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Sports et business

Lettre ouverte à M. Braillard, secrétaire d’Etat aux Sports, pour la défense du club de Luzenac

12 septembre 2014

Monsieur le secrétaire d’Etat,

Balayons d’un trait de plume ce qui pourrait nuire à la démonstration ci-dessous. Je ne suis pas le conseil du club de football de Luzenac. Je ne connais pas Fabien Barthez, si ce n’est comme divin chauve gardien de l’Equipe de France. Et je ne suis en campagne pour rien.

Ceci dit, M. le secrétaire d’Etat, n’y allons pas par quatre chemins: les décisions de la Ligue de Football Professionnelle (LFP) et de la Fédération Française de Football (FFF) à son sujet sont purement et simplement inacceptables. Et je place quelques espoirs sur vous pour, mieux que vos prédécesseurs, vous saisir d’une situation de fait et de droit qui bafoue tous les principes sur lesquels le football et plus généralement le sport devraient pouvoir se fonder.

L’esprit sportif doit prévaloir sur les enjeux de la compétition, enjeux économiques compris…

…et ce n’est pas nous qui le disons, mais la Charte Ethique du Football édictée par la FFF elle-même. Son premier paragraphe contient en effet un propos introductif dénommé “Retrouvez l’esprit sportif” qui stipule que “Le sport est porteur de hautes valeurs morales qui en font un moyen d’éducation exceptionnel et un facteur irremplaçable d’épanouissement de la personne, d’intégration sociale et de promotion de l’homme. L’esprit sportif, c’est aussi le respect des valeurs humaines qui doivent prévaloir en tout état de cause sur les enjeux de la compétition, enjeux économiques compris”.

En soi, la FFF n’est pas particulièrement innovante puisque ce principe de la suprématie du sport sur les enjeux économiques est aussi promu au niveau européen par l’Union des Associations Européennes de Football Association (UEFA de son acronyme anglais) dans sa déclaration “Le football avant tout”. Celle-ci contient 11 principes de base dont le premier stipule en effet que “Dans tout ce que nous faisons, le football doit toujours être le premier et le plus important élément à prendre en considération. Le football est un jeu avant d’être un produit, un sport avant d’être un marché, un spectacle avant d’être un business.

Qui pourrait remettre ces principes en cause? N’est-ce effectivement pas pour cela que nous faisons du sport? N’est-ce pas pour cela que tous les bénévoles des clubs amateurs donnent de leur temps et de leur énergie? N’est-ce pas ce qu’ils essayent tous d’inculquer aux jeunes évoluant dans leurs clubs? Respect, solidarité, plaisir, travail, compétition, récompense, promotion sont en effet des mots clés pour chaque sportif souhaitant progresser dans sa pratique. Et, pour ce qui relève du football, ces valeurs sont a priori bien comprises et véhiculées en France par la FFF et en Europe par l’UEFA.

Alors comment expliquer le fiasco de Luzenac? Comment expliquer aux joueurs de ce club, mais également à ceux du département de l’Ariège, de la région Midi-Pyrénées etin fine à tous les clubs amateurs de France que l’on puisse balayer les valeurs éthiques du sport et plus particulièrement du football, pour des questions financières et/ou administratives (selon l’humeur du moment)?

Les instances du football doivent se donner les moyens de faire respecter ces principes et non se cacher derrière certaines de leurs règles pour les bafouer

Pour expliquer l’inexplicable, la LFP et la Direction Nationale de Contrôle et de Gestion (DNCG) des clubs de football se retranchent derrière certaines dispositions de leurs règlements.

Or, vous avez dans une certaine mesure raison lorsque vous parlez de “victimisation des clubs” car il est bon de rappeler que la plupart des règlements tant décriés sont en réalité adoptés par les instances du football elles-mêmes. La FFF agit dans le cadre d’une délégation de service public qui lui est conférée par la loi pour organiser la pratique du football en France.

La FFF, par convention et dans le respect des dispositions du Code du Sport, a elle-même délégué partie de la gestion du football professionnel à la LFP.

Ce sont donc ces deux instances, supposées être représentatives des différentes familles du football français, qui adoptent, a priori démocratiquement, les règles gouvernant la pratique du football en France.

Par conséquent, lorsque Luzenac a dû batailler contre la DNCG pour démontrer que ses comptes lui permettaient d’accéder à la Ligue 2 et finalement faire plier les instances du football par voie judiciaire (puisque c’est le Tribunal administratif de Toulouse qui a contraint la DNCG a revoir son avis initialement négatif), le club n’a fait qu’essayer de se conformer à des règles établies par les instances du football français. Il ne s’agissait en rien de lois adoptées par le gouvernement ou le Parlement, mais bien de règlements établis par la FFF et la LFP.

De même lorsqu’il s’est agi de déterminer si Luzenac pouvait ou non jouer dans son stade ou dans un stade dit “de repli” -le temps que les travaux de conformité soient réalisés dans l’enceinte dans laquelle il avait évolué jusque là- il s’agissait pour le club de se conformer à un cahier des charges établi par les seules instances du football français.

En d’autres termes, ce sont bien les seules FFF et LFP qu’il faut blâmer dans ce dossier, et en rien le législateur français.

Car la FFF et la LFP doivent en l’occurrence effectivement être blâmées. Les décisions prises le sont peut-être en conformité avec leurs règlements. Mais si tel est le cas, ceux-ci font alors fi des principes éthiques que les familles du football défendent ou devraient défendre avant tout autre.

M. Braillard, il vous faut reprendre les choses en mains

Le sport français fonctionne historiquement sous la forme de délégation de service public à des fédérations et ce modèle n’est, à notre avis, aucunement à remettre en question.

Toutefois, dans le cas du football, la délégation gagnerait à être réétudiée attentivement. Nous avions ainsi déjà évoqué dans ces colonnes les effets pernicieux que les règlements de la FFF et de la LFP pouvaient avoir sur l’emploi, certains clubs étant poussés à la faillite alors même qu’ils pourraient être économiquement viables.

Nous ne pensions pas, à ce moment là, que l’absurdité du dossier du club de Luzenac prendrait une telle dimension. Car au-delà des aspects sportifs, le dossier du club ariégeois se termine malheureusement par une liquidation de la société anonyme gérant la partie fédérale-professionnelle du club et, du coup, par le licenciement de plusieurs dizaines de salariés.

M. Braillard, vous twittiez le 8 septembre dernier que “L’emploi est au cœur des politiques sportives que nous portons. Il y a toujours plus à faire dans ce domaine”. Vous aviez raison.

Comment le gouvernement peut-il se battre contre le chômage partout, sur tous les fronts, à tous les instants et par tous moyens, lorsque de son côté, la FFF, la LFP et leurs DNCGs prennent des décisions poussant des entités clubs, sociétés commerciales employant des dizaines de personnes, à mettre fin à leurs activités?

Ceci n’a jamais été acceptable, mais cette vérité n’a jamais été aussi évidente, visible et portée à l’attention de tous qu’elle ne l’a été avec le dossier de Luzenac.

Alors M. Braillard, vous avez jusqu’ici fait preuve de courage en osant dire tout haut ce que tout le monde pense – de moins en moins – tout bas. Il vous faut maintenant prendre la main.

Un modèle nécessairement à revoir

Des règlements qui ne permettent pas au petit de devenir grand, au pauvre de s’enrichir, à l’amateur de devenir professionnel, à tout à chacun d’être récompensé pour ses efforts et qui, de surcroît, génèrent indûment du chômage, ne peuvent perdurer. Certainement pas, en tout cas, dans le contexte social qui est celui de la France aujourd’hui.

De surcroît, le sport est une politique publique. En son sein, nous pourrions même dire dans une certaine mesure qu’il y a autant de sous-politiques publiques sportives qu’il y a de disciplines.

Or, une rapide évaluation de la sous-politique publique du football français nous amène à conclure que les mesures prises ces dernières décennies pour le développer, n’ont pas produit les effets escomptés.

Une DNCG a été instaurée mais la France compte un nombre de faillites de clubs plus important que tout autre pays européen.

Malgré la DNCG, la situation financière des clubs français reste très mauvaise et est quasi catastrophique en Ligue 2 et en championnat National.

Nos clubs, à l’exception notable du PSG dont l’émergence est une bénédiction pour le football français, sont devenus des nains économiques à l’échelle du continent européen.

Leurs résultats dans les différentes compétitions organisées par l’UEFA sont désastreux depuis une décennie. Pour se parler franchement, nous savons que seul le PSG peut dorénavant nous permettre une certaine visibilité sur la scène européenne.

Le fameux plan quinquennal “Footpro 2012” de la LFP, adopté en 2007 et concernant la réalisation de 10 objectifs principaux visant à promouvoir le football professionnel en France, a lamentablement échoué.

Dit autrement, les instances du football français ne peuvent pas se cacher, pour faire perdurer un système qui génère des cas comme celui de Luzenac, derrière des politiques et autres règlements qui auraient prouvé leur efficacité à développer le football français.

Car tel n’a pas été le cas.

Le moment est par conséquent propice pour remettre la politique du football français, amateur comme professionnel, sur la table. Et il est également propice pour se poser un certain nombre de questions, même si elles sont pénibles à entendre et pas évidentes à traiter.

Car le football français regorge de talents et il possède de nombreux atouts. Il n’est donc pas normal que ses clubs soient à tous points de vue moins performants que leurs concurrents des grands pays européens.

Je vous remercie d’avance de l’attention que vous aurez, Monsieur le Secrétaire d’Etat, bien voulu porter à ce cri du coeur.

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