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Sports et business

Maillol, Kachkar et ces autres mythomanes qui font mal au football

4 mars 2015

Après le long épisode du feuilleton Maillol de ces derniers mois, du nom de cet investisseur sans le sou qui voulait investir l’argent des autres pour racheter le club du Havre (le fameux « HAC », doyen des clubs français), la Cour de Cassation a rendu il y a quelques jours un arrêt contre Jack Kachkar qui en 2007 avait feint d’avoir les capacités financières de racheter l’Olympique de Marseille.

Maillol et Kachkar ne sont en fait que la face visible d’un football opaque peuplé de mythomanes en tous genres ou, pour le moins, de rêveurs dont les agissements dépassent malheureusement parfois les limites de ce que permet la loi.

Les désargentés

Il y a d’abord ceux qui, comme Christophe Maillol, se rêvent en présidents de clubs. Ils se voient en partie vivre la vie des joueurs par procuration, brandir leurs écharpes devant les photographes et autres caméras et bénéficier d’une notoriété et d’une visibilité qui les attirent.

Mais leurs rêves ont un prix, car devenir président d’un club de football suppose en règle générale qu’on y investisse, du moins dans un premier temps, beaucoup d’argent. En l’occurrence, il s’agissait pour lui d’investir 20 millions d’euros au Havre. Pour ses « partenaires » plus que pour lui d’ailleurs mais ceux-ci, qui seront constamment restés dans l’ombre, n’auront au final jamais versé un euro.

Comme M. Maillol ne dispose pas lui-même des ressources financières suffisantes pour transformer ses rêves en réalité, il aura paradé devant tous les medias pendant de longs mois pour que finalement le rideau tombe.

Il aura entraîné dans son sillon Eric Besson, l’ancien Ministre, qui avait signé un rapport intitulé « Accroître la compétitivité des clubs de football professionnel français » remis en novembre 2008 à François Fillon, premier Ministre de l’époque. On ose espérer que M. Besson n’escomptait pas accroitre la compétitivité du HAC avec l’aide de M. Maillol. Il se sera en tout état de cause laisser aller à rêver, avec lui, à un destin dans le football professionnel français.

M. Louvel, président du HAC et de l’Union des Clubs Professionnels de Football (UCPF), supposé porter la voix du football professionnel français auprès de ses autorités dirigeantes comme auprès de nos gouvernants et par ailleurs fervent défenseur de l’orthodoxie financière des clubs professionnels, se sera lui aussi laissé prendre au discours abracadabrant de M. Maillol.

Avec un ancien Ministre, auteur d’un rapport sur la compétitivité du football français d’une part, et le président de l’UCPF d’autre part, il est donc peu de dire que le rêve est un moteur puissant dans le football.

M. Maillol aura ou pas commis d’actes délictueux durant ses négociations avec le HAC. Certains dirigeants du club affirment vouloir porter l’affaire devant les tribunaux, d’autres gardent le silence.

Les insuffisamment riches

Il n’en reste pas moins que certains, comme M. Kachkar, ont été condamnés pour des faits sinon similaires, du moins fort ressemblants. En 2007, l’homme d’affaires canadien, Jack Kachkar, avait en effet tenté de racheter le club de football professionnel de l’Olympique de Marseille (OM). Le projet n’ayant pas abouti, il avait été poursuivi pour manœuvres frauduleuses pour avoir présenté au président de l’OM une fausse garantie bancaire au nom de la banque américaine Countrywide Home Loans.

Dans un arrêt en date du 25 septembre 2013, la Cour d’appel de Paris a déclaré M. Kachkar coupable d’escroquerie et, en conséquence, l’a condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis et 40 000 € d’amende. Les juges l’ont également condamné à verser aux héritiers du président de l’OM, décédé, la somme de 30 000 € en réparation de leurs préjudices matériel et moral.

Il forma alors un pourvoi en cassation qui a été finalement rejeté par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 28 janvier dernier. La condamnation de l’intéressé est donc définitivement confirmée.

M. Kachkar est un homme d’affaires dont les moyens sont a priori suffisants pour prendre la direction d’un club de football professionnel. Celui qui le faisait rêver était celui de Marseille. Seulement voilà : il coûtait 115 millions € et s’est avéré être au-dessus de ses moyens. Toutefois, espérant l’impossible, M. Kachkar a produit de faux documents, essayant par la même de tromper M. Dreyfus, alors président de l’OM. Mal lui en a pris.

Les ruinés

Ces comportements délictueux ne sont malheureusement pas isolés. Nombreux sont les dirigeants d’entreprises qui se sont pris de passion pour des clubs de football et dont les entreprises auront fini par disparaître, saignées par les apports continuels en trésorerie auxquels elles devaient opérer pour soutenir ces clubs.

Il en a été ainsi de l’entreprise Huis Clos, dont le président M. Bertin fut aussi président du FC Rouen, qui fut pourtant cotée en bourse avant d’être déclarée en faillite en octobre 2013. Il vendit entre temps le FC Rouen à M. Darmon qui, ruiné, dû également le céder quelques années plus tard dans des conditions qui lui valent aujourd’hui d’être mis en examen pour abus de biens sociaux et escroquerie.

M. Bernard président de la société NextGeneration et du SCO d’Angers fut quant à lui condamné à deux ans de prison avec sursis, cinq ans d’interdiction de gérer une entreprise et 200.000 € d’amende pour abus de biens sociaux, faux et usage de faux, condamnation confirmée par la Cour de cassation en avril 2013.

M. Martel se sera quant à lui complètement ruiné à essayer de sauver le RC Lens, avant d’en reprendre la tête grâce aux fonds de l’Azéri Hafiz Mammadov. Mais ce dernier, après avoir injecté quelques 20 millions d’euros dans le club, n’est plus en mesure de continuer à apurer les dettes du RC Lens qui se retrouve de nouveau au bord de la faillite.

Cette liste est loin d’être exhaustive. Mais elle montre que tous ces hommes auront finalement perdu une grande partie pour ne pas dire la totalité de leur patrimoine professionnel et parfois personnel, à essayer de soutenir financièrement les clubs dont ils étaient présidents.

Ruinés, certains d’entre eux auront de surcroît allégrement franchi les limites de ce que la loi leur permet pour tenter de sauver leurs entreprises, leurs clubs, voire les deux.

Les profiteurs

Dernier type de rêveurs mythomanes, ceux, plus nombreux, a priori plus inoffensifs et pourtant si néfastes aux clubs qu’ils disent soutenir : les profiteurs. Il s’agit souvent de présidents de clubs non professionnels et par conséquent gérés sous forme associative.

L’association permet à ses dirigeants d’une part de recevoir des fonds publics de la municipalité, du Conseil Général ou du Conseil Régional, qui prennent alors la forme de subventions, et d’autre part d’en recevoir via ce qu’on appelle communément des achats de prestations. Ces achats, qui sont souvent des subventions déguisées, permettent aux collectivités d’acquérir, par exemple, un certain nombre de tickets d’entrée pour un certain nombre de matches durant la saison, à elles ensuite de les attribuer à leurs personnels ou à des invités exceptionnels.

La forme associative permet également de récolter des fonds sous forme de mécénat, ces sommes étant défiscalisées à hauteur de 60% de leurs montants pour les entreprises.

De telle sorte que certains présidents, petits chefs d’entreprise locaux, gèrent finalement des clubs dont les revenus proviennent essentiellement de subventions publiques, de sommes défiscalisées et du prix payé par leurs licenciés pour avoir le droit d’y évoluer.

Le système ainsi mis en place a ses limites mais n’est pas en soi critiquable. Le sont par contre ces présidents-profiteurs qui s’accaparent un pouvoir qui ne leur appartient pas, se défendant haut et fort de se l’être accaparé mais luttant, dans le même souffle, bec et ongles pour ne pas passer la main.

Comment faire pour éviter ces dérives ?

Tout d’abord, il convient de dire que ces dérives ne constituent pas la règle générale, mais bien l’exception. La grande majorité des présidents des clubs amateurs et professionnels français sont des hommes et femmes respectables.

Lorsque, par contre, il s’avère qu’ils ne le sont, comment procéder ?

Certaines des actions à mener ne relèvent que de la compétence des actionnaires (ou des membres du bureau exécutif pour les associations), comme celles ayant mené à des dépôts de plainte et à des condamnations dans plusieurs clubs de l’hexagone.

D’autres pourraient relever de la Fédération Française de Football (FFF) et/ou de la Ligue de Football Professionnel (LFP). Nous pourrions par exemple envisager que la FFF et la LFP demandent un certain nombre de garanties financières aux actionnaires des clubs s’engageant dans les compétitions qu’elles régissent, de telle sorte à les responsabiliser quant aux déclarations qu’ils feraient sur la santé financière de leurs clubs avant le début de chaque saison. Ainsi, les instances dirigeantes du football français pourraient s’assurer du bon sérieux des nouveaux actionnaires de certains clubs et, très vite, détecter les Maillol ou autres acolytes du même acabit.

De même, et conséquemment, les instances dirigeantes françaises pourraient utilement appliquer le règlement de la Direction Nationale de Contrôle et de Gestion (DNCG) des clubs de football (dépendante de la FFF ou de la LFP en fonction des clubs contrôlés) qui stipule dans son annexe 2 qu’en cas de «comptabilisation irrégulière ou frauduleuse, de non-comptabilisation ou de communication d’informations inexactes» à la DNCG, celle-ci peut suspendre ou radier les dirigeants responsables.

Il est, à cet égard, très regrettable que la DNCG, la FFF et la LFP, ne fassent pas utilisation de cette disposition. Même quand il est prouvé que des dirigeants ont sciemment triché. Car à ne pas le faire, elles laissent, consciemment ou non, des dirigeants malhonnêtes à la direction de certains clubs.

Nous pourrions enfin envisager que les collectivités locales, lorsqu’elles subventionnent des clubs amateurs – dont certains n’ont parfois d’amateurs que le nom – aient l’obligation de les auditer de telle manière à s’assurer de la bonne utilisation des fonds publics qu’elles versent. Et que, si besoin était, les résultats de leurs investigations soient communiqués à la FFF.

Car après tout, qui dit subventions publiques, dit argent des contribuables. Et les collectivités locales pourraient alors être surprises de ce qu’elles découvriraient dans les comptes de certaines associations sportives.

En d’autres termes, il n’y a pas de fatalité. Le football a les dirigeants qu’il mérite. Et certains dirigeants n’aident clairement pas à renforcer la compétitivité du football français. M. Eric Besson devrait le savoir mieux que quiconque.

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