’OL et son grand stade, en passant par MM. Le Graët, Thiriez et autres gouvernants du football français, nous pourrions défier quiconque aujourd’hui de parler de football sans faire référence à l’acte de jouer. Au jeu. Au caractère ludique du football en tant que sport.

Ne dit-on pas jouer au football ? Ceux qui le jouent ne sont-ils pas communément appelés des joueurs ? Ne dit-on pas jouer en championnat, en coupe ou en amical ? Jouer à domicile ou à l’extérieur ? Jouer sur une pelouse ou un terrain synthétique ? Jouer du coup en crampons vissés ou crampons moulés ? Jouer gardien, défenseur, milieu ou attaquant ? Jouer la défense ou jouer l’attaque ? Jouer dans les pieds, en profondeur, dans l’espace, dans les intervalles, entre les lignes ? Jouer un coup-franc, un corner, jouer la ligne ou le hors-jeu ? Jouer en 4-4-2, 4-3-3 ou en 4-2-3-1 pour les plus savants ?

Ne parle-t-on pas de temps de jeu, de jeu de tête, de jeu court, de jeu long, de jeu en mouvement, de jeu haché, de jeu sur les côtés, etc… ?

Les différentes composantes de ce jeu qu’est donc le football forment les préceptes d’un sport rassemblant en France, selon les derniers chiffres de la FFF, 2.135.193 licenciés qui font de lui le sport le plus pratiqué au monde.

Ces pratiquants, licenciés ou pas, ont conscience de Paris à Tombouctou qu’un match se joue et qu’il peut conséquemment se perdre ou se gagner. Lorsqu’ils jouent en amateurs dans leurs clubs locaux, avec leurs amis et qu’ils sont engagés dans un championnat départemental, régional, national, d’entreprises ou autres, ils ont pleine conscience que du nombre de matches gagnés, perdus ou nuls, dépendront le nombre de points récoltés, leur classement dans le championnat en question et leur évolution dans la hiérarchie du football (montée, maintien, descente).

Ne pas accepter que le football soit un jeu dont l’issue désigne la plupart du temps un vainqueur et un perdant, c’est renier ce qui fait l’essence même du football et plus généralement de la plupart des sports, à savoir battre l’autre d’un but de plus, d’une seconde de moins, d’un centimètre en plus… Bref, de le surpasser.

Et pour éventuellement surpasser l’autre, le sportif doit d’abord commencer par se surpasser lui-même. Devrait-il ne pas y parvenir, ses efforts répétés n’en resteront pas moins louables et remarquables.

La LFP et derrière elle la grande majorité des présidents de clubs de Ligue 1 semblent s’être durablement écartés de ces préceptes. Autant leurs efforts pour renforcer l’organisation économique et financière de la Ligue 1 sont louables en ce qu’ils visent à mettre en place une élite du football professionnel français capable de rivaliser avec celles des autres grands championnats européens, autant leurs efforts pour limiter le nombre de descentes de la Ligue 1 vers la Ligue 2 sont regrettables.

Si le risque de descendre en Ligue 2 fait peur aux clubs de Ligue 1, qu’ils ne jouent plus. Qu’ils fassent tous 38 fois match nul. Si possible par 0-0.

Ou alors, ils pourraient prévoir un système de solidarité renforcé. Celui-ci pourrait par exemple permettre aux clubs relégués de garder un pourcentage à définir des droits TV de la Ligue 1 qui viendraient ainsi s’ajouter aux droits TV de la Ligue 2 auxquels ils peuvent prétendre. Ou alternativement, ils pourraient prévoir au profit des clubs en question un assouplissement des critères de la DNCG qui leur permettraient d’étaler dans le temps les pertes subies du fait de leur relégation.

Mais nous l’aurons compris : renforcer le mécanisme de solidarité en place pour les clubs relégués, c’est pour les clubs de Ligue 1 accepter de recevoir moins en droits TV pour mettre plus dans le pot commun des futurs relégués. Il est donc plus tentant pour eux de réduire le risque de d'”accidents” en limitant le nombre de relégations que de limiter le risque en question en cotisant plus pour les accidentés du championnat.

Par ailleurs, accepter d’introduire une entorse aux sacro-saintes règles de la DNCG semble être impossible. Même si croire en ces règles relève aujourd’hui d’une idéologie surannée et contredite par une analyse comparative des règles en vigueur dans les autres grands championnats européens et de leurs effets. Et c’est bien dommage. Car il serait normal que le football français puisse assouplir les règles en question et puisse permettre à un club d’amortir l’impact d’une relégation en acceptant une planification pluriannuelle d’un retour à l’équilibre financier. Comme le ferait une entreprise traditionnelle. Et comme le font bon nombre d’autres fédérations de football à travers l’Europe.

Finalement, nous ne résisterons pas non plus à rappeler que les principaux championnats avec lesquels la Ligue 1 essaye désespérément de se comparer connaissent 3 descentes et 3 montées. Ce qui ne les empêche pas de dominer la Ligue 1 de la tête et des épaules. Economiquement et sportivement.

Comme le disait Samuel Beckett dans en attendant Godot, “voilà l’homme tout entier s’en prenant à sa chaussure alors que c’est son pied le coupable”.

Ou dit autrement, voilà tout le monde du football professionnel s’en prenant au nombre de relégations, alors que ce sont ses propres règles d’une part et son échec économique et financier d’autre part qui sont coupables.

Gagner, perdre, monter, descendre, font partie du jeu. Vouloir changer les règles pour moins perdre ou moins descendre, ce n’est plus jouer de manière loyale. C’est demander aux clubs de Ligue 2 de jouer avec un handicap encore plus grand que celui qui est le leur aujourd’hui.

Ce n’est pas acceptable.

D’une certaine manière et pour utiliser le vocabulaire des footballeurs, la FFF et le Conseil d’Etat ont repris la LFP de volée à ce sujet. Cette fois-ci. Mais la prochaine fois… ?

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