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Sports et business

Interview de Thierry Granturco dans Onzedor

29 août 2016

Pour le 6ème #LADF, Thierry Granturco, avocat du sport spécialiste du football, a accepté de répondre à nos questions. Son expérience et son expertise nous offrent une synthèse sur les questions de droits liées au football. Enrichissant.

NUMÉRO 1 : Pourquoi le football est-il de plus en plus confronté au droit, alors qu’il ne reste finalement qu’un jeu ?

Le football est progressivement devenu une activité économique. Cette évolution s’est accélérée dès 1995 et l’arrêt Bosman. Le football fait donc face à des questions de droit social (les contrats de travail des joueurs…), de droit commercial (contrats sponsoring, marketing…), de droit des sociétés (puisque les clubs sont gérés via des structures sociétaires), etc… qui relèvent en grande partie du droit commun. Il n’y a ainsi aucune raison, par exemple, qu’un contrat commercial entre un club et ses sponsors soit traité différemment que n’importe quel autre contrat commercial.
Or, le monde du football a eu énormément de mal à faire face à ces changements. Et à certains égards, il continue toujours à avoir du mal à le faire en demandant par exemple à bénéficier d’une soi-disant « exception sportive » plutôt que de s’adapter. Et ce retard dans son adaptation génère du coup des contentieux. Que le monde du foot, du coup, perd d’ailleurs assez régulièrement (arrêt Bosman sur les transferts de joueurs, arrêt Olivier Bernhard sur la formation des jeunes joueurs, scandale à la FIFA, etc…).
Donc le foot est un jeu, une activité ludique, une passion. Mais c’est aussi une activité économique qui doit se conformer au droit. Le foot n’est pas au-dessus des lois.

NUMÉRO 2 : On entend dire que les clubs de foot ont des statuts juridiques particuliers (ex  : SASP). Qu’est-ce que cela signifie?

Comme indiqué juste avant, les clubs professionnels sont maintenant devenus de vraies PME gérant une véritable activité économique. Ils sont donc organisés sous forme d’association pour ce qui relève de la partie amatrice du club (des U6 à la CFA) et sous forme de société commerciale (la SASP étant la forme la plus répandue) pour ce qui relève de la partie pro. Ceci ressort des dispositions du Code du sport.
La SASP est donc la forme « sportive » de la SA (société anonyme) traditionnelle. Ni plus ni moins.
En ce qui concerne les contrats des joueurs, les joueurs professionnels signent des contrats de travail qui ont bien entendu certaines particularités mais qui restent néanmoins soumis au Code du travail. La preuve en est qu’un contentieux entre un joueur et son club employeur se termine souvent devant le Conseil des Prud’hommes. Comme cela pourrait être le cas entre un employé lambda et un employeur lambda.
Là aussi, le football doit comprendre que ses particularités ne le mettent pas au-dessus du droit commun.

NUMÉRO 3 : Comment fonctionne le modèle économique d’un club de football?

C’est une très vaste question, dont la réponse varie d’ailleurs selon les pays et les championnats concernés. Le modèle économique anglais n’est par exemple pas le même que celui du football français.
Et au sein même du football français, le modèle n’est pas le même selon que l’on parle de la Ligue 1 ou du championnat National.
Alors disons, pour faire court et simple, que les principaux piliers de l’économie du football sont les droits TV, les transferts, la billetterie en ce inclues les offres VIP, le sponsoring ainsi que le merchandising et autres droits dérivés. De manière générale, c’est dans cet ordre d’importance qu’ils nourrissent les caisses des clubs de Ligue 1.
Mais si vous êtes en National, vous n’aurez alors pas ou peu de droits TV, quasi pas de transferts payants et vous ferez très peu de merchandising. Il vous faudra alors bâtir votre budget essentiellement sur la billetterie et le sponsoring.

NUMÉRO 4 :Dans ce sens, partagez-vous cette idée que le foot puisse être un business alors que la plupart des investisseurs dans le foot finissent par perdre de l’argent?

Vous avez raison. La question mérite d’être posée. Toutefois, il faut se dire que le sport aux USA par exemple rapporte de très gros bénéfices à ceux qui le gèrent. Le foot commence aussi à être extrêmement rémunérateur pour les propriétaires des clubs de Premier League. En France, notre modèle économique n’est toutefois pas encore adapté de sorte que la quasi-totalité des clubs de Ligue 1 sont soit en perte, soit tout juste à l’équilibre. La LFP vient cependant de changer de gouvernance et j’ai bon espoir qu’avec l’arrivée de Didier QUILLOT à sa tête, le football français se mettra en marche vers des jours (économiques) meilleurs.

NUMÉRO 5 : Vous avez récemment écrit un article pour le Huffington Post, visant à savoir si le football était-il toujours un jeu. Alors, voyez-vous le football davantage aujourd’hui comme une bulle spéculative ou comme un vecteur d’émotions ?

Le football nous fait vivre de grandes émotions parce qu’il est très largement diffusé sur nos écrans. Or, il est diffusé sur nos écrans contre espèces sonnantes et trébuchantes. La TV nourrit les clubs, qui achètent des joueurs, qui produisent du jeu de plus ou moins haut niveau, que nous suivons dans les stades et sur nos écrans. C’est un cercle qui peut tout à fait être vertueux.

NUMÉRO 6 : Et pour revenir un peu plus sur vous, quelle est la différence entre un avocat du sport et un agent sportif?

Un agent a pour principale mission de trouver un club à ses joueurs quand il le faut, de les représenter durant les négociations, de les conseiller sur leurs choix sportifs durant leurs carrières, etc… Un avocat ne recherchera jamais de club pour un footballeur comme il évitera de se prononcer sur leurs choix sportifs. Car ce n’est pas de son ressort. Par contre, il pourra accompagner le joueur et/ou son agent durant les négociations avec son club ou son futur club, il gérera les problèmes contentieux nés de son activité, etc…
Dit autrement et plus simplement, un agent est un spécialiste du foot (ou supposé l’être) alors que l’avocat est un spécialiste du droit.
Les problèmes débutent quand les agents se prennent pour des juristes et quand les avocats se prennent pour des spécialistes du foot.

NUMÉRO 7 : Comment vous est venu cette passion pour le football?

Disons que je suis tombé dedans quand j’étais tout petit. J’ai pris ma première licence à 6 ans, j’ai évolué aux plus haut niveaux chez les jeunes, en ce compris en équipe de France, j’ai été 2 fois champion de France, j’ai été pensionnaire du centre de formation puis du groupe pro à l’Olympique Lyonnais, j’ai passé mes diplômes d’entraineur et je suis actuellement administrateur de plusieurs clubs amateurs en Belgique et en France.
Donc pour moi, le foot c’est avant tout une passion. Pas une profession ni un business.
Du coup, quand je suis devenu avocat, c’est tout naturellement que j’ai été contacté par les différents membres de la famille du foot et que je me suis spécialisé en droit du sport. Et je traite mes dossiers avec passion.

NUMÉRO 8 : Quel est votre plus grand souvenir de foot?

A titre personnel, ma participation aux championnats du monde UNSS en Finlande en 1985.
De manière générale, sans conteste notre titre de champion du monde en 1998.

NUMÉRO 9 : Selon vous, le football est-il d’avantage une science ou bien un art?

Un art.

NUMÉRO 10 : Comment expliquez-vous que des milliers voire des millions de gens arrêtent ce qu’ils sont en train de faire pour regarder un simple match de foot?

Parce que le foot est un sport, une activité ludique, un miroir de nos appartenances locales, régionales et nationales. Une activité qui nous permet de nous rappeler qui nous sommes, d’où nous venons, où se trouve notre cloché, pour qui notre cœur bat et qui nous permet de faire partie d’une communauté.Et peu sont les activités qui, en temps de paix, le permettent avec une telle fougue.

NUMÉRO 11 : Enfin, est-ce que tous les moyens sont bons pour atteindre le succès, selon vous ?

Non, non et non ! Et mon histoire personnelle dans le foot est d’ailleurs fortement marquée par cette affirmation! Et ce « non » vaut aussi bien pour ce qui relève de la gestion des clubs de foot que pour le comportement sur les terrains de foot. J’exècre par exemple les simulateurs que j’assimile sans conteste à des tricheurs qu’il faudrait sanctionner. Je préfère perdre que gagner en trichant.

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